— Écoutez, dit-il, il est déjà 14h30 et j'ai promis aux gars des journaux et du cinéma que vous lèveriez l'ancre à 15 heures. Je crains que vous ne deviez partir comme ça.
— Sans traîneaux ni boussoles ?
— Et pourquoi pas ? On peux fabriquer des traîneaux à partir de n'importe quoi. Et pour ce qui est de la navigation, à quoi sert le soleil ? À vrai dire, Robin, j'ai l’impression que cette expédition est un peu molle du genou. Ça ne vous ferait pas de lal de vous heurter à quelques petites difficultés.
— Comme mourir de faim ou couler ?
— Eh bien, ça ne serait pas si..., débuta-t-il avant de s'interrompre. Eh bien, dans le pire des cas, je pourrais dépêcher une expédition de secours.
— Ça ferait deux bonnes histoires, dis-je.
– Salut, Robin, me dit Herbst à l’autre bout du fil. C’est moi. Que diriez-vous d’aller au pôle Sud ?
Voilà un autre problème avec Herbst. Il traîne avec un tas d’écrivains, et ils lui ont donné une vision de la vie plutôt théâtrale. Il croit que les grands patrons parlent comme ça, qu’ils s’expriment sans détour. Ça impressionne probablement beaucoup de monde, mais moi, ça me fatigue.
– Je ne veux aller nulle part, déclarai-je. Je suis très bien là où je suis.
Il ne prêta aucune attention à mes paroles.
– Passez demain matin : nous réglerons les détails.
– Écoutez, Herbst…, commençai-je, mais il avait déjà raccroché.
Pendant un moment, je pensai ne pas y aller. Quand un homme a dérivé deux mille milles sur un iceberg en compagnie d’un ours polaire irascible, ça change son point de vue sur pas mal de choses – notamment les directeurs de journaux. Ils ne peuvent pas vous siffler comme si vous étiez un garçon de bureau ou un sénateur.