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Critiques de Yael Mellul (5)
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Mon combat contre l'emprise et le suicide f..

Mon combat contre l'emprise et le suicide forcé - Témoignage - Yael Mellul - Éditions Michel Lafon - Sorti le 25 février 2021 - Lu entre le 24 et 26 février 2021.



Un tout tout grand merci à Babelio et aux éditions Michel Lafon pour l'envoi de ce témoignage passionnant de Yael Mellul, avocate pénaliste de formation - Masse critique du 10 février 2021.



Première critique sur ce livre tout nouvellement édité, je vais faire de mon mieux. A plus d'un titre, ce témoignage est passionnant car il nous entraîne dans le parcours ô combien difficile de Yael Mellul, née à Massy dans l'Essonne de parents juifs séfarades vivant au Maroc, communauté juive importante dans ce pays. Arrive la guerre des Six-Jours, ils ne sont plus les bienvenus et la famille décide de partir pour la France, à Massy où vit une partie de leur famille et Yael y naît en 1971, petite dernière d'une fratrie de deux aînés, un frère et une sœur. Dans cette communauté, les hommes ont tous les droits, les femmes aucun.



Mais Yael bouillonne d'idées, elle est un peu rebelle et ne veut en aucun cas "être une bonne épouse et femme au foyer" comme le veut la tradition. Elle entreprend des cours de droit à l'université Tolbiac, ensuite à l'école d'avocats. En 1995, elle prête serment et rencontre Simon qu'elle épousera à 26 ans. Elle est recrutée par le cabinet d'avocats de Patrick Quentin travaillant pour la Licra, association venant en aide aux victimes de racisme.

C'est là que Yael Mellul se penche sur un dossier de violences faites aux femmes. En 1995, Simon et Yael ont un fils, Dan. Ensuite, elle change de cabinet et travaille pour maître Guigui, à l'époque de "L'

Angolagate", une très grosse affaire de trafic d'armes.



Mais la vie n'étant un long fleuve tranquille pour personne, son employeur est contraint de fermer son cabinet pour raison personnelle, voilà Yael au chômage à 35 ans. Elle prend bien cette pause et se consacre à son fils et son foyer. Mais l'ennui arrive, au bout de deux ans, elle ne supporte plus son immobilité, pendant que Simon grimpe les échelons, elle se sent inutile et coincée.

Un coup de téléphone d'un copain avocat déprimé ayant perdu un procès pour harcèlement moral "Il n'y a rien dans le code pénal sur le harcèlement moral dans le couple . Le juge nie l'existence des violences psychologiques dans ces cas-là", va faire jaillir l'étincelle qui va remettre Yael sur pied de guerre, elle veut savoir, elle veut comprendre, elle est sidérée par le vide juridique sur ce sujet, elle lit les ouvrages de Marie-France Hirigoyen, de Paul-Claude Racamier, grand psychiatre, le 1er à avoir identifié la perversion narcissique. Yael va passer des heures à la bibliothèque du Palais de justice pour trouver un début de base de travail et tombe sur un article du Code du travail sur le harcèlement moral. Entretemps, son couple va mal, ils divorcent en 2008 "sans joie mais sans amertume".



Et voilà notre combattante partie sur la nécessité d'une définition légale sur les violences à caractère psychologique. Elle va bosser comme c'est pas possible, franchir les étapes une à une, rencontrer des hauts-placés du pouvoir sous le gouvernement de D. Villepin. Elle fonde l'association "Femmes et libre" qui luttera contre les violences conjugales. Elle portera plainte dans l'affaire Krisztina Rady, 1ère épouse de Bertrand Cantat. En 2007, François Fillon devient 1er ministre, Yael prendra contact avec Valérie Létard sa secrétaire d’État chargée de la Solidarité. "Rien ni personne ne peut m'arrêter" dira-t-elle.

Le 9 juillet 2010, après son audition à l'Assemblée Nationale, la loi "relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences sur ces dernières sur les enfants" est votée sous F. Fillon. Sa lutte continue. En 2011, Yael Mellul est nommée "femme de l'année" par le magazine Marie-Claire.

Mais malgré sa connaissance du sujet, malgré sa volonté, malgré son intelligence et son métier, Yael tombe dans les filets d'un homme manipulateur qu'elle épouse et qui va faire de sa vie un enfer. Il va l'entraîner dans les abîmes de la souffrance morale. Elle en perdra son fils qui ne veut plus vivre avec une maman qui "se laisse faire", il va vivre chez son père. Elle finit par avoir la force de divorcer et ayant tout perdu, emploi, appartement, ne pesant plus que 38 kg, elle va s'installer à Massy chez ses parents. Son petit garçon lui manque terriblement et elle s'en veut de lui avoir fait subir cela. Aidée par sa famille et une amie qui ne la lâchera pas, Yael redresse petit à petit la tête, elle entrevoit le bout du tunnel.

Elle se sent "prête à affronter toutes les tempêtes pour mener à bien son nouveau combat : faire entrer le suicide forcé dans le code pénal".

EN 2018, 217 FEMMES SE SONT SUICIDÉES APRÈS AVOIR ÉTÉ HARCELÉES PSYCHOLOGIQUEMENT. C'EST DEUX FOIS PLUS QUE LES FÉMINICIDES.

Mélissa - défenestrée, elle avait 24 ans

Morgane - suicide par pendaison - elle avait 37 ans

Adeline - suicide par médicaments - enceinte de 4 mois - elle avait 34 ans

Ilona - suicide par intoxication au monoxyde de carbone - elle avait 29 ans

Emelyne - suicide par pendaison - elle avait 29 ans

...

"Toutes les victimes sont d'accord. Les mots détruisent autant que les coups. Les bleus s'estompent, les fractures se consolident, mais la privation du libre arbitre, l'altération des capacités de discernement, la destruction psychique , la perte de dignité, c'est d'abord ça la destruction humaine. Une destruction qui mène à l'envie d'en finir pour s'en libérer".



Début 2020, le ministre Edouard-Philippe a retenu la proposition de loi sur le suicide forcé.



"Il s'agit à présent de plaider cette cause au Conseil de l'Europe, le but étant d'intégrer ce délit à la Convention d’Istanbul".



Yael Mellul continue son combat, c'est devenu dit-elle sa principale préoccupation. "Avec les violences psychiques sur les jeunes, je sais déjà comment je vais devoir batailler, mais qu'importe, j'ai,appris à avoir le cuir épais. Et comme toujours j'irai jusqu'au bout de mes convictions. Ce sont elles qui donnent un sens à ma vie".



C'est sur ces dernières phrases de Yael que je vais finir ma chronique. Ce fut pour moi une lecture difficile mais ô combien nécessaire et passionnante aussi tant le sujet m'interpelle. Je vous écris toute mon admiration,

Madame, je vous adresse tous mes remerciements pour votre combat qui je l'espère fera bouger la loi dans d'autres pays, pour votre acharnement à combattre ce fléau qu'est le harcèlement moral.



Lisez ce livre amis-es babélionautes, il remue, il secoue, il révolte mais au-delà, il apporte le réconfort de savoir qu'il y a de belles personnes qui se démènent pour que toutes ces souffrances ne soient plus de simples faits divers.
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Mon combat contre l'emprise et le suicide f..

Yael MELLUL, avocate passionnée pour la cause des femmes, nous raconte son parcours pour faire reconnaitre légalement le suicide forcé - Un combat qui as duré 10 ans –

C'est un récit poignant que nous offre l'autrice qui as été aussi élue femme de l'année par le magazine Marie- Claire.

Son parcours est jalonné d'embuches autant que personnel que professionnel, c'est à un moment de sa vie, ou elle déprimait, car le cabinet d'avocat ou elle travaillait avait fermer, qu'un ami à elle, va impulser quelque chose chez elle qui va devenir le combat de sa vie, «il n’y a rien dans le code civil pour le harcèlement moral dans le couple"

A partir de ce déclic, elle va décider de mettre tout en œuvre pour que ça change, cela va être pas être facile, le milieu politique est un monde fermer et surtout il y a très peu de femmes qui ont leur place.

Ce qui intéressant dans cet ouvrage, ce n’est pas seulement cette lutte qu'elle va entreprendre, mais l'évolution de sa vie privée, et croyez-moi ce n'est pas rose, après un divorce à l'amiable avec le père de son fils, elle va vivre l'emprise psychologique et aussi physique avec un autre homme.

Elle va réellement se mettre à nu dans ce livre, et cela m'as beaucoup touchée, avoir liée les deux sujets, son combat et les difficultés de sa vie personnelle, m'as permis de me rendre compte, ce que ses femmes ont vécu, et certaines jusqu'au le suicide, maintenant grâce a cette femme, ces hommes seront condamnés.

J'ai beaucoup aimé ce témoignage, parfois il y a des passages très difficiles, ou on a envie de lui dire, "mais pars le plus loin possible" mais c'est plus compliqué que ça ne parait, l'emprise psychologique est tellement forte, qu'elle ira au bout d'elle-même pour arriver à s'en sortir.

C'est vraiment une lecture éprouvante mais tellement nécessaire pour que les autres femmes qui sont dans cette situation, trouve le moyen de s'en sortir, elle a aussi créé une association "Femme et libre" quel joli nom, il veut tout dire et il est tellement expressif - Et elle fait partie d'un groupe de travail " Emprise, violence psychologique" au cabinet de la ministre chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes. Le combat continue....

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Michel Laffon qui m'as permis de livre cela me rends fière qu'une femme telle que cette autrice s'est battu pour nous toutes. Car il ne faut pas se voiler la face, cela peut arriver à n'importe laquelle d'entre nous.




Lien : https://www.nathlivres.fr/l/..
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Mon combat contre l'emprise et le suicide f..

Le livre que l'on trouve au rayon "Témoignage", c'est une partie de vie. Un passé mais aussi comprendre pour l'avenir. Le témoignage est personnel ou un écrit qui cible une catégorie de personnes. Le témoignage est-il unique ? Que cherche le lecteur ? Il souhaite savoir ou comprendre ? Peut-être les deux à la fois ?





Yael Mellul raconte dans son livre un combat : reconnaître, défendre et punir l'emprise et le suicide forcé dans la loi. Admettre par le biais d'une loi qu'une femme victime de violences conjugales se suicide parce que sa liberté est ainsi. Pas de fuite possible, pas de S.O.S.



Elle en finit avec son bourreau par sa propre disparition. Son choix ? Ce n'est pas aussi certain. Un être humain qui décide de se donner la mort : Est-ce le seul échappatoire possible ?





Le combat est long. Reconnaître que l'emprise d'un homme sur une femme débouche sur une mort, c'est aussi un fait. Alors, comment le combattre ? Comment éviter le suicide ? Comment sauver des vies ?





L'auteure, l'avocate, peut-elle comprendre la violence psychologique qui pour elle se trouve être la base de toutes violences conjugales. Qui peut accepter les insultes ? Qui peut pardonner les coups ? Comment une femme distingue la sortie de secours que par sa propre mort ? Pourquoi et comment prendre la décision ?





Pour parler des violences conjugales et de l'emprise, il faut des témoignages : des histoires à lire, des familles à rencontrer. Puis, il y a au détour d'une relation, d'un amour : le dévouement. L'affection et le don de soi ont une limite : sa propre dignité.



Mais qu'est-ce que la dignité pour la femme amoureuse, sinon être aimée par lui.





La violence conjugale se trouve à l'extrême de de notre vie. On prend des risques, on s'oublie. Où se trouve le danger ? Trop tard ! La montée est trop obscure : c'est un piège. Il a voulu, lui le bourreau, nous faire croire que nous étions la numéro un mais en retour il nous a tout pris.





Parler des violences conjugales, c'est tenter de raconter l'impossible à ceux qui tentent de comprendre qu'aujourd'hui une femme est frappée parce que le repas est trop chaud, demain une femme sera morte parce qu'elle lui a dit qu'elle voulait divorcer.





Yael Mellul a décidé de sauver grâce à la reconnaissance de la justice : une femme qui n'est plus. Elle a avalé des médicaments, s'est pendue ou s'est intoxiquée parce qu'elle était victime de violences conjugales. La société pense souvent que des femmes sont prisonnières elles-mêmes de leur bourreau et que seule leur propre personne doit dire stop. Est-ce si facile ? Chaque suicide est un signe de souffrance.



Le suicide forcé : Votre moitié, celui qui vous emmène au bord de la vie en rose, insiste jour après jour sur sa position. Tu n'es rien, tu n'es plus rien. Dans ses yeux : la haine. Dans ses poings : la colère. Et autour de toi : le dégout et l'indifférence. Que fais-tu ici sur terre à pourrir la vie des autres ? Quels autres ? Plus personne n'est là ! Il n'y a que lui et ses coups et ses dires... C'est vrai, pourquoi vivre comme ça ? Rester pour qui et pourquoi ?



Tu pleures les nuits où il s'est endormi d'avoir trop bu mais il a surtout passé la soirée à te rabaisser. Le matin, tu te lèves. Quoi faire ? Ce qu'il a envie, ce qu'il veut. Tu regardes par la fenêtre une femme bien habillée, elle sourit, peut-être qu'elle est au téléphone avec une amie, un amoureux ou son enfant. Elle dégage de la couleur : ses vêtements sont clairs et sa démarche s'envole. Toi, tu traînes tes chaussons, tu n'as envie de rien. Tu n'es rien, c'est lui qui le dit et comme c'est la seule personne qui reste auprès de toi, qui sait ?





Le rôle de la justice est de défendre la mort de cette femme. Trop tard, il est trop tard pour lui dire que tout est la faute de cet homme. Il n'est pas trop tard pour le punir.





La société est à l'aube de la reconnaissance des violences conjugales. Société patriarcale : l'enchaînement est à briser. Pour que la femme, demain, se sente libre et à égalité de l'homme, il faudra encore bien des combats. L'avocate et auteure Yael Mellul a relevé la vision de la violence conjugale. Le suicide est un échappatoire du mal de vivre.
Lien : https://aupaysdesbooks.wixsi..
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Intouchables ? People, justice et impunité

Contre l’impunité, une sœur se lève pour que des milliers se soulèvent



Des personnalités, des effets médiatiques, des violences faites aux femmes.



« Le propos de cet ouvrage tentera donc de rendre compte précisément de ce travail de la justice, en évoquant le fond des dossiers, mais aussi leurs contextes et leurs effets ». Parler des violences et « analyser le discours médiatique qui les entoure et l’impact social ou social qu’il a pu avoir ».



Des violences spécifiques, la pédocriminalité (Roman Polanski), les violences dites conjugales (Bernard Cantat), le viol et les agressions sexuelles (DSK), les violences sexuelles au travail (Georges Tron). Des stratégies et des tactiques d’occultation. Des évolutions dans le traitement médiatique.



Des analyses à partir d’une position investie, « C’est une analyse féministe que nous prétendons mener, qu’elle soit juridique, sociale ou politique. Elle se situe définitivement du coté de l’action militante en faveur de l’amélioration et du progrès des droits des femmes »



Chaque cas est présenté en trois parties : le contexte et des données chiffrées, la description juridique du dossier, l’analyse du discours médiatique autour de l’affaire.



« Le cas Polanski »



En France, il n’y a pas d’enquêtes de grande ampleur consacré à l’intégrité sexuelle des mineurs. Les données recueillies sont cependant accablantes, « la pédocriminalité est pourtant un crime massif, banal et surtout silencieux ». L’inceste (en complément possible, Jeanne Cordelier et Mélusine Vertelune : Ni silence ni pardon. L’inceste : un viol institué) et ses conséquences, les séquelles physiques et psychologiques, les viols sur enfants… et « la grande majorité des violences sexuelles sur mineurs ne font jamais l’objet ni d’investigations, ni de poursuite ».



Des enfants et l’« incapacité de consentir », des agressions sexuelles et des viols répandus et de fait acceptés et impunis, l’impuissance « organisée » de la justice et l’apathie collective face à ses crimes.



Roman Polanski a reconnu avoir violé Samantha Geimer, alors âgée de 13 ans. Il est aussi accusé d’autres agressions sexuelles et viols sur mineures. Il s’est soustrait à la justice étasunienne en se réfugiant en Suisse.



Les autrices analysent, entre autres, « les différentes figures du « discours agresseur » », l’usage du mot viol signifié comme « excessif », la défense du cinéaste par une grande partie de l’establishment politique et artistique, l’inversion des « positions victimes-agresseurs », les renversements de culpabilité et de responsabilité, la mise en cause des militantes féministes, l’impunité comme « rémanence de l’ancien régime », ceux qui ne sont pas considérés comme des justiciables comme les autres, ce désir de l’homme comme faisant loi, la sexualisation de très jeunes filles et les accusations de provocation. Dans la culture du viol, la victime devient co-responsable du viol dont elle a été victime.



Je souligne les paragraphes sur les mythes de la création artistique, la séparation irrationnelle entre l’homme et l’artiste. Et si les crimes commis par l’artiste n’enlèvent rien à son œuvre (« China Town est un film puissant sur l’inceste et le viol… »), cette œuvre ne saurait ni conférer un statut dérogatoire à l’artiste ni atténuer les crimes. J’ajoute qu’il reste nécessaire d’interroger aussi ce que peut dire une œuvre à la lumière d’actes d’un artiste (par exemple, Woody Allen).



« Le cas Cantat »



Comme le soulignent Yael Mellul et Lise Bouvet, il y a quelque chose d’obscène à parler de « violences conjugales ». Des mots pour l’invisibilisation des victimes et la négation des féminicides. « C’est chez elles que les femmes sont en plus grand danger, c’est dans leur foyer qu’elles sont massivement violées, battues et assassinées ». Derrière le terme et le lieu « privé », une zone de non-démocratie et une zone de non-droit. Ce n’est que depuis 1990, que le viol conjugal est reconnu en France. Antérieurement, le « devoir conjugal » autorisait et valorisait légalement le viol des femmes, comme encore aujourd’hui les mariages forcés.



Les autrices abordent la violence psychologique comme ciment de la violence, les processus d’emprise, les difficultés pour les victimes de s’extirper de ces situations.



« Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, Marie Trintignant est morte sous les coups de Bertrand Cantat ». Le chanteur a été condamné à huit ans de prison pour « meurtre volontaire ». A sa sortie de prison, il reprend la vie commune avec son épouse Kristina Rady. Celle-ci se suicide par pendaison le 10 janvier 2010. Il s’agit bien ici, d’un parcours fait aussi de violences physiques et psychologiques.



Dans les discours médiatiques, il y a d’abord euphémisation des faits, mise en cause de la victime, renversement de culpabilité, et au nom d’un soi-disant égo masculin blessé, « le fait que les hommes, face à des paroles, aient le droit de se déchainer physiquement sur leurs compagnes », la négation de l’existence propre des femmes. Sans oublier, la réduction des violences masculines à des causes individuelles et psychologiques, la construction de thèses sur un « accident » ou une « dégénérence » de dispute pour ne pas aborder la violence systémique exercée par les hommes, la mise en cause des féministes, la déresponsabilisation de l’agresseur au nom de la « passion », le silence sur le sexe de la violence.



Comme l’indiquent les autrices, « Le passage à l’acte est donc bien le produit d’une licence sociale, d’une possibilité qui permet le même calcul que pour le viol »



Yael Mellul et Lise Bouvet discutent aussi de « dette et réhabilitation », de conception monétaire de la justice, de droit et de morale, d’apparition publique, « Quand on veut vivre dans la lumière on ne peut empêcher cette lumière d’éclairer les crimes du passé ». Nous devons bien sûr accepter que des hommes soient libres après des crimes commis ou reconnus, « mais qu’ils cessent de se victimiser et de sangloter quand le public leur refuse son audience et son assentiment ».



« Le cas DSK »



Les autrices fournissent des données sur les viols, les agressions sexuelles et la prostitution ; elles abordent les « innombrables déqualifications pénales de viols en simples agressions sexuelles », l’impunité comme règle, la peur des victimes de porter plainte, les actes sexuels imposés par la contrainte, la prostitution comme viol tarifié, « on ne le répètera jamais assez que le contraire d’un viol ce n’est pas un rapport sexuel « consenti » mais un rapport sexuel désiré ! », les prostitueurs.



Sofitel à New-York, Dominique Strauss-Kahn, Nafissatou Diallo (voir un certain nombre de textes en fin de note). Tristane Banon et « des faits pouvant être qualifiés d’agression sexuelle ». Hôtel Carlton à Lille, proxénétisme et prostitution, mépris et chosification des femmes.



Je ne reviens pas sur les discours tenus lors de l’arrestation de DSK à New-York (voir le livre coordonné par Christine Delphy : Un troussage de domestique). La relecture de morceaux choisis par les autrices souligne bien la délectation et la connivence masculiniste de bien des intervenants, le déni collectif des violences faites aux femmes, la double morale ouvertement prônée entre hommes et femmes et entre dominants et dominé·es.



A cela, il convient aussi d’ajouter, entre autres, le statut d’exception légale pour la sexualité des hommes (ou de ce que les hommes conçoivent comme de la sexualité), la « véritable loi du silence maintenue en bande organisée », le traitement bien particulier du viol, « Le viol est un crime qui bénéficie d’un véritable traitement à part, traitement de grande faveur, où les actes criminels n’en sont plus car ils sont présumés consentis de la part des plaignantes, et cela contrairement au reste des crimes et délits », le déni du continuum de violences sociales mondialisées, les regards vides sur les « individus superflus », l’invention de la « crédibilité » de la victime, l’exploitation de la misère et de la pauvreté des femmes, la chosification des corps, l’argent comme arme du crime et preuve matérielle, l’oubli systématique de la responsabilité des clients-prostitueurs, la présomption d’innocence de l’accusé se transformant en présomption de culpabilité pour les accusatrices, le privé politique et la question de la démocratie (Les autrices citent Geneviève Fraisse : « Mais la démocratie fait rupture dans ce qu’elle rend possible, à savoir l’égalité, l’égalité sociale certes, mais aussi l’égalité entre les femmes et les hommes. Or cela change tout : la notion d’égalité peut s’introduire jusque dans la chambre à coucher. Peu importe que cela soit visible ou pas, ou que le privé se confonde avec l’intime. Penser l’égalité sexuelle est un enjeu important. … Or, la démocratie n’a pas à maintenir une frontière entre privé et public, mais à établir une cohérence entre les deux »).



« Le cas Tron »



Yael Mellul et Lise Bouvet soulignent la violence multiforme sur les lieux de travail salarié (« injures, agressions physiques, harcèlement sexuel, agression sexuelle, viol, pornographie, incitation à la prostitution… »), l’oubli encore par la gauche que les « travailleurs » sont pour moitié des « travailleuses » (lire par exemple, Danielle Kergoat : Se battre disent-elles…), la persistance d’espaces masculins ou perçus comme traditionnellement comme masculins, la tolérance sociale envers des agressions sexuelles au travail, l’impunité construite, le déni de gravité et la transformation d’agressions en « mauvaise blague », les rapports de pouvoir et les rapports d’autorité.



Deux anciennes employées de la mairie de Draveil déposent plaintes pour « harcèlement sexuel » à l’encontre de Georges Tron, alors secrétaire d’Etat à la fonction publique et maire de la ville de Draveil. Les autrices résument les arguments présentés à la justice, le non-lieu après deux ans et demi, puis l’infirmation du jugement par la Cour de cassation, le renvoi de M. Tron et Mme. Gruel (adjointe à la culture du maire) devant la cour d’assises sous l’accusation « pour le premier, de viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et, pour la seconde, de viols aggravés, complicité de viol aggravé, et agressions sexuelles aggravées, sur les personnes de… ». A ce jour, par suite du report, le procès devrait avoir lieu en octobre 2018. Le temps long de la justice pour certains crimes (sans que les accusé·es soient mis·es hors d’état de nuire ou de récidiver)



Les autrices mettent en relief cette affaire avec celles concernant DSK, Yacine Chaouat, Jean-Michel Baylet, Denis Baupin. Elles insistent, une nouvelle fois sur la notion prégnante de bonne victime (si vous êtes « libertine » ou personne prostituée vous ne pouvez pas être réellement violée, un « consentement » donné à certains gestes semble s’étirer indéfiniment à d’autres pratiques), sur l’omerta dans certains milieux, sur les modifications du traitement médiatique (de DSK à Baupin et Tron…), sur la confusion entre « présomption d’innocence » et silence (non)-imposable aux accusatrices, sur le statut de victime, « simple circonstance sociale » ou politique et non essence, sur le refus de subir en silence, « la honte change de camp », ou sur les fantasmatiques « séduction »/« galanterie » et autres fadaises baptisées françaises, sur les sanctions politiques jamais réductibles aux éventuelles sanctions juridiques.



En conclusion, Yael Mellul et Lise Bouvet reviennent sur les « effets du discours social », la nécessité pour pouvoir porter plainte de se sentir soutenue (par les proches et les institutions) et légitimée (par la communauté et les concitoyen·nes), sur l’« incroyable force de libération de la parole des victimes ».



Reste que « Le discours-agresseur reste tout de même largement hégémonique dans les locutions sociales et ces hommes semblent jouir d’une impunité totale ; accusés mais jamais condamnés, ils paraissent intouchables… »



Il importe donc de replacer chaque cas (qui ne peut-être réduit à un fait divers) dans les rapports sociaux et leur imbrication (intersectionnalité), ici dans les rapports sociaux de sexe (système de genre) et leur continuum de violences exercé par les hommes (avec la connivence muette ou bruyante des autres hommes) sur les femmes. « Soutenir les plaignantes est exigeant et demande de remettre en question une structure socio-politique millénaire de domination masculine ». Cela ne peut se faire à partir d’un point de vue non-situé (une fantasmatique neutralité). Les apports des analyses féministes permettent de démonter les « effets d’hypnose » ou les « ritournelles » des discours dominants, de remettre au centre du possible l’égaliberté des un·es et des autres, de toustes.



En postface, les autrices parlent d’une « séquence historique inouïe » ouverte par l’affaire Weinstein et les prises de paroles de milliers de femmes.



« La parole d’une femme a le pouvoir de déchirer un silence millénaire et de tracer une percée de lumière dans notre nuit sans fin. N’oublions jamais qu’il suffit d’une allumette pour tout embraser… »



Le titre de cette note est inspiré d’une citation contenue dans la postface.
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Intouchables ? People, justice et impunité

Alors que le sujet des violences masculines envers les femmes est revenu en force dans l'actualité des derniers mois, notamment avec le mouvement #Metoo, on constate, en dépit d'avancées non négligeables que l'impunité et les peines légères demeurent la règle pour la grande majorité des hommes qui perpètrent ces crimes. Cette impunité est d'autant mieux assurée que les agresseurs sont puissants. Les autrices analysent, sous l'angle juridique, médiatique et sociétal, quatre affaires fameuses, les cas Polanski, Cantat, DSK et Tron qui illustrent chacun une facette de la violence envers les femmes : pédocriminalité, meurtre conjugal, viol et prostitution, violences sexuelles dans le cadre du travail. Si la culture machiste excuse déjà les hommes ordinaires accusés de violences, le discours médiatique de disculpation des agresseurs est particulièrement complaisant envers les célébrités. Les statuts d'homme politique et d'artiste confèrent une aura qui amène leurs supporteurs à tout faire pour minimiser leurs actes. Réflexe de classe oblige, un homme exceptionnel a droit à des prérogatives exceptionnelles et ne peut être jugé comme le péquin moyen. Avec, entre autres, des pages très fortes sur la conception faussée - et largement répandue - de l'art censé purifier les créateurs de leur violence, ou la disqualification systématique des victimes qualifiées tour à tour de menteuses, femmes vénales, violentes et manipulatrices ou encore Lolita perverse... Un livre dur et nécessaire que je conseille à tous les publics intéressés par le féminisme dès le lycée pour remettre le monde à l'endroit et trouver les moyens de se mobiliser.
Lien : https://leventdanslessteppes..
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