Le système du juge unique est la condition nécessaire, mais non
pas suffisante, pour que le magistrat éprouve, dans l’accomplissement
de ses fonctions, le sentiment de sa responsabilité. Or, en dépit de
l’opinion des défenseurs du système technique, nous avons vu que les
formalités judiciaires ne constituaient nullement un moyen de
contrôle, propre à limiter le pouvoir du juge. Les seuls moyens de
contrôle (checks) qui puissent empêcher le magistrat d’usurper une
sorte de pouvoir despotique sont au nombre de trois : la faculté
d’appel, l’assistance apportée au tribunal par un jury, enfin la publicité
des débats.
Bref, ni les théories juridiques, ni les théories économiques des Benthamites ne les autorisent à considérer le bonheur comme consistant, pour l’individu, dans la culture des sentiments supérieurs et désintéressés. A leur point de vue, être heureux, c’est recevoir du bonheur de ses semblables ; mais alors le moraliste ne se voit-il pas condamné, par profession, à résoudre ce problème absurde : dans une société où chaque individu est égoïste, et se doit à lui-même de l’être, obtenir cependant que tous les individus soient désintéressés ?
Si grande, nous dit Hume, est la force des lois et des formes particulières de gouvernement, elle dépend si peu des variations d’humeur et de caractère des individus, que, parfois, on peut en déduire des conséquences presque aussi générales et aussi certaines que toutes celles que peuvent nous donner les sciences mathématiques.
Quel penseur manifesta jamais plus de confiance en la raison humaine ? Quel savant crut jamais plus fermement à la possibilité de transformer la science théorique en science pratique ?
On peut raisonner d’abord de la façon suivante : puisqu’il est reconnu que les mobiles égoïstes sont prédominants dans la nature humaine et que, d’ailleurs, l’espèce humaine vit et subsiste, il faut admettre que les égoïsmes s’harmonisent d’eux-mêmes et produisent mécaniquement le bien de l’espèce.