Virginie Cailleau

- Il y a un journaleux qui s'est permis de m'aborder, hier soir, afin de me demander si je ne pouvais pas lui obtenir en loucedé des photos de la scène du crime, dans le fond de la crypte. Moyennant des p'tits sous, évidemment. J'ai noté le nom du torchon qui l'emploie avant de lui souffler dans les bronches. Si malgré tout il n'a pas compris et qu'il se repointe chez moi... j'en parlerais au major. Lui, il saura s'occuper de son cas et de son papelard à sensation. Un vrai journaliste ne s'abaisserait jamais à des pratiques aussi méprisables, mais ces espèces de paparazzis n'ont aucune décence ! Bon Dieu ! Ces draules ont été égorgés, éviscérés, démembrés, castrés, privés de toute dignité, et cette espèce de... charognard voudrait exhiber les cadavres pour faire du fric ! Un peu de respect pour les morts, quand même ! Sans compter le regain de souffrance pour les familles.

L'odeur leur sauta au visage, mélange écœurant de renfermé, de poussière, de sang et d'entrailles. Dans le fond, assise sur les marches, une jeune femme égorgée les fixait de ses yeux vitreux. Ses pieds reposaient sur la poitrine d'un homme qui avait été émasculé. Le corps de celui-ci recouvrait les jambes d'une femme aux cheveux roses, également égorgée, mais, de plus, éviscérée. Une dernière victime masculine avait également été castrée et assise contre un cercueil. Des empreintes de chaussures apparaissaient en de nombreux endroits dans le sang séché.
Les gendarmes se relevèrent lentement, blêmes.

- Vous n'y êtes pas allé de main morte avec ce pauvre garçon ! fulmina Martineau dès que la porte se fut refermée. Ça ne fait même pas vingt-quatre heures qu'il a découvert ses amis égorgés et éviscérés !
- Vous avez raison, mais j'ai estimé que ça ne lui ferait pas de mal de se faire secouer un peu les puces et d'être mis face à ses responsabilités. Il est plus que temps que son âge mental rejoigne son âge chronologique et qu'il comprenne que le fait d'être jeune et mal élevé ne le place pas au-dessus des lois.

L'odeur était épouvantable. La tête lui tournait, le sueur lui piquait les yeux, de désagréables bouffées de chaleur se succédaient à un rythme soutenu, sa poitrine lui donnait l'impression d'être comprimée dans un étau et, surtout, il étouffait de façon si réelle qu'il était certain d'en mourir à petit feu. Son cœur battait si fort qu'il ne pouvait qu'espérer le voir lâcher brusquement. Il tentait désespérément de se relever, mais son corps refusait de lui obéir.

- Savez-vous comment on appelle une voyante qui lit l'avenir dans le sucre en poudre au lieu du marc du café ?
- Non.
- Une voyante extra-glucide.