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Citations de Yannis Ritsos (214)


Je quitterai
le blanc sommet enneigé
qui réchauffait d'un sourire nu
mon infini isolement.

Je secouerai de mes épaules
la cendre dorée des astres
comme les moineaux
secouent la neige
de leurs ailes.

Ainsi un homme, simple et
intègre
ainsi tout joyeux et innocent
je passerai
sous les acacias en fleurs
de tes caresses
et j'irai becqueter
la vitre rayonnante du
printemps.

Je serai l'enfant doux
qui sourit aux choses
et à lui même
sans réticence ni réserve.

Comme si je n'avais pas connu
les fronts mornes
des crépuscules de l'hiver
les ampoules des maisons
vides
et les passants solitaires
sous la lune
d'Août.


*Pour Jean-Paul (Fandol) grâce à qui j'ai découvert la sublime poésie de Yánnis Rítsos. Je vous invite à lire sa belle critique : "Ne pleure pas sur la Grèce".
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Réplique

Entre les chardons sauvages
un petit bouton d'or
a dit "présent"
Que pouvais-tu faire ?
Toi aussi tu as dit "présent",
Et il faisait beau.
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Ma soeur,
je ne suis plus poète
je ne suis pas digne d'être poète.
Je suis une fourmi meurtrie
qui a perdu son chemin
dans la nuit infinie.
Je remue la cendre
des Avrils embrasés
et je ne trouve pas une étincelle
pour allumer l'antique poêle.
C'est toi qui a soupesé
les trésors des siècles
dans ta paume délicate.
C'est toi qui a renversé les cimes
où reposaient les poètes.
Et moi je ne suis plus poète.
Je le sais,
les poètes
ne souillent pas de leurs larmes
les cités de cristal.
Ils veillent
avec leur regard égal et sans trouble
afin de mesurer
les effrois de la lumière
et les pulsations de l'univers.
Pourtant moi,
ma soeur, je veille
mesurant tes pulsations
et ton souffle.
Je me fortifie, tour nocturne,
dans l'impénétrable fracas
des tonnerres entrecroisés
et je touche résolu les foudres.
Les arcades de la lumière se sont effondrées
sous tes paupières.
Rien d'autre ne vit
en dehors du cycle funèbre
que tes yeux incisent dans la création.
Je ne veux pas
que les tambours des triomphes
annoncent ma gloire
dans les forêts du printemps.
Ton sourire le tien
me suffit.
La fontaine de tes yeux
peut abreuver ma soif
et faire éclore ma vie.
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Inutilement

Visages las, mains lasses,
La mémoire lasse. Et cette surdité
désolée. Le soir est tombé.
Les enfants ont grandi. Ils sont partis.
Tu n'attends pas de réponse. Du reste
tu n'as rien à demander. C'est en vain
que tu t'es évertué tant d'année à coller
sur ce masque en carton
un sourire approbateur. Ferme les yeux.
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Hypothermie

De grands vaisseaux tout illuminés glissent, chaque nuit,
en laissant au loin, à l'horizon,
un pressentiment de chagrin. Comme tout s'est apaisé
maintenant
dans la mémoire - l'hôtel miteux,
le lit de fer, les mégots dans l'escalier,
un vieux bougeoir dans le lavabo. Et quand tu t'est arrêté
devant la fenêtre exposée au couchant,
il y avait des étoiles dans le ciel étroit et une bicyclette
contre le mur d'en face. Le lendemain, à l'aube
il est tombé une violente averse. Et toi, tu avais passé une nuit
blanche,
tu guettais l'apparition de Diotima au fond du miroir.
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Ma soeur,
une nuée toujours ombrait
tes paupières.
Accoudée au balcon
- une enfant encore -
tu regardais la mer
dérouler le rêve
de la solitude sans fin.
Tu alimentais ton coeur
des feuilles de l'automne
La mère reflétait
l'énigme de son ombre
dans le fond de tes yeux.
La pâle lueur de ton visage
errait sur le plancher
de notre demeure.
Nous ne te vîmes jamais pleurer.
Là seulement sur tes tempes
les veines ténues
pareilles à des filons de lumière bleue
battaient la fièvre
de tes lèvres recluses.
(Combien de fois,
aux heures où tu dormais,
je me penchais sur elles pour y lire
ton secret.)
Remplie d'amour et de pitié
tu pansais nos blessures
et te taisais.
Ton silence avisait de tout.
Par les soirs d'hiver
tu avançais seule dans la forêt
pour soigner
les moineaux nus,
pour réchauffer
les insectes transis.
Grain à grain tu amassais en toi
les larmes des pauvres, des humbles.
Et quand s'effondra notre maison
ce fut toi encore qui resta droite
- ombre de la Sainte Vierge -
afin de me montrer les étoiles
au travers des trouées du toit.
Désormais ton silence s'est brisé
et dans le petit coquillage que tu cachais
j'ai écouté les clameurs de l'océan.
Ma soeur, il ne m'est resté
pas même une pierre où m'étendre.
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Yannis Ritsos
Le crépuscule resplendit
Sur le dos d'un oiseau.
Nous l'avons vu ensemble.
Nous avons souri.
Ta main s'est retrouvée
Dans la mienne.
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SUITE

Je t'ai pris la main d'entre les années.
Un de tes ongles était cassé - je l'ai remarqué.
Au vent brillaient les feuilles jaunes.
Ainsi le début aura suivi la fin.


Samos,24.IX.71
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Réhabilitation

Il n'aimait pas du tout les oiseaux, les fleurs, les arbres qui deviennent des symboles, que des camps tout à fait opposés exploitent pareillement. Lui, il essayait de leur restituer leur vraie nature, leur substance. Pour prendre l'exemple des colombes,
il n'en faisait pas un slogan pour divers congrès, mais
de beaux oiseaux amoureux, au pas lourd, qui ne cessent de se becqueter dans la cour et jonchent le dallage de fientes et de plumes (elles me plaisent ainsi) ;
ou tout au plus de petits facteurs qui transportent au-dessus des sphères célestes
les lettres que les enfants pauvres adressent à Dieu pour lui demander
des cahiers, des chaussures et quelque bonbons. Les lys,
non pas des emblèmes de la chasteté mais des plantes
odoriférantes,
toute sensualité, avec leurs pétales grands ouverts
laissant voir leurs étamines tendues de pollen d'or. Et l'olivier, non pas une récompense de victoire ou de paix mais le père fécond qui donne l'huile pour notre repas ou notre lampe,
pour le prurit du bébé ou le genou blessé
de l'enfant
inquiet, désobéissant, ou encore
pour l'humble veilleuse de la Vierge. Et moi -dit-il -
nullement un mythe, un héros ou un dieu, mais un simple ouvrier
comme tout un chacun - un prolétaire de l'art
toujours aussi amoureux des arbres, des oiseaux, des bêtes et des gens,
amoureux avant tout de la beauté des pensées pures
et de la beauté des corps juvéniles - un ouvrier
qui écrit, écrit sans relâche pour tous et à tout propos
et dont le nom est aussi bref que facile à prononcer ; Yannis Ritsos.
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CELA, OUI


Mer calme. L'ombre du poisson
qui passe sur l'autre poisson. Midi.
Ce que tu as vu, ce que tu as dit,
ce que tu n'as pas dit, ce que tu as atteint,
en profondeur, de transparence inaccessible.

Athènes, 21.VI.71
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L'AUTRE PEUR

On a bien combattu les anciennes peurs. On n'a pas baissé la
tête.
Cachots, déportations, internements. La veille de l'éxécution
Yorghis
a laissé une lettre pour sa mère : "Ne pleure pas,
Je meurs debout. N'oublie pas de saluer de ma part
les montagnes, les oiseaux et les arbres." Alexis
a dessiné la faucille et le marteau sur le mur de la cellule
et gravé son nom au-dessous. Les autres
chantaient et dansaient fasse aux fusils.
Oui, on a bien combattu les anciennes peurs. Mais cette peur-là
reste silencieuse. Elle ne respire même pas. Adversaire invisible,
elle ne te frappe pas sur la nuque avec la matraque, elle ne
t'injurie pas,
ne sort pas son pistolet. Invisible. Elle attend seulement.
Il faut leur apprêter leur dernier habit
avec dignité et sérénité - chaussures noires, chaussettes noires,
costume noir et un oeillet rouge à la boutonnière
en souvenir de ces jours-là, de ces peurs vaincues.
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Ma soeur c'était comme si elle avait honte d'être une femme.
C'était peut-être cela,
son malheur. Et c'est peut-être pour cela qu'elle est morte.
Chacun de nous voudrait, sans doute,
être autre chose que ce qu'il est. L'un le supporte plus ou moins bien,
et l'autre pas du tout. La destinée, comme on dit, nous retient prisonnier dans le cercle de l'impossible,
et nous tournons autour du puits, au fond duquel reste enfermé,
énigme sombre et insoluble, notre visage. Ma soeur, elle,
refusait tout conseil, toute concession - inflexible et désespérée.

Extrait de "Ismène"
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Eternités

Ces mêmes journaux exactement, nous les avons lus
l'an passé, l'année d'avant et voici quarante ans, et peut-être que dans deux cents ans on lira les mêmes -
guerres, engloutissements, pestes, famines. Un verre tombe
et se brise. Le matin, les femmes
sortent dans la cour pour faire sécher tout cela au soleil
avec les draps
et nos béquilles, car celles-ci ont moisi et pourrissent :
au lieu qu'elles te soutiennent, ce sera à toi de les soutenir.
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Inutile limpidité

Promesses violées - faites par qui ? Et quand ça ?
D'autres promesses - les nôtres, celles-là, mais faites à qui ?
Nous nous sommes habitués.
Nous avons vu les monts défiler dans le soir comme des
chameaux ployant sous le faix,
nous avons vu le faon sous la lune, et une perle en compagnie
du néant. Des vaisseaux désarmés
souillent de leur rouille les eaux ingénues. Et sur le versant de
la colline,
derrière les cyprès noirs et sveltes,
un panache de fumée en suspens s'efforce de conférer
un certain sens inexistant à nous-même et au monde.
Ah, éviter de se laisser à nouveau séduire par la beauté
silencieuse !
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Ma SOEUR , je t'avais promis
de t'apporter de l'eau d'immortalité.
Je t'avais promis de répandre le soleil
dans ton tablier.
A présent, tu t'écries :
"Mon frère, j'ai soif ;
où est l'eau d'immortalité
que je m'y désaltère ?
Mon frère, j'ai froid ;
où est le soleil
que j'y réchauffe mes mains ?"
Et je reste là sans bouger et impuissant.
Moi qui ai vagabondé
dans les cieux
je n'ai pas la force de parcourir
un empan de terre.
Par-dessous la neige j'entends
les racines de notre vieux jardin
qui m'attachent à la terre.
Et j'ai oublié de marcher.
Je me penche sur le chaos
de ton âme
empli de crainte.
Les étoiles s'entrechoquent
dans les profondeurs de tes yeux
et les combats des dieux
ensanglantent tes entrailles.
Comment modeler ton incandescence
dans le buste froid de l'accalmie ?
J'avais jadis cru au ciel
mais toi tu me montras
les profondeurs de la mer
avec les cités des morts
avec les forêts oubliées
avec les bruits noyés.
Et à présent le ciel s'est enfoncé
- mouette blessée -
dans la mer.
Ma main que pour toi j'édifiais
pont sur l'abysse
s'est écroulée.
Regarde-moi
si nu et innocent
gisant devant toi.
J'ai froid, ma soeur.
Qui désormais nous apportera le soleil
pour réchauffer nos mains ?
Je me tais et je guette.
Personne ne passe
sur la route nocturne.
Les étoiles ont chaviré
dans les yeux rouillés
de l'aigle déplumé
qui vacille au bord
des remparts obscurs.
Tes mains liées
condamnent la sortie.
Seule ta voix parcourt
les corridors de la nuit
en frappant son long glaive
sur les dalles.
Il est tard.
Ni la mort ne veut de moi
ni la vie.
Où irai-je ?
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INDEPENDANCE SECRETE

Ces cinq nuages, presque semblables, comme s'ils nous étaient familiers
ou confusément agréables, - sans doute à cause de leur nombre,
ou bien de nous apercevoir que nous pouvions encore compter,
ou tout simplement observer. Après quoi nous prêtâmes attention
aux nuances - roses, tirant sur le violet.
C'est alors
que le sifflet se fit entendre. Nous nous levâmes. Ils nous firent passer
un par un devant la porte, et nous comptèrent. Nous souriions.
Nous savions bien que nous étions restés
en dehors de leur compte, avec ces cinq nuages et la lune si jeune.


23. I.68.
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Les statues et nous

Les statues placides ne se soucient guère de leur délabrement ;
on leur coupe les bras, les jambes ou la tête
et elles restent toujours aussi droites, dans la même attitude,
ou bien, couchées à la renverse, elles sourient,
ou encore, le nez contre terre, elles nous tournent le dos,
tournent le dos au temps
comme si elles copulaient, comme si elles se livraient
à un amour infini, tandis que nous les observons
avec une lassitude et un chagrin inexplicables. Plus tard,
nous rentrons à l'hôtel bon marché, nous tirons les rideaux
pour filtrer l'éclat de midi et nous nous employons,
tout nus nous aussi, étendus sur le lit inconfortable,
à imiter l'immobilité sereine des statues.
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A L'Hôpital

Soir tranquille. Une cheminée, les toits, la ligne de la colline,
un nuage minuscule. Que d'amour tu mets
à regarder le ciel par la fenêtre ouverte
comme si tu prenais congé de lui. Lui aussi te regarde. Au fait, qu'as-tu reçu ? Qu'as-tu donné ? Il est trop tard pour faire un bilan.
Ton premier et dernier mot,
ce sont l'amour et la révolution qui l'ont dit.
Tout ton silence, c'est la poésie qui l'a dit. Que les roses
se fanent vite ! C'est pourquoi tu t'en iras à ton tour
en compagnie de l'ourson qui se tient debout
avec une grande rose en plastique dans ses pattes de devant.
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" Les statues meurent aussi - dit il - quand on ne les regarde
pas.
J'en ai vues plus d'une fois, à terre, les yeux mi-clos. Elles
attendent
de voir si quelqu'un va les voir. Alors elles se relèvent."
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Encore

Celui-ci sourd-muet, celui-là aveugle, et cet autre si vieux - peut-être tous les trois sentent-ils sur leur joue
le doux pelage de la nuit. Les garçons noctambules
s'amusent des tours de prestidigitation des étoiles. Toi,
tu as mis
tes sandales de lin blanc, verdies par l'herbe,
pour sortir le chien. Quand tu tourneras au coin de la rue,
observe bien ce petit nuage réticent. Il te cache quelque
chose,
quelque chose, justement, qui sourit encore en toi d'une manière inexplicable.
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