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Car la mort, devenue taboue dans nos sociétés est une aventure intime, singulière, familiale, culturelle, cultuelle, mais aussi politique et sociétal.
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En France, selon l'INSEE les décès ont lieu pour 60% à l'hôpital , 25% à domicile, 13, 5% en EHPAD et 1,5 % sur la voie publique.
Les personnes âgées sont des sources jamais taries de connaissances, passeuses expertes d'une langue, d'une histoire, d'une culture, d'une tradition, d'un savoir artisanal, d'une recette de cuisine, d'un bouturage de pêcher... Elles sont les témoins d'une société qui a connu deux guerres, des révolutions technologiques, les personnes âgées sont investies d'une fonction positive...
Si ce pouvoir de transmission permet de garder le lien entre la société et la personne âgée, elle est d'autant plus importante qu'elle permet de retrouver son identité loin de l'accumulation des pertes et de redevenir une personne admirable, avec la vieillesse comme alliée.
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Le handicap m'a appris à écouter, à être ouvert aux autres. Il m'a appris la patience, à être dans l'instant présent.
Pourquoi une Ode à la vieillesse ?
Parce que les personnes âgées sont notre passé et notre devenir
Parce qu'elles sont vivantes malgré les chagrins
Parce que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort
Parce qu'elles murmurent des mots d'amour
Parce qu'il faut écouter ce que leurs vieilles mains racontent
Parce que leur fragilité diaphane oblige
Parce qu'elles sont dignes
Parce qu'au fond de leur yeux on voit une petite flamme qui cligne
Parce qu'elles savent des secrets indicibles
Parce que leurs silences bruissent
Parce que leurs paroles coulent des sources du passé
Parce que leurs vieilles jambes les portent encore
Parce qu'elles sont gourmandes
Parce qu'elles sont le parfum de l'enfance
Parce qu'elles font semblant d'être sages
Parce qu'elles le valent bien !
Vieillir n'est pas un crime, et pourtant la maltraitance des personnes âgées est favorisée par leur vulnérabilité. Elles sont en effet souvent isolées, fragiles et souffrent de multiples handicaps qu'ils soient physiques, psychologiques, financiers, sociaux ou cognitifs. Les personnes qui les prennent en charge, qu'elles soient aidants familiaux ou professionnelles, ont parfois du mal à supporter cette faiblesse et cette situation.
Habiter un lieu, c'est être actif, agir sur le monde pour constituer son habitation, la cerner, en définir les contours, le seuil, en moduler les ouvertures et y être maître de l'hospitalité. La demeure, c'est ce qui demeure de vivant, d'intemporel, et qui permet cette intériorité du Moi. Les demeures des personnes âgées, leurs chez-eux, sont aussi au sens de Boris Cyrunlik leurs "bases de sécurité".
L'art en tant que source de vie, aide à dépasser les effets du vieillissement sur le corps, l'esprit et l'âme. La créativité et la passion des artistes sont au cœur de leur longévité, en témoignent Pablo Picasso, Victor Hugo, le peintre Pierre Soulage bientôt âgé de 102 ans et tous mes patients dès lors que l'on croit encore en leurs capacités enfouies sous le masque de la vieillesse.
Mes patients me font comprendre que s'ils prennent leurs distances avec le monde, c'est aussi parce que ce monde ne les reconnaît plus vraiment comme siens, ou les relègue à une place qu'il leur est impossible d'habiter, comme celle véhiculée par l'âgisme ambiant. La société n'est pas bienveillante avec le grand âge, car ces vieux qui sont improductifs, sont plutôt vus comme des poids, et surtout incarnent ce qu'elle ne veut pas voir : notre finitude. Cachez ces vieux que je ne saurais voir !
Avec le vieillissement, on se déprend d'un monde antérieurement construit, en opérant des choix qui s'inscrivent dans la continuité de vie de l'individu de manière singulière et non linéaire. Dit plus simplement, on va "s'économiser", se concentrer sur les relations qui "comptent" le plus, ou sur nos activités préférées (voyage, danse, pétanque, loto, mots croisés, feuilletons, séries télévisées, marché, tennis...) C'est donc l'heure des choix assumés...