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La vapeur s’élevait dans l’air, formant un vaste écran de fumée et grand-mère dit, sans savoir si elle s’adressait à Hua Kejiu ou seulement à elle-même : aucune ville ne saurait être éternellement prospère, ni aucune tomber en décadence durable. Nous sommes tous logés à la même enseigne : aucun bonheur n’est impérissable, aucun malheur n’est sans limite.

Extrait de « Histoire du Bourg fertile »

Comme les gens étaient heureux ! On buvait avec entrain et on s'inventait mille prétextes pour organiser des soirées pendant les heures de liberté. Les filles y venaient vêtues comme des princesses, en longue robe de velours à traîne, sertie d'agates et de perles, et chaussées de véritables souliers de verre. Lors d'un gala de la fête du Bourg, Miss Bourg Fertile avait piqué dans ses cheveux un hortensia parfumé. Afin de lui conserver toute sa fraîcheur, la jeune fille avait élaboré une coiffure extraordinaire pour dissimuler dans son chignon un verre d'eau dans lequel elle avait piqué la fleur. Par un fait surprenant, l'eau du Bourg, comme sa terre, avait la faculté de continuer à faire grandir les plantes et de les faire fleurir. Au cours du bal, l'hortensia ne cessa de s'épanouir. Il devint de plus en plus haut, de plus en plus gros, on aurait dit que Miss Bourg Fertile portait sur la tête une corbeille de fleurs. Lorsque la soirée prit fin, l'hortensia était si considérable que la jeune fille ne pouvait plus passer la porte. On dut se résoudre à en cueillir les pétales un à un pour les offrir aux dames de l'assemblée qui les tenaient à la main comme autant d'éventails de plumes.

Extrait de "Histoire du Bourg Fertile"

Les tracas ne proviennent jamais que d'une attention exagérée que l'on porte aux choses.

Pourquoi, au fond, accorder tant d'importance à notre environnement ? Si nous prêtons trop d'attention aux prairies, nous nous apercevrons qu'elles sont jaunes et desséchées. Si nous prêtons trop d'attention à la terre, nous nous apercevrons qu'elle s'est appauvrie. Si nous prêtons trop d'attention à l'atmosphère, nous nous apercevrons que nous respirons un air pollué. Si nous prêtons trop d'attention à notre nourriture, nous nous apercevrons qu'elle est infestée de bactéries. Quel avantage aurions-nous à agir ainsi ? Le seul résultat serait de faire de nous des imbéciles tourmentés.

J'ai porté un jour chez le cordonnier une paire de chaussures endommagées afin qu'il les répare ; elles sont revenues avec un morceau de pneu collé sous la semelle, et pourtant, mes pieds ne glissaient pas plus vite pour autant.

Lorsque j'écris, je peux me contenter d'eau claire et d'un morceau de chocolat. J'installe simplement sur ma table une pile de livres sous laquelle je glisse les pages une fois écrites afin d'éviter qu'elles ne s'envolent sous le souffle du ventilateur.

Les tracas ne proviennent jamais que d’une attention exagérée que l’on porte aux choses.