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Citation de soltan


soltan
16 septembre 2013
C'est déjà fini, se répète l'enfant, c'est déjà fini. Mais ça ne finit pas. C'est la nuit mais il n'y a ni étoile ni lune, juste une force d'attraction terrible, une chute interminable. Il n'a aucun repère. Est-ce lui ce type sans slip qu'on force à ramper dans le vomi ? On le filme et il ferme les yeux, comme si ne pas regarder le téléphone portable le soustrayait à l'appareil. Mais la vidéo à peine finie est postée sur Facebook. Est-ce à lui, cette douleur en bas des reins ? Il reconnaît ses propres cris et sa morve coule dans sa bouche. On ouvre sa peau, on la déchire lentement, maladroitement, une capsule s'enfonce en vrille dans sa chair, qu'est-ce qu'ils inscrivent ? Je ne le verrai jamais, il pense. Comme un veau. Une bête à l'abattoir qui ne comprend pas ce que le fer a marqué. Je suis un petit veau. Etrangement, cette pensée le soulage un peu, il est à part, on l'a capturé et il ne peut se défendre, ce n'est pas une soumission, c'est une acceptation. La vie, c'est cela aussi. Cette fille qui crie "Enfonce-lui ! enfonce-lui ! ", elle a une voix trop aigüe, il semblerait qu'elle va en mourir, elle en mourra un jour et elle ne le sait pas. Cette autre qui applaudit en dansant, ce garçon qui l'insulte sans reprendre son souffle, et celui qui approche un briquet de ses poils pubiens, tous soudain, Enzo les voit comme ils ne se verront jamais. Et comme ils sont pourtant. Ce moment de torture, ils le partagent bien plus qu'ils ne le croient, chacun d'eux en souffrira, et pour toujours. Cela surgira un jour, une minute, une seconde peut-être, mais cela sera. Pas besoin de vidéo pour s'en souvenir, et plus ils utilisent le corps si vaste, si flasque et soumis du Russe, plus ils captent à leur insu le martyre d'Enzo Popov. Enzo décide de faire jaillir sa douleur, qu'elle les éclabousse tous et les damne, et tous se sentiront coupables sans le savoir jamais. Ils auront des reflux gastriques, des migraines et des phobies, ils auront des tics et des angoisses soudaines, ils aimeront des femmes dont ils se détourneront sans comprendre pourquoi et ils fuiront la beauté de leurs fils, ils craindront la sensualité et la délicatesse [...]. Ils attendront quelque chose qui ne viendra jamais. Une émotion qui toujours se dérobera. Une insouciance inatteignable. En torturant Enzo, ils anéantissent toute chance de bonheur. Leur crime est une ombre qui toujours les accompagnera. Ils ne le savent pas. C'est cela la grande punition. Ne pas connaître la joie. La quiétude. Sans en savoir la raison. Vous êtes maudits, pense Enzo, et toujours vos repos, comme vos moments d'allégresse, seront empoisonnés par cet après-midi où mon sang se mêle à votre pisse. Je ne vous pardonnerai jamais.
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