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EAN : 9782715211520
160 pages
Le Mercure de France (21/02/1979)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Édition intégrale des cinquante-huit séquences
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THIBET




I

Des ailes...
Non.
Le vol plumeux n'a que faire aux sommets des cimes

Où jeux d'ouragans ne portent pas.
Ce n'est plus d'un frisson léger que se dompte ici cette rime.

Mais saccadant le roc sous mon pas,
A droit de vie à gré de mort, méprisant la plaine marine,

D'un pied dur j'aborde ta colline,
Bod, o
Tô-bod, o
THIBET ! lutrin du monde chantant,

J'ose en toi ce poëme exaltant.
Qu'il n'aille point « comme l'oiseau qui se nourrit de riz et graines »


Vautour tordant la broche du vers,
Ou l'effort redressé des millions de temps d'haleine.

Bec neuf dans la glace des hivers.
Et laissant l'homme s'ébaudir au verbe sonnant par sa bouche.

Noyé sous les flots de la langueur,
Puissé-je, — moi — scander à coups de reins dans ta grandeur

Cet hymne mouvant, ce don farouche,
Tribut d'essor escaladant à
Toi des pays le plus haut !


Mon cœur, qu'il en batte chaque mot.

II

Lors, que mon chant ne suive point en leur trop commune mesure

Ces vains jeux de mots encadastrés.
Le rytlime qu'il se fasse bond et, crevant la vieille masure,

Chemine au plus haut des cieux astres.
Et quel célébrant célébré, hauteur des vieux lieux liturgiques.

Prophète en haut-mal de l'avenir.
Quel récitant discipliné ou conducteur d'élans bacchiques,

Ne s'essoufflerait à ton gravir ?
Ou bien cet enfermé, — le fou ! — suaut son encre à domicile

Prend peur à ton immense horla.
N'opposez point la motte au mont : l'Horeb au
Tonnant de
Sicile.

L'Olympe petit au
Dokerla.
Mais sur les coupes de tes croupes, par les rimes de tes cimes, les créneaux

Béant en tes rejets synclinaux,
Et par les laisses de tes chaînes, par les cadences d avalanches

Des troupes de tes séquences blanches.
Il le faut : que, — magique au monde rare dont tu fais le toit, —

L'Hymne ne se fonde que sur toi.

III

Même si je meurs plongeur à la mer saumâtre, mauvaise au goût.

Ou nageur à plat dessus la plaine.
Ou de mort tiède étalé dans l'immobile lit trop doux.

Je n'omettrai point de mon haleine
Ardente, — cri de rappel, — le souvenir à voix d'airain

De ton premier geste souverain.
Thibet, d'un bond tu m'apparus, — le monde changé, — vierge énorme

Au delà des monts de mon désir; ant le
Ciel-Océan de ton promontoire sans norme,

Radjah du gigantesque gésir.
L'espace a durci ; le poids tombe; l'eau se fait lutte mouvante ;

Ici, tout dévale de ton haut ;
Et l'eau et l'espace et le poids et je ne sais quoi d'épouvante,

Descend, majestique en
Tes troupeaux :
Ces humains !
Ces taureaux enrobés ! des deux arcs m encornant, — deux mains m'empoignant.

Intrus et interdit dès l'orée ;
Ces géants grenats et grands, faces saintes, démarche délurée.

Ces bucrânes vivants et grognants
I

IV

Sois loue,
Thibet inhumain, pour ce front masqué de glaciers ;

(Je n'y vois d'insolites visages...) —
Marmonnants mufles de mes yaks, chanfreins de mes chevaux d'acier, —

(Je n'y vois d'insolites visages...)
Pour ton blason sans traits ni teint ; pour ta figure d'icoglan

(Je n'y vois d'insolites visages :
Je veux dire ici : vision soudaine d'un Être de l'autre clan,

D'Elles, en leurs magiques mirages
I
Larves douces douloureuses plus que tout remords vicieux

Je veux dire, ici, ces
Paysages
Vivants : deux sourcils, et un front, des joues amantes, et des yeux

Si lourds avec ce regard d'orage ;
Ces puits effrayés de se voir ; et cette source des dieux :

La bouche avec ses pouvoirs de rage,
Demi-mouvante demi-mue, et bue ou buvante à son gré,

Tout l'Etre aux horizons de naufrage ;
Dans la traîne du monde vrai si radieuse en ses ravages

Sans jamais s'y laisser intégrer !

V

Terre !
Terre !
Surhaussement du
Continent plus que lui-même

Roi, — se couronnant sur ton pouvoir.
A travers lui les vassaux vont et viennent, mouvant diadème,

Portant la rançon de leurs savoirs.
Ceux qui s'élancent sur des pieds à sabots griffus de démons ;

Les filles qui marchent d'un bond libre ;
Et ces longs serpents de tes eaux, nés du plus pur jet de tes monts :

Grands fleuves cherchant leur équilibre !
A travers gorges et ressauts sautant, roulant, fluant, bavant,

Ils mènent leur course à l'embouchure,
La vasque finale dissoute en son déhanché décevant :

La mer, hydropique bavochure ;
La mer sans monts, la mer sans front, la cuve d'ennui gris-de-plomb

Qui danse comme ours en ses marées ;
Prodige ! la voici par
Toi, — à tes pieds grimpante — halée,

La mer pérégrine à ton aplomb
I
Elle se courbe, elle est en route en son esclavage éphélide

Vers toi, véhément dans le solide !
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CONSEILS AU BON VOYAGEUR




Ville au bout de la route et route prolongeant la ville : ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien alternées.

Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la : plaine ronde libère. Aime à sauter roches et marches ; mais caresse les dalles où le pied pose bien à
plat.

Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule.

Garde bien d'élire un asile. Ne crois pas à la, vertu d’une vertu durable : romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à
la fadeur.

Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles,

Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve Diversité.
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CHAR EMPORTÉ




Que le sage seigneur de Lou dénombre ses chevaux avec orgueil ; ils sont gras et ronds dans la plaine : les uns jaunes, les uns noirs, les autres noir et jaune.

À son gré il les attelle, les accouple, les quadruple et les mène où il veut avec sécurité.

o

Je suis mené par mes pensées, cavales sans mors, -- une à une, deux à deux, quatre à quatre, tirant mon char incessant.

Belles cavales de toutes les couleurs : celle-ci pourpre et aubère-rose, cette autre noir-pâle avec les sabots cuivrés.

Je ne les touche point. Je ne les conduis pas : la vitesse élancée me détourne de voir avant.

o

Quel éperdu dans ma course à rebours ! Sans lampe ni rênes, roulant d'un fond à l'autre des ténèbres seulement cinglées d'éclats des sabots choqués
!

Je sais pourtant les pistes familières, le lieu où la Rouge hennit, où la Maigre bute et se couronne ; la fourche où l'attelage hésite et le mur que tout vient frapper
du front.

Sous mes doigts caressant la pierre aimante, fidèle au Midi, je garde le sens de la lumière.

o

Ha ! les foulées doublent et la vitesse et le vent. L'espace fou siffle à ma rencontre ; l'essieu brûle, le timon cabre, les rayons brillent en feu d'étoiles :

Je franchis les Marches d'Empire : je touche aux confins, aux passes ; je roule chez les tributaires inconnus.

Aux coups de reins se marque le relais : la bête qui m'emporte a le galop doux, la peau écailleuse et nacrée, le front aigu, les yeux pleins de ciel et de larmes :

La Licorne me traîne je ne sais plus où. Bramant de vertige, je m'abandonne. Qu'ils descendent au loin sous l'horizon fini les chevaux courts et gras du sage seigneur Mâ, duc de
Lou.
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AUX DIX MILLE ANNÉES



Ces barbares, écartant le bois, et la brique et la terre, bâtissent dans le roc afin de bâtir éternel !

Ils vénèrent des tombeaux dont la gloire est d'exister encore ; des ponts renommés d'être vieux et des temples de pierre trop dure dont pas une assise ne joue.

Ils vantent que leur ciment durcit avec les soleils ; les lunes meurent en polissant leurs dalles ; rien ne disjoint la durée dont ils s'affublent ces ignorants, ces barbares !

o

Vous ! fils de Han, dont la sagesse atteint dix mille années et dix mille milliers d'années, gardez-vous de cette méprise.

Rien d'immobile n'échappe aux dents affamées des âges. La durée n'est point le sort du solide. L'immuable n'habite pas vos murs, mais en vous, hommes lents, hommes
continuels.

Si le temps ne s'attaque à l'oeuvre, c'est l'ouvrier qu'il mord. Qu'on le rassasie : ces troncs pleins de sève, ces couleurs vivantes, ces ors que la pluie lave et que le soleil
éteint.

Fondez sur le sable. Mouillez copieusement votre argile. Montez les bois pour le sacrifice : bientôt le sable cédera, l'argile gonflera, le double toit criblera le sol de ses
écailles :

Toute l'offrande est agréée !

o

Or, si vous devez subir la pierre insolente et le bronze orgueilleux, que la pierre et que le bronze subissent les contours du bois périssable et simulent son effort caduc :

Point de révolte : honorons les âges dans leurs Chutes successives et le temps dans sa voracité.
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CITE VIOLETTE INTERDITE




Elle est bâtie à l'image de Pei-king, capitale du Nord, sous un climat chaud à l'extrême ou plus froid que l'extrême froid.

À l'entour, les maisons des marchands, l'hôtellerie ouverte à tout le monde avec ses lits de passage ses mangeoires et ses fumiers.

En retrait, l'enceinte hautaine, la Conquérante aux âpres remparts, aux redans, aux châteaux d'angles pour mes bons défenseurs.

Au milieu, cette muraille rouge, réservant au petit nombre son carré d'amitié parfaite.

Mais, centrale, souterraine et supérieure, pleine de palais, de lotus, mes eaux mortes, d'eunuques et de porcelaines, -- est ma Cité Violette interdite.

o

Je ne la décris pas ; je ne la livre pas ; j'y accède par des voies inconnues. Unique, unique et solitaire, mâle étrange dans ce troupeau servant, je n'enseigne pas ma
retraite : mes amis, si l'un d'eux songeait à l’Empire !

Or, j'ouvrirai la porte et Elle entrera, l'attendue, la toute-puissante et la tout inoffensive,

Pour régner, rire et chanter parmi mes palais, mes lotus, mes eaux mortes, mes eunuques et mes vases,

Pour, -- la nuit où elle comprendra, -- être doucement poussée dans un puits.
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Vidéo de Victor Segalen
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