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Citation de Partemps


Le monde est un arbre



Un arbre dressé
qui regarde les veines du ciel
un arbre perdu
qui pousse au centre du monde
un arbre éperdu
qui se couche lentement sur le lit du vent



le monde est un arbre
le monde est un arbre
et nous sommes les feuilles
de ses branches



c'est l'arbre étoilé d'anges
qui vit un jour
le tout jeune William Blake
au milieu d'un champ



c'est l'arbre qui depuis toujours
regarde les amants
par la fenêtre des chambres d'hôtel
les regarde
les abrite
et les protège



c'est le chêne dans la neige
définitif
de Caspar David Friedrich
un arbre état d'âme
un arbre
d'une tendresse convulsive
qui s'agrippe doucement
aux artères



le monde est un arbre
et nous sommes les feuilles
de ses branches
nous feuillons infiniment



c'est cet olivier mystérieux que croisa
Rilke
un soir de 1911
dans le jardin du château de Duino
cet olivier
qui lui transmit un sentiment
le sentiment absolu
l'impression
d'avoir traversé la nature pour en sortir de l'autre côté



arbre de cœur arbre de vie



ce sont les arbres-poumons d'Amazonie
qu'il faut défendre pour l'éternité



ce sont
avant tout et à jamais
les oliviers de Giotto
oliviers bienveillants
frères arbres
attentifs à la descente du bleu
dans l'esprit de saint François



attentifs à la descente
pour mieux s'élever
descendre
au plus profond des racines
pour atteindre le fond du ciel



le monde est un arbre
et nous sommes les feuilles
de ses branches
nous feuillons infiniment
entre splendeur et souffrance



je n'y suis pour personne
dit l'arbre nu d'Emily Dickinson
chaque arbre est un dessin d'herbier
lui répond Sylvia Plath



chaque arbre
ouvre à la plus haute qualité d'attention
chaque arbre dit
son infinie révérence
à tout ce qui est
chaque arbre écoute
notre éclosion



arbre de cœur arbre de vie
chemin de veine en paradis



c'est l'amandier toujours fleuri
l'ultime tableau de Bonnard
qui nous souffle l'ostinato
de sa pulsation
afin que nous refleurissions
sans relâche et sans fin
en arbre de vie vivante



le monde est un arbre
et nous feuillons infiniment
entre la nuit et le jour



nous sommes les bourgeons d'un même arbre
répète Nietzche
d'un arbre qui habite trop près
du siège des nuages
d'un arbre
qui attend le premier coup de foudre
d'un arbre qui sait
qu'il en est de l'homme comme de l'arbre
racines enfoncées dans l'abîme
branches happées vers le plus haut



arbre du ciel axe des nuits
chemin d'éveil en infini



ce sont les peupliers qui vibraient
scintillaient
comme nacre sous ta fenêtre
frémissaient
vaguelettes de mercure sur l'eau
quand tu m'appelais chaque samedi



peupliers
compagnons de haute mélancolie
pour un frisson de vert
pour un frisson de bleu
pourvu que le souffle soit là
pourvu que le frisson frissonne
pourvu que le silence chante



arbres
qui habitez les haikus
je vous écoute
j'écoute votre sève de silence



et Ryokan m'émerveille
le monde
est devenu
un cerisier en fleur



et Shiki me murmure
sur un seul arbre
dans la plaine immense
les cigales s'attroupent



et Issa m'enseigne
prépare-toi à la mort
prépare-toi
bruissent les cerisiers en fleur



le monde est un arbre
et nous feuillons infiniment
entre la mort et la vie



nous feuillons
comme le grand arbre blanc
de Bernard Nöel
par lequel
nous voici verticaux sous l'étoile



nous feuillons et nous voyons
Michaux
qui vit un arbre
dans un oiseau



nous feuillons
passage à la mort
passage à la vie
passage par l'arbre-seul d'André Velter
passage à la racine
passage à la fleur
serons-nous morts
serons-nous vivants



nous feuillons
au diapason des infinis
nous feuillons et soudain nous comprenons
oui nous comprenons Novalis
qui perçoit la nature comme un arbre
dont nous sommes
les boutons de fleurs
qui voit l'arbre
comme flamme fleurissante
et l'homme
comme flamme parlante



et Artaud nous bouleverse encore
qui évoque
un arbre au centre du vent
un arbre
forêt sombre d'appels
qui mange le cœur de la nuit



et voici Césaire devenu arbre
à force de regarder les arbres
devenu bel arbre immense
arbre-athlète
mouillé de toutes les pluies
devenu arbre
dont les longs pieds creusent le sol
de hautes villes d'ossements



le monde est un arbre
arbre dressé jusqu'à l'esprit
chemin de sève où tout s'inscrit
arbre d'automne dans l'air qui bouge
de Schiele
idéogramme de souffrance absolue
pulsant vers le haut
toujours vers le haut



arbres noués en tourments
de Soutine
arbres en autoportraits de nerfs
griffonnés par Wols



clairières d’humains
d’encore humains
de malgré tout humains
tirés vers le haut par Giacometti



peupliers de Paul Celan
tendant leurs mille bras à travers les eaux
pour ne plus jamais brûler



arbre d'étoiles recueillies
chemin de cœur chemin de vie



chemin que prennent sans répit
les cyprès de Vincent
en poussières d'étoiles
cyprès galaxies
eaux vives de l'instant
émergeant toujours du présent
cyprès foudroyants
hors du mesurable
énergie pure
discontinuité créatrice
vision d'une vie enfin complète



le monde est un arbre
et nous sommes les feuilles
de ses branches



un arbre dressé
qui regarde les veines du ciel
un arbre perdu
qui pousse au centre de lu monde
un arbre éperdu
qui se couche lentement sur le lit du vent.
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