Quand le vase de l'art poétique s'est brisé en Europe, le contenu, la poésie - dans son fonctionnement, non dans son essence - s'est vidé et dispersé aux quatre vents. C'est cela maintenant - cette chose beaucoup plus profonde que les brisures au flanc du vase ou à la surface de la prosodie - que nous entendons sans bien le comprendre, quand nous disons que la poésie se trouve en crise.
Nous mentionnerons, dans le domaine de la poésie, les noms de Lautréamont, de Rimbaud et d'Artaud, non parce qu'ils sont peut-être encore à la mode dans les grandes capitales, ou parce qu'ils sont prônés dans les cercles littéraires, mais parce que la révision qu'ont cherchée ces hommes dans leur déviance n'était pas, comme le pensent aujourd'hui la plupart de leurs mandataires, seulement esthétique... Cela serait sans importance. Leur révision fut métaphysique.
Malheureusement, après tant d’"art pour l’art”, d’art détaché et de poésie-charme, nous avons perdu notre merveilleuse faculté de prendre au sérieux les paroles des hommes, ces paroles d’Artaud, par exemple. Nous ne pouvons pas subir de plus grande altération : ne considérer les paroles que comme des paroles, être attentif non au message, mais aux paroles. Ainsi nous n’avons plus de raison d’obéir, ou d’être sauvés. Notre condamnation
Ce qui a manqué est le centre (ou la vision) perdu, sans lequel on ne peut rien faire : "Tout a été fait par Lui" et, continue l'Évangile, "rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui". C'est du sein de cette source que sont sortis les arts, et c'est en son sein qu'il leur faudra retourner, à leur centre perdu, à leur racine céleste, si l'on considère que l'homme est "une plante non pas terrestre, mais céleste" (Timée 90)
La vie aujourd’hui, et la vitalité, dans le domaine de l’art, ne s’identifie pas à l’actualité et à l’information.
Nous nous prostituons avec les meilleures intentions.