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Citation de PatriceG


Katia , la passion d'un tsar

Dans son voyage en Russie, Théophile Gautier nous a laissé du Tsar Alexandre II (1818-1881) , qui régna sur son immense empire à partir de l'an 1855, un portrait avantageux ..

Oui donc Théophile notre grand romantique français nous vante l'élégance du Tsar Alexandre II sur laquelle je ne vais pas m'étendre : "C'était une sorte de veste ou de jaquette blanche que portait ce soir là le nouveau Tsar, descendant jusqu'à mi-cuisse, à brandebourgs d'or, bordée en renard bleu de Sibérie au col, aux poignets et sur le pourtour, étoilée au flanc par les plaques des grands ordres.."

Ce qui est sûr, c'est que ce bel homme avait bon coeur. Un jour, un autre, son père lui demanda ce qu'il eût fait des conjurés du 14 décembre, il était encore enfant, il répondit : "je leur aurais pardonné"

Côté amour, puisqu'il fallait bien le marier, il ne trouva pas chaussure à son pied dans toute la liste des prétendantes des diverses cours d'Europe. Il s'éprit non pas d'une roturière mais de la fille naturelle du baron August de Grancy : "une jeune fille à la peau de lait encadrée de bandeaux d'un noir d'ébène, le regard bleu noyé de mélancolie". Voilà ce qu'il vit un autre jour encore dans une loge au théâtre, il la revit le lendemain au bal donné en son honneur (à lui bien sûr). Et c'est parti mon kiki ! Elle s'appelait Marie et était belle comme le jour !..

Le couple impérial filait un parfait amour. Marie donna huit enfants à Alexandre. C'était bien rêver que de penser que la cour impériale après l'absolutisme de Nicolas 1er le père et une Russie traversée par la guerre de Crimée, la famine côté peuple qui ne dit même pas merci quand Alexandre II le libéra du servage, qui touchait plus de vingt millions d'âmes, allait ainsi rester sur cette impression de libération et de nouveau souffle impulsée à cette grande terre de Russie, bien grande pour le jeune Tsar.

Côté alcôve, le couple n'alla plus, puisque la fragilité de la Tsarine, accentuée par le deuil du jeune Nicolas, son fils chéri, la fit renoncer à offrir son lit au Tsar, sous peine de grave complication de santé.

Déçu du peuple, déçu, mortifié même par son nouveau sort, de père endeuillé et de mari repoussé par sa femme malgré elle dont la santé s'étiolait, le Tsar d'habitude si ouvert à tout s'assombrissait. "La noblesse ne lui pardonnait pas l'oukase du 19 février 1861. Cette réforme ruinait de nombreux propriétaires fonciers et poussait les paysans vers la ville, incapables d'acheter les terres qu'on leur proposait". Dans les villes, par contrecoup naissaient des mouvements révolutionnaires manifestant leur hostilité au régime, le nouveau prolétariat était sensible à leurs messes pas très orthodoxes.

Ainsi naissait ce qu'on a peut-être du mal à comprendre qui est cette insurrection latente du peuple et cette époque pré-révolutionnaire. Le monde économique et social russe ne s'y retrouvait pas. Du dialogue de sourds de part et d'autre, des pans entiers de la Russie éternelle glissaient gentiment vers ce qu'il est convenu d'appeler un heurt social d'une rare violence. Il restait pourtant une chance du côté de la foi profondément enracinée dans le peuple, mais même celle-ci ne va pas porter chance à ses cohortes de fidèles, la situation sera trop confuse pour un recours à l'union, ce sera la débandade qui profitera aux révolutionnaires de tout poil.

C'est sur ces eaux marécageuses que le Tsar Alexandre II va devoir dans son palais d'Hiver renouveler d'ingéniosités s'il veut s'en sortir. Je ne suis pas sûr que les gourous consultés lui soient d'un grand secours !..

Alors comme il arrive souvent dans la tragédie d'un homme qui a en main le destin d'un peuple et qui ne sait plus trop quoi faire, il va vouloir s'oublier un peu, faire comme si la vie continuait, aller inaugurer les chrysanthèmes, multiplier les maladresses plutôt que de convoquer le pays, mais est-ce encore bien possible ? Le trouble inexorable qui règne dans les grandes villes est intense, le malheur viendra de ce nouveau prolétariat avec l'Antéchrist. Pendant que le peuple des campagnes ne mange toujours pas à sa faim, c'est pourtant lui qui va supplier le Tsar de faire quelque chose..Le Tsar qui est sur orbite comme un électron libre va céder à la pulsion de la chair, -c'est bien sûr son affaire- et contre toute attente comme si tout acte du souverain devait faire écho dans la terre entière, il va succomber aux charmes d'une ravissante demoiselle de dix sept ans qui répond au nom de Katia, je ne sais pas si cela va lui rappeler un précédent vingt-sept ans plus tôt, c'est Fédoroski qui le dit, et je laisse à la fois au lecteur et à Vladimir Fédorovski de lire et de raconter dans le menu cette histoire idyllique qui va illusoirement faire revivre le palais d'Hiver et prolonger d'autant la tsarisme. Ce tsarisme s'exercera désormais avec une forme de rémanence, à la merci du moindre soubresaut ..

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