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Citation de SZRAMOWO


Un mois et deux jours s’étaient écoulés depuis que les juges, acclamés par le peuple d’Athènes, prononcèrent la sentence de mort du philosophe Socrate, accusé d’avoir détruit la foi aux dieux. Il était pour Athènes ce qu’un œstre est pour le cheval. L’œstre pique le cheval pour qu’il ne s’endorme pas et qu’il aille vaillamment son chemin. Le philosophe disait au peuple d’Athènes : « Je suis ton œstre, j’aiguillonne ta conscience, pour que tu ne t’endormes pas. Ne dors donc pas, veille et cherche la vérité, ô peuple d’Athènes ! »
Et le peuple, dans un accès de cruel dépit, voulut se délivrer de son œstre. « Il se peut que les dénonciateurs Mélite et Anite aient tort, disaient les citoyens en quittant la place après le jugement. Mais enfin que veut-il et où va-il ? Il fait naître les doutes, il détruit les opinions sanctionnées par des siècles, il parle des nouvelles vertus qu’il nous faut chercher et connaître, il parle d’une divinité qui nous est encore inconnue. L’audacieux, se croit-il donc plus sage que les dieux ?... Non, il vaut mieux que nous revenions aux anciens dieux familiers et bien connus ! Ils sont injustes parfois, il est vrai ; ils entrent dans des colères iniques, ils convoitent quelquefois les femmes des mortels. Mais n’est-ce pas avec eux qu’ont vécu nos ancêtres dans une parfaite tranquillité d’âme ; n’est-ce pas avec leur aide qu’ils accomplissaient leurs hauts faits ? Et maintenant les images des Olympiens sont assombries et la vieille vertu a succombé. Qu’en résultera-t-il donc ? Ne faut-il pas d’un seul coup mettre fin à la sagesse impie ? »
C’est ainsi que parlaient entre eux les Athéniens, en quittant la place à l’heure du soir voilée de bleu. Ils résolurent de mettre à mort l’œstre importun, dans l’espoir que dès lors les visages des dieux s’éclairciraient. Il est vrai que la douce image de ce drôle de philosophe surgissait parfois dans l’esprit des citoyens ; ils se souvenaient alors du courage avec lequel il partagea avec eux les peines et les dangers à Potidée ; ils se souvenaient également que lui seul réussit à détourner de leurs têtes la honte du châtiment injuste des chefs de l’armée d’Arginus ; — que lui seul osa élever la voix, sur les places publiques, contre les tyrans qui tuèrent quinze cents hommes, en questionnant sur les pasteurs et les brebis. « Qu’entendez-vous par bon pasteur ? disait-il. Celui qui multiplie et garde son troupeau ? Ou bien, les bons pâtres sont-ils appelés à diminuer le nombre de leurs brebis ; de même les bons administrateurs doivent-ils agir ainsi envers les citoyens ? Discutons cette question, Athéniens ! »
Et la question du philosophe, seul et désarmé, faisait pâlir le visage des tyrans et enflammer les yeux des adolescents du feu d’une honnête indignation et d’une juste colère...
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