Kaïngara connaît les passes entre les doigts crochus de la mangrove et les bouquets de roseaux. Chaque fois qu’il pousse sur sa pagaie, le mouvement régulier tend son buste et bande ses muscles durs sous sa peau de cuivre.
— Tu vois ces tourbillons, dit-il en désignant du doigt les remous dans l’eau jaune. C’est là que se trouvent les esprits des anciens.
D’ordinaire, Kaïngara parle peu, juste un sourire franc sur ses grosses dents d’ivoire.
— Les esprits des ancêtres ? demande Ballancourt.
— Oui, ceux qui n’ont pas encore retrouvé leur maison. Il faut faire attention, il y a beaucoup de tourbillons par ici. Il ne faut jamais voir un esprit, ni savoir d’où vient sa voix.
— Pourquoi ?
— Tu risques la mort…