(Pendant la Commune)
Tout ce qui restait d’héroïsme en France se manifesta à Paris pendant les longues heures du siège. L’alcool, dont on peut dire que la population se nourrissait, entretenait la surexcitation. Ce n’est pas qu’il y eût beaucoup de gens ivres : il y en avait moins qu’en temps ordinaire ; mais, la nourriture se faisant de plus en plus mauvaise, on était obligé de demander des forces à la boisson.
Vers la fin, on avait mangé des choses invraisemblables. Je me souviens de prétendues saucisses qui fondaient au feu et ne vous laissaient dans la main qu’une sorte de baudruche blanchâtre dont elles étaient enveloppées. Au début, un boucher de mon quartier avait acheté tous les animaux du Jardin d'acclimatation. Nous dinâmes avec de l’éléphant, du rhinocéros, de la girafe, ect. L’arche de Noé passa, individu par individu, sur la table de mon père. Plus tard vinrent les chevaux d’omnibus, puis les chevaux de fiacre, puis les chiens, puis les rats et les souris. Le pain est resté légendaire. C’était une sorte de pâte noire qui devait être fabriquée avec du son et du bois.
On ne se plaignait pas. Il n’y avait qu’une idée qu’on ne pouvait supporter : c’était l’idée de la capitulation. Qu’on aurait pu faire de grandes choses avec ce peuple et qu’il eût été prudent de les entreprendre !