Nous avions convenu d’un titre un poil plus vendeur pour le quatrième tome encore à l’écriture. Beaucoup plus ambitieux : Biarritz en vagues. J’étais occupé à tisser une intrigue liant les différentes écoles de surf qui se font une concurrence pas toujours fair-play. Une petite mafia locale, avec des moniteurs au look de GO parfaitement interchangeables d’une école à l’autre. Arno à la chevelure blonde et au regard de sable avec une barbe de trois jours, Clément à la chevelure blonde et au regard de sable avec une barbe de quatre jours, Nico à la chevelure blonde et au regard de sable avec une barbe de cinq jours… Tous avec les mêmes traits de crème solaire bien en vue sur leurs joues. Le signe de ralliement de la tribu du surf. Et l’art de déambuler avec la combi ouverte, pendante sur les hanches. Surf et pectoraux sont aussi intimes que cyclisme et cuisses, javelot et épaules, boules et Ricard.
Je n’étais pas particulièrement fier de mes écrits. Mais je vivais pour et de ma plume avec l’aide de Baptiste, mon vieil éditeur devenu un ami au fil des saisons littéraires. C’était déjà beaucoup. Suffisamment pour vivre en totale autonomie financière. Et même pour me permettre quelques consommations de produits inutiles.
En plus d’avoir partagé sa belle vie, je suis devenue son manager et porte-parole aux quatre coins de la planète et des hot spots. C’est le seul moyen que j’ai pu trouver pour passer un peu de temps avec mon homme… et ce fut le décollage de ma carrière. Au-delà de mes espérances. Je te l’assure, grâce à un concours de circonstances. J’étais là au bon moment et j’ai ensuite saisi ma chance. Tout ce que le show-biz compte de stars anglo-saxonnes a alors exigé mes services lorsqu’il s’agissait de passer sur les ondes de RTL à Paris ou à Bruxelles. Mais c’est évidemment mon champion qui occupait le plus de pages sur mon agenda. Et quel plaisir de l’accompagner sur le circuit pro... Une bande de malades ! Malades de leur sport, en manque de vagues, et dans un environnement de rigueur absolue. Un mélange de vie écolo, bio et de yoga. Une fêlure contrôlée pour ces casse-cou bien trop conscients des risques pris.
Son regard malicieux me donnait la sensation qu’elle préparait un petit quelque chose pour les jours à venir. Un soupçon d’intuition féminine me mettait en état de préalerte. Defcon 3 : « Accroissement de la préparation des forces au-dessus de la préparation normale ». Sur une échelle de 1 à 5 dans le jargon des forces armées des États-Unis, je me préparais à affronter l’ennemi. Charmant mais intrusif. J’étais déjà assez éloigné de ma cote d’alerte minimale de Defcon 5 de ces vingt dernières années. Le temps de paix s’éloignait.
Un bon verre de cognac entre mes doigts me rendait plus pensif encore. J’aurais dû profiter de l’heure me séparant de notre prochain rendez-vous pour aligner quelques mots sur mon Vaio. Des mots qui auraient satisfait les exigences de mon éditeur. Des mots qui ne viendraient pas aujourd’hui, tant les émotions se bousculaient en moi. Il y a deux jours, j’étais toujours dans l’attente d’elle. Or depuis hier, je ne voyais qu’elle et j’avais pourtant le sentiment de passer à côté de nos retrouvailles.
Ces grands sportifs ne résistent pas à tous les sports, surtout à la veille d’une compétition. Il m’en a bien voulu, car il a failli être forfait et ses performances de cette étape n’auront pas été à la hauteur. Un manque d’entraînement en quelque sorte…