LA MELANCOLIE PRINTANIÈRE
Sur l’air du » Phénix perché sur le platane »
— Liu Yong
Dans la brise légère
Je m’appuie au balcon.
La mélancolie printanière étend son ombre
jusqu’à l’horizon.
Qui me comprend,
silencieux,
accoudé contre la balustrade
aux fines ciselures ?
Dans le vin, j’essaye de noyer mon ennui,
devant une coupe je chante.
Peu engageant est mon sourire forcé,
et ma robe est flottante.
Mais ce n’est pas que je regrette
d’avoir maigri pour la coquette.
// Anonyme
UNE NUIT AUSSI LONGUE QU’UNE ANNEE
Sur l’air du » Souvenir de la capitale impériale »
— Liu Yong
La couverture mince
et l’oreiller petit,
par le froid qui s’en vient
je me sens désolé
d’avoir dû te quitter.
Je me tourne
et retourne au fond du lit,
Mais le sommeil me fuit
bien que la nuit soit avancée.
Je me lève
et me couche
à n’en plus finir,
la nuit est aussi longue
qu’une année.
Oh ! Je voudrais m’en retourner chez toi,
mais je suis loin, très loin déjà.
Mille pensées de toi ne me consolent pas.
Comme je me sens seul et las !
Mon cœur reste toujours attaché à ton cœur ;
Je te dois un ruisseau de pleurs.
// Anonyme
SOUVENIR DE LA BELLE LUTHISTE
Sur l’air de « L’Immortel sur le fleuve »
—Yan Jidao
Réveillé, je trouve le pavillon fermé ;
Dégrisé, je regarde le rideau baissé.
Comme au printemps dernier je me sens désolé.
A la chute des fleurs, seul je me souviens d’elle ;
Dans la bruine volent une paire d’hirondelles.
Pour la première fois,
Quand j’ai vu la belle dans sa robe de soie
de double cœur brodée,
la corde de son luth vibrait d’un air d’amour.
On peut voir encor la lune argentée
qui a vu passer le nuage rose sans retour.
// Anonyme
À UNE CHANTEUSE
Sur l’air de « Laver de la soie au ruisseau »
— Yan Shu
Une coupe de vin,
une chanson nouvelle,
le pavillon est le même
et aussi beau le temps.
Quand reviendras-tu
voir le soleil au couchant ?
Je soupire en vain
sur la tombée des fleurs belles ;
Les hirondelles
semblent de vieilles connaissances.
J’erre dans mon jardin
saturé de fragrance.
// Fan Zhongyan
RÊVE DE MA FEMME MORTE LE 20 DU PREMIER MOIS 1015
Sur l’air de » La Ville au bord du fleuve »
-Su Shi
En dix ans le vivant ne sait rien de la morte.
Puis-je t’oublier bien que nul ne m’apporte
la nouvelle de ta tombe solitaire,
dont mille lieues m’ont séparé ?
À qui épancherai-je mon cœur brisé ?
Même si tu m’avais revu, m’aurais-tu reconnu,
le visage couvert de poussière
et les cheveux de givre poudrés ?
Hier soir j’ai rêvé d’être de retour
et de te voir faire à la fenêtre ta toilette.
Nous nous regardions sans rien dire, noyés de pleurs.
D’année en année, j’imagine en vain
Que ton cœur se déchire par la douleur,
au clair de lune, sur le tertre planté de pins.
// Anonyme
LA FÊTE DES LANTERNES
Sur l’air de » La Chanson de l’aubépine »
—Ouyang Xiu
À la fête des lanternes l’année dernière,
les lampions ont fait le jour d’une nuit printanière.
Au-dessus des saules est montée la pleine lune
pour le rendez-vous d’amour à la brume.
Ce soir c’est la fête des lanternes à nouveau ;
La lune est encor pleine, les lampions aussi beaux.
Mais n’est pas revenu l’homme de l’an dernier ;
Par les larmes mes longues manches sont mouillées.
// Anonyme
LA CUEILLEUSE
Elle cueille la vigne là-bas.
Un jour que je ne la vois pas
Me semble aussi long que trois mois.
Elle cueille les roseaux là-bas.
Un jour que je ne la vois pas
Me semble aussi long que deux automnes ou trois.
Elle cueille l’herbe là-bas.
Un jour que je ne la vois pas
Me semble aussi long que deux ans ou trois.
// Anonyme
VENT ET PLUIE
Vent et pluie ont frémi,
Le coq jette des cris.
Quand j’ai vu mon chéri,
Je n’ai plus de souci.
Vent et pluie ont mugi,
Le coq pousse des cris.
Quand j’ai vu mon chéri,
Mon mal est bien guéri.
Vent et pluie assombris,
Le cri sans cesse retentit.
Quand j’ai vu mon chéri,
De joie mon cœur bondit.
// Anonyme