Un jour, je pourrai prendre une bouteille d'eau très fraîche et la boire d'une seule traite, sans souffler, sans respirer, d'une seule goulée, à en avoir le ventre plein à éclater. Bientôt, je pourrai boire toutes les boissons du monde et, surtout, avant tout, me saouler au champagne rosé, sans retenue, une sacrée cuite que ce sera, por tout laver. (p. 82)
La sensation est d'entrer de plus en plus dans une profonde coupure. Il y a un être social qui travaille, parle, se déplace, et un être sans nom qui se meurt. Là n'est pas une métaphore. L'organisme en insuffisance rénale est engagé dans un processus irréversible qui mène à la mort. C'est une réalité biologique que les discours médicaux ne peuvent pas défaire. "Vous irez en dialyse, on ne meurt plus d'insuffisance rénale depuis trente ans." Qui aurait le force de dire : "Vous vivez en ce moment une expérience terrible et vos viscères ne savent pas que l'hémodialyse existe et qu'elle les fera survivre."