AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de sidony


On parla de l'accident dans les journaux connus. Toujours la même photo à la une : Éléonore et Julien vivants qui rient devant la balançoire du jardin. C'était il y a trois ans, le 17 juillet 1971. Aujourd'hui, seuls les souvenirs se balancent, le vent le sait. Et les plaines fleuries des cimetières sont recouvertes d'une cendre où les chardons toujours pousseront. Terrains en friche, champs moissonnés : des ombres de sept ans s'y salissent dans les ris, elles roulent sur les talus boueux, elles sont frère et sœur.

[…]

Dans les yeux de leur mère vivante, il y a cette question qui m'observe sans cesse :

- Qu'avons-nous fait ?

Ce qui veut dire, pêle-mêle, que nous n'aurions jamais dû : avoir d'enfants, nous marier, nous fiancer, nous bécoter, nous rencontrer. Ni même venir au monde. Naître était déjà une outrance pour un destin comme le nôtre. Nous sommes pauvres et gisants, dans la multitude. Nous sommes des vaincus. Des tout-petits dans un coin, digérant, gloussant. Ma vie s'en est allée pourrir sur un rebord d'autoroute, au milieu des orties. Il faut être solidaire des innocences incendiées.



J'ai épousé un lance-flammes. Dans la vitesse, l'assassine ne pensait à rien. La radio diffusait un sketch. Je suis le seul homme sur la terre à avoir perdu ses enfants à cause de Fernand Raynaud. L'assassine riait. Dans une minute, trente-huit secondes et douze centièmes, femme, tu vas donner la mort. En attendant, tu souris, le paysage défile, allure, bitume. Freine, putain, freine. Tu n'as pas freiné. Alors tout a tourné, tout à brûlé. Sur la banquette arrière, deux bambins jouaient au jeu des sept familles. Ils avaient du jeu. Je n'ai plus de famille.

Et toi tu es là. Avec tes cheveux, avec tes lèvres. Tu es là avec tes yeux qui regardent. Tu n'es pas morte, et tu te nourris pour rester vivante. Car il ne te suffit pas de ne pas être partie avec eux : tu fais tout pour rester. Tu t'accroches à la vie. Mais tu ne mérites plus la terre, ses fruits, son vin.
Commenter  J’apprécie          10









{* *}