Dans son sommeil, la Précieuse Epouse serrait étroitement contre elle le monarque dont dépendait son bonheur comme son malheur, ou bien elle écartait sa main en le repoussant · rudement. Le désir la tenaillait parfois de voir une bonne fois ce que cachait le corps sénile de cet être, l'empereur Siuan-tsorig, et d'en extirper jusqu'à la moelle. Elle se gaussait de lui, jouant comme on joue, à demi, conscient du risque, avec–un objet dangereux prêt à exploser à tout moment.
Que lui arrivait-il donc? S'abandonnant au flot de son propre désir, tantôt elle berçait dans ses bras le corps du vieux monarque dont la peau se couvrait à présent de taches de plus en plus visibles, tantôt elle le traitait avec un dédain glacé, comme au contact de quelque immondice. ·
En ce sens, les rapports du souverain et de la Précieuse Epouse s'inversaient de plus en plus. Elle prit · conscience vers cette époque de la métamorphose de son propre corps, d'où émanait maintenant une beauté rayonnante qui en était absente auparavant. Elle savait que cette splendeur qu'elle-même ressentait éblouissait Siuan-tsong chaque fois qu'il posait les yeux sur elle, et elle éprouvait grand plaisir à faire ramper devant elle celui qui représentait son destin et avait tout pouvoir, sur sa personne.
(P. 144 et 145)