La haute mer a levé l’ancre
La haute mer a levé l’ancre – le cri des goélands est resté.
les vents s’enroulent, les cœurs sont loin,
on ne comprend pas.
On les regarde étreindre la nuit, les flammes ne bougent pas,
drôles de petites lueurs qui montent de la terre
pour allumer les trous.
Quand elles s’éteignent
rien ne bouge.
Ce serait dire
Ce serait dire
une absence qui se partage dedans doucement
en forme d’arbre ou d’oiseau
un visage à embrasser tout le long des veines
et d’un seul même élan jaillissant pareil
du vent-velours qui jamais ne s’interrompt
s’étonnant parfois de trouver un lieu
comme ça
sans savoir
au hasard d’une fleur
sans question
qui ferait le tour du monde
celui du jour celui des épaules
au bord comme un instant
un lieu un chemin
tel un nid
entre mer et ciel ?
Remonter sans boussole
Remonter sans boussole
à cru,
vers là où ça s’est rompu ?
vers ces océans de mémoire
d’avant l’enfance
quand des regards debout ensemble et tout l’espace
rassemblé dans les bras ?
dedans et dehors prés d’herbe ?
et qu’alors ensemble naître
c’est
où c’est tombé s’est déchiré, par où
ça ne parle pas encore
ou parle
autrement
quand sans bruit
remuent les lèvres ?
Un jour les mots tombent
Un jour
les mots tombent comme des mouches – parcelles
d’éternité évaporée
et le palais des rêves
devient tapis de barbe bleue.
Par le trou d’une serrure rouillée sonne le glas d’une autre vie
dont nous sommes exclus, que l’on ne parvient pas à rassembler.
À laquelle nous n’appartenons plus.
Errer pauvre d’images
Errer pauvre d’images et de gestes à travers la nuit
pour ramasser les étoiles,
avancer à mots lents, des mots
qui ne pèsent pas,
des mots
qui disent
en s’effaçant.
Du fond d’un puits remontent les visages anciens.
partir nu à leur rencontre : quelque chose dans l’air
bat
qu’on ne sait pas
- derrière les yeux peut-être,
cet abrupt de marbre lisse à quoi la parole se heurte.
La montagne fait écho au silence
le renvoie plus dru encore.
LA DOULEUR SE TAISAIT…
extrait 2
La nuit bouge un peu
elle tient chaud.
Peu à peu l’écart s’amenuise,
raccourcit les pas, confond les heures —
et les arbres s’inclinent.
Un accord se prépare
(mots gravés dans le vent, silence
enfoui sous les ailes de l’oiseau).
…
LA DOULEUR SE TAISAIT…
extrait 3
Longtemps la nuit remue
autour des corps
allégés
du poids de l’âge.
Un souffle éclaire les regards
dénouant au plus profond, là
où ils se ressemblent
braises
fissurant le roc.
Et toi tu tentes de rassembler,
ce qui a échappé aux heures —
mince bruissement de feuilles,
hommage sans voix
aux enfants sans mémoire.
LA DOULEUR SE TAISAIT…
extrait 1
Tes doigts cherchent furtifs
à reconnaître un sentier de pierres
feux follets
à la limite des vents,
et tu penses qu’il suffirait
d’écarter un peu le ciel pour entrevoir, intouchée
— la source.
…
De l’horizon à l’obscurité
une ligne sans retour -
Cette distance
que vous ne franchirez pas
ensemble.
*
Aubade (laudes)
Hommage au jour
le désir est une herbe.
Si proche, la joie
Sous la peau -
des ventres aux lèvres.
A gorge déployée
le ciel.
L’espace est à nous.