"Ce premier jour de classe, la plus jeune des demoiselles Védin s'était approchée de nous, une grande tige de bois à la main.Elle avait un visage de malfini, d'oiseau de proie. De sa voix aigüe et cassée, elle nous cria : "Mesdemoiselles, en rang, deux par deux.Vous êtes ici à ce qu'il y a de meilleur dans la civilisation."J'entendais distinctement le bruit de chaque syllabe.Les mots sifflaient entre ses dents. Cette phrase inaugurée, à elle seule, le long travail auquel ces vieilles filles s'étaient astreintes depuis des années : faire de ces jeunes négresses que nous étions des filles colorées de la France, métropole ancienne et lointaine. Mais les mots étaient déjà pour moi sans patrie et sans drapeaux.