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Citation de Partemps


THIBET




I

Des ailes...
Non.
Le vol plumeux n'a que faire aux sommets des cimes

Où jeux d'ouragans ne portent pas.
Ce n'est plus d'un frisson léger que se dompte ici cette rime.

Mais saccadant le roc sous mon pas,
A droit de vie à gré de mort, méprisant la plaine marine,

D'un pied dur j'aborde ta colline,
Bod, o
Tô-bod, o
THIBET ! lutrin du monde chantant,

J'ose en toi ce poëme exaltant.
Qu'il n'aille point « comme l'oiseau qui se nourrit de riz et graines »


Vautour tordant la broche du vers,
Ou l'effort redressé des millions de temps d'haleine.

Bec neuf dans la glace des hivers.
Et laissant l'homme s'ébaudir au verbe sonnant par sa bouche.

Noyé sous les flots de la langueur,
Puissé-je, — moi — scander à coups de reins dans ta grandeur

Cet hymne mouvant, ce don farouche,
Tribut d'essor escaladant à
Toi des pays le plus haut !


Mon cœur, qu'il en batte chaque mot.

II

Lors, que mon chant ne suive point en leur trop commune mesure

Ces vains jeux de mots encadastrés.
Le rytlime qu'il se fasse bond et, crevant la vieille masure,

Chemine au plus haut des cieux astres.
Et quel célébrant célébré, hauteur des vieux lieux liturgiques.

Prophète en haut-mal de l'avenir.
Quel récitant discipliné ou conducteur d'élans bacchiques,

Ne s'essoufflerait à ton gravir ?
Ou bien cet enfermé, — le fou ! — suaut son encre à domicile

Prend peur à ton immense horla.
N'opposez point la motte au mont : l'Horeb au
Tonnant de
Sicile.

L'Olympe petit au
Dokerla.
Mais sur les coupes de tes croupes, par les rimes de tes cimes, les créneaux

Béant en tes rejets synclinaux,
Et par les laisses de tes chaînes, par les cadences d avalanches

Des troupes de tes séquences blanches.
Il le faut : que, — magique au monde rare dont tu fais le toit, —

L'Hymne ne se fonde que sur toi.

III

Même si je meurs plongeur à la mer saumâtre, mauvaise au goût.

Ou nageur à plat dessus la plaine.
Ou de mort tiède étalé dans l'immobile lit trop doux.

Je n'omettrai point de mon haleine
Ardente, — cri de rappel, — le souvenir à voix d'airain

De ton premier geste souverain.
Thibet, d'un bond tu m'apparus, — le monde changé, — vierge énorme

Au delà des monts de mon désir; ant le
Ciel-Océan de ton promontoire sans norme,

Radjah du gigantesque gésir.
L'espace a durci ; le poids tombe; l'eau se fait lutte mouvante ;

Ici, tout dévale de ton haut ;
Et l'eau et l'espace et le poids et je ne sais quoi d'épouvante,

Descend, majestique en
Tes troupeaux :
Ces humains !
Ces taureaux enrobés ! des deux arcs m encornant, — deux mains m'empoignant.

Intrus et interdit dès l'orée ;
Ces géants grenats et grands, faces saintes, démarche délurée.

Ces bucrânes vivants et grognants
I

IV

Sois loue,
Thibet inhumain, pour ce front masqué de glaciers ;

(Je n'y vois d'insolites visages...) —
Marmonnants mufles de mes yaks, chanfreins de mes chevaux d'acier, —

(Je n'y vois d'insolites visages...)
Pour ton blason sans traits ni teint ; pour ta figure d'icoglan

(Je n'y vois d'insolites visages :
Je veux dire ici : vision soudaine d'un Être de l'autre clan,

D'Elles, en leurs magiques mirages
I
Larves douces douloureuses plus que tout remords vicieux

Je veux dire, ici, ces
Paysages
Vivants : deux sourcils, et un front, des joues amantes, et des yeux

Si lourds avec ce regard d'orage ;
Ces puits effrayés de se voir ; et cette source des dieux :

La bouche avec ses pouvoirs de rage,
Demi-mouvante demi-mue, et bue ou buvante à son gré,

Tout l'Etre aux horizons de naufrage ;
Dans la traîne du monde vrai si radieuse en ses ravages

Sans jamais s'y laisser intégrer !

V

Terre !
Terre !
Surhaussement du
Continent plus que lui-même

Roi, — se couronnant sur ton pouvoir.
A travers lui les vassaux vont et viennent, mouvant diadème,

Portant la rançon de leurs savoirs.
Ceux qui s'élancent sur des pieds à sabots griffus de démons ;

Les filles qui marchent d'un bond libre ;
Et ces longs serpents de tes eaux, nés du plus pur jet de tes monts :

Grands fleuves cherchant leur équilibre !
A travers gorges et ressauts sautant, roulant, fluant, bavant,

Ils mènent leur course à l'embouchure,
La vasque finale dissoute en son déhanché décevant :

La mer, hydropique bavochure ;
La mer sans monts, la mer sans front, la cuve d'ennui gris-de-plomb

Qui danse comme ours en ses marées ;
Prodige ! la voici par
Toi, — à tes pieds grimpante — halée,

La mer pérégrine à ton aplomb
I
Elle se courbe, elle est en route en son esclavage éphélide

Vers toi, véhément dans le solide !
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