Victoria Lomasko does graphic reportage and collaborates with the media as an artist-journalist. Actively takes part in modern art and alternative comics exhibitions.
Goethe-Institut Russland, 12 mars 2012.
« A Moscou, les flics se tiennent près des 'points chauds' et prélèvent un pourcentage sur chaque passe. Du coup, les filles doivent enchaîner encore plus de clients », m'ont raconté des filles qui avaient été 'en tournée' à Moscou. Tout est plus dur dans la capitale. Une fille est revenue de tournée avec une balafre.
« Les flics sont contre la légalisation alors qu'ils sont tous des clients » ont ironisé les filles. « Nombre d'entre eux tiennent leur propre agence sous le couvert de salons de massage. »
(p. 117)
La projection au Jam Hall de 'La vie d'Adèle' (qui passait sans incidents dans d'autres cinémas de Saint-Pétersbourg) fut interrompue par une alerte à la bombe. La police fit sortir les spectateurs par la porte de service. A l'entrée principale, le député du parti 'Russie unie' Vitali Milonov exigea que « la police libère les enfants que les sodomites [retenaient] de force à la projection. »
Une vingtaine de petites frappes étaient venues soutenir le député.
En attendant le 'déminage' du cinéma, les spectateurs du festival LGBT trouvèrent refuge dans un café voisin, mais quelques personnes, dont moi-même, préférèrent traîner dans la rue. Un policier vint me voir :
« Dites aux 'vôtres' de ne pas rester dans la rue, mais de se cacher dans le café. On pourrait les attaquer. »
« Ils ne veulent pas aller au café. »
« C'est dangereux... Encore qu'ils aient l'air de gens normaux. Ils ne se feront peut-être ni remarquer, ni attaquer. »
Les paroles du policier me choquèrent, mais ne me surprirent guère. Ce qui me surprenait était l'absence de soutien au festival LGBT de la part des militants des Droits de l'Homme et des activistes de gauche de Saint-Pétersbourg.
(p. 223)
Oleg est un skinhead. Tout a commencé quand il avait huit ans, lorsqu'il a été témoin du meurtre d'un de ses amis, poignardé par des adolescents du Caucase qui voulaient s'emparer de son téléphone. A quatorze ans, Oleg a monté un 'club de combat' dont il était le plus jeune membre. [...] Oleg a raconté que la population de sa petite ville de province se divisait en skinheads, Caucasiens et ploucs. Il a été condamné pour homicide en réunion. Il s'attendait à être décoré - pour patriotisme - et non pas à être puni. Dans la colonie [pénitentitaire], Oleg gardait le moral en étudiant les langues étrangères, la philosophie et l'économie. Il rêvait de devenir un homme politique important : 'Les condamnations de Ianoukovytch ne l'ont pas empêché de devenir président.'
(p. 41)
Les filles [prostituées] changent souvent d'agence.
Elles viennent et partent selon leur propre emploi du temps et gagnent entre 30 000 et 60 000 roubles (de 430 à 860 euros) par mois. Nombre d'entre elles sont mariées et bossent avec l'accord de leur mari. La plupart ont des enfants. Certaines ont un travail légal en parallèle. Beaucoup de filles entretiennent leur mari ou leur compagnon. « Quand tu te mets à table, a conseillé l'une d'elles à une autre, dis-lui : 'Bon appétit ! J'ai failli m'étouffer avec une bite pour pomper de quoi te nourrir !' »
Une de ces 'dames', qui entretient déjà son troisième ou quatrième mari, a fièrement raconté que cet été elle irait à la mer en Crimée.
(p. 103)
- Mon fils s'est emparé de ma chambre dans la baraque et m'a dit : « Va-t'en ! Je veux boire librement. »
C'est ainsi que cette ancienne enseignante de village a commencé son récit. Sans domicile, elle loge chez de vieilles connaissances tant que celles-ci peuvent la supporter. On ne veut pas d'elle à l'hôpital non plus. Les médecins rechignent à lui offrir des médicaments et lui expliquent qu'elle « devrait vivre moins ».
(p. 16)
Le 9 mai, le jour de la victoire contre le nazisme, les élèves de l'école de Nikolskoïé ont donné un récital sous la direction des professeurs de musique et d'éducation physique. Les invités sont arrivés : deux vétérans éméchés, deux diplômées de l'école, trois grands-mères et une vieille enseignante retraitée qui a pleuré durant tout le concert.
[ chant : « Les victimes renaissent de leurs cendres
Et se lèvent à nouveau
Et se lèvent à nouveau ! » ]
Les élèves les plus âgés sont touchés par la 'Grande Guerre Patriotique'*. Beaucoup de leurs grands-parents ont pris soin de leur raconter leurs souvenirs d'enfance et notamment comment les fascistes ont défilé dans Nikolskoïé. Toutefois, les autres événements de l'Histoire russe ne leur semblent être que des textes ennuyeux dans les manuels scolaires.
* nom donné en URSS puis en Russie à la seconde Guerre mondiale