Yves Roch Mallette

Attablé avec quatre convives dans le jardin de la demeure familiale, sise en bord de mer, dans la région de Calabre, en Italie, le Capo di tutti capi Don Domenico Nico Rossini prit une gorgée de son vin rouge préféré, un vin maison produit en ces lieux mêmes depuis des générations et servi uniquement à la famille et à certains amis triés sur les volets.
"J'aime écouter le fatras des vagues de la mer Tyrrhénienne... s'extasiait-il empreint de lyrisme, en mordant chaque syllabe avec toute la rage de son caractère inquiétant... surtout quand elles s'écrasent sur cette côte Calabraise ou j'ai grandi..."
En fait, Don Rossini était originaire des lagunes de Venise mais très jeune la parenté l'avait charrié d'une région à l'autre, le papa Rossini fuyant tantôt la police tantôt les condottiere, ces sympathiques tueurs de la Mafia nés pour nettoyer les planchers de la terre souillés par quelque traînerie insipide et puante...

AH ! ELSBETH MAGNIFIQUE ALLEMANDE AUX YEUX VERTS RIEURS À LA POITRINE GÉNÉREUSE FEMME ENGAGÉE ACTIVE QUE JE LAISSAIS EN PLAN APRÈS UNE NUIT TORRIDE SUIVIE DE QUELQUES BAISERS À L’AÉROPORT JE M’ENVOLAIS VERS L’AFRIQUE POUR ENTREPRENDRE MA JEUNE CARRIÈRE DE REPORTER METTANT AINSI EN VEILLEUSE NOTRE COURTE LIAISON DE QUELQUES SEMAINES JE N’AVAIS PU REFUSER L’OFFRE QUE ME FAISAIT SI GÉNÉREUSEMENT LA JEUNE AGENCE DE PRESSE PORTANT POMPEUSEMENT MAIS FIÈREMENT LE NOM DE REPORTERS ASSOCIÉS D’AMÉRIQUE QUEL BONHEUR ! MAIS SANS LE SAVOIR J’ENTREPRENAIS UN VOYAGE INITIATIQUE QUI ALLAIT TRANSFORMER MA VIE... J’ALLAIS DÉCOUVRIR L’AFRIQUE… JE ME RETROUVAI TOUT À COUP EN PLEINE GUERRE CIVILE ANGOLAISE AVEC DEVANT MOI SOUS MES YEUX UNE PETITE TROUPE DE SOLDATS PORTUGAIS RIEURS ENJOUÉS PRESQUE TAQUINS SYMPATHIQUES AVEC LEURS AIRS ESPIÈGLES LEURS EXCLAMATIONS DE PLAISIR JUVÉNILE QUI JOUAIENT AU FOOT AVEC DES TÊTES HUMAINES…

Il allait être le Grand Faucheur!
Pour cela, il allait devoir subir les modifications, ce qu'on appelait la rétrotranscriptase, cette terrifiante transformation intégrale de son corps qui allait immanquablement lui causer de cuisantes douleurs.
Cela équivalait à ne plus être lui-même, à n'être que l'ombre de lui-même, poussé, tiraillé, bousculé, tué, lentement, à petit feu, par les transformations s'opérant dans son esprit mais aussi dans sa matière organique, se heurtant si fort qu'à l'image des neutrons, son esprit tout autant que sa matière allaient devenir aussi puissants qu'une explosion nucléaire.
Néanmoins, la condamnation aux ombres signifie aussi la déportation, la solitude, l'affolante, la terrifiante exclusion...

AUJOURD’HUI LOIN DE MAMAN JE ME VOIS DANS LE MIROIR DE LA MÉDUSE JE VOIS PROSERPINE PAS PAREILLE PAS LA MÊME NI MÊME PAS PARADIS JE VOIS CETTE PROSERPINE OUI CETTE PAUVRE FILLE À MAMAN MÈRE MISERHÉRA J’AI BIEN CHANGÉ JE PORTE DANS MES BRAS LE CORPS DE L’ENFANT QUE JE FUS MORTE AVANT MÊME QUE D’AVOIR VÉCU ME VOICI SEULE AVEC LUI ELLE L’ENFANT GRANDI DEVENU MOI QUI SUIS-JE MERDE ? FACE À UN DESTIN QUI NE M’APPARTIENT PAS QUI N’ÉTAIT PAS LE MIEN QUELLE FOLIE QUE CETTE AUTRE VIE!

En guise d'avertissement

Non, ce n'est pas ce que vous pensez, même si nul ne peut deviner ce que nous pensons... Ceci n'est pas un savant exposé scientifique sur les épidémies ni sur les virus, bactéries et autres microbes... non, en fait il s'agit davantage d'une incursion dans le questionnement de l'âme, sur l'origine de ses doutes les plus obscurs car rien n'est plus difficile à trouver que sa propre identité lorsque survient la fin du monde...

Les hommes autour de lui qui s'écroulent en hurlant, piqués par une pluie d'aiguilles enduites de curare, propulsées par d'invisibles sarbacanes et qui sont engloutis dans les marais, livrés agonisants aux alligators et aux anacondas.

LA COURONNE D'ÉPINES - PAGE 13 - JE LAISSAIS INFUSER LES FEUILLES DE COURONNE D'ÉPINES MOI J'INFUSAIS AVEC ELLES PLONGÉE JUSQUE DANS TES YEUX QUI M'ÉCHAUFFAIENT...

Toi, esprit maudit entre tous, dans quelles douleurs m'entraînes-tu encore?