Le premier séjour en Chine de Monin avait été marqué par la naïveté. Il avait voulu se lancer en révolution, avec la foi des convertis, proposant ses services dont il surestimait probablement la valeur. Certains, dont Nguyen Ai Quoc, l’avaient ramené à plus de réalisme. A Canton, il avait été alors le témoin des premiers reflux de la vague bolchevisante de la révolution chinoise. Il avait croisé, ou parfois simplement frôlé, les principaux acteurs de cette scène où frémissaient, déjà entremêlés, le baroque et le tragique : Quoc et ses amis, Chiang Kaishek, Wang Jingwei, Borodine, Gallen. Théâtre d’ombres qui auraient fasciné Malraux s’il les avait approchées. Mais en juillet 1927, ces hommes n’étaient plus qu’une galerie de fantômes. Aucun d’eux n’était désormais présent à Canton. Leur souvenir seul pouvait raviver en Monin le regret fiévreux d’un rêve à demi éteint