Yannis Ritsos

seul avec d’épaisses nuits sous les meubles avec d’innombrables foules
invisibles en l’air & en terre
de petits socialistes fatigués par les vicissitudes des siècles
d’autres robustes à la pomme d’Adam proéminente sous les vives paroles
& un nuage victorieux au crépuscule soutenant dans les hauteurs une ville
illuminée & la lumière d’avions secrets éclairant à peine les façades des immeubles
& les murs des jardins

d’anciens marxistes dévoués & les plus jeunes avec leurs cheveux longs
tractations étudiantes rêves querelles syndicats amitiés
barreaux & autres barreaux portes enfoncées
rencontres internationales sous de petits arbres
photos clandestines d’exécutés dans des camps fascistes
préaux blancs d’Universités maculés de noir & de rouge

je lis les mots à l’envers je trouve leur sens véritable
je prends le tableau noir sous l’aisselle je pars
la râpe dégringole l’escalier les rats courent
groukh dit-il dverz dit-il

pourtant j’avais conservé une paire de ciseaux une canne à pommeau
d’argent & un plateau
une machine à coudre à l’entrée de la salle à manger
une rose embaumée dans un coffret de vieux poèmes
le toucher coupable d’une craie d’écolier volée