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Citation de Dorian_Brumerive


C'est vraiment une jouissance et une ivresse que de voyager dans la steppe, où la terre verte et le ciel bleu unissent leurs deux immensités ! Mais ce n'est pas à la veille de l'hiver qu'il faut parcourir ces vastes plaines. L'automne les assombrit de teintes tristes, qui leur prêtent un faux air de maladie et de souffrance.
Le triomphe de la steppe est au printemps, qui la couronne de rayons et de verdure. Alors, les tiges montent en fusées et retombent en pluie de perles et d'étoiles, de boutons et de fleurs. L'écorce des arbres se déchire, pareille à un corsage trop étroit, et sous la fine dentelle des premières feuilles, les bourgeons mettent de jolies pointes roses, comme des seins vierges de jeunes filles. Les oiseaux de passage reviennent, traversent les airs en longues troupes, s'abattent au bord des étangs et des rivières débordées. Du milieu des flots grossis par la fonte des neiges et qui, peu à peu, s'abaissent, les îles du Dniepr émergent de nouveau, laissant flotter dans le courant les longues branches des saules, comme des chevelures de femmes noyées. Debout sur les kourganes (tombeaux préhistoriques), on aperçoit de grands aigles, dans une immobilité héraldique, tandis que des éperviers planent en décrivant lentement des cercles noirs dans l'azur. Au-dessus d'un ravin, des outardes défilent en caravane précédées de leurs éclaireurs. Des tourbillons de corneilles passent comme une nuée sombre, chassée par un coup de vent, et s'en vont bien loin, s'abattre sur les maigres bouquets d'une oasis d'arbres perdue dans le verdoyant désert. L'air vibre, tout rempli de cris harmonieux ou stridents, de chants d'oiseaux, de bourdonnements d'abeilles, de sussurrements d'insectes, de grincements de sauterelles. Au crépuscule, les cailles jettent leur note monotone et les perdrix font entendre leur appel. Un concert formé de mille voix, des aubades et des sérénades délicieuses, réveillent la nature, cette belle aux champs dormant qui, toujours aussi jeune, rouvre les yeux au milieu de son palais restauré et refleuri.
La transition des neiges de l'hiver aux fleurs de printemps est si prompte, si brusque, qu'on dirait la naissance d'un monde nouveau, l'épanouissement subit d'une terre vierge sous la chaleur fécondante du soleil. Il y a dans les airs et dans les herbes une fête nuptiale charmante, un embrassement d'amour universel, des noces ailées et voltigeantes d'abeilles, de papillons, d'oiseaux; une montée de sève générale, une ripaille effrenée de baisers, une immense étreinte sur le lit frais et parfumé des herbes et des fleurs nouvelles ! On n'entend que battements d'ailes, frôlements d'écailles, roucoulements, gloussements et bêlements d'êtres pâmés. Tout s'agite, tout chante, tout aime et soupire dans une poussée de passion, dans une exubérance de vie, dans un élan fougueux de douce union. Et, au milieu de ces tendresses chantées, de cette musique de mélodies printanières, une volupté ineffable s'échappe de la terre chaude et frémissante de tant de caresses, monte dans l'air, vous envahit, vous trouble et vous grise !
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