Eugénie se souvient de ce fait divers qui remonte à une trentaine d’années : une prénommée Ernestine aspirait à s’émanciper de son rôle d’épouse en prenant des cours de cuisine auprès de son cousin chef cuisinier, espérant elle-même un jour être derrière les fourneaux d’une brasserie ; son mari, ébranlé dans son rôle dominant, l’avait fait interner à la Salpêtrière. Nombre d’histoires depuis le début du siècle font écho à celle-ci et se racontent dans les cafés parisiens ou les rubriques faits divers des journaux. Une femme s’emportant contre les infidélités de son mari, internée au même titre qu’une va-nu-pieds exposant son pubis aux passants ; une quarantenaire s’affichant au bras d’un jeune homme de vingt ans son cadet, internée pour débauche, en même temps qu’une jeune veuve, internée par sa belle-mère, car trop mélancolique depuis la mort de son époux. Un dépotoir pour toutes celles nuisant à l’ordre public. Un asile pour toutes celles dont la sensibilité ne répondait pas aux attentes. Une prison pour toutes celles coupables d’avoir une opinion.