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Citation de coco4649


     LA REVANCHE DES BÊTES
ET LA
REVANCHE DES FLEURS


I

Tu tapes sur ton chien, tu tapes sur ton âne,
Tu mets un mors à ton cheval,
Férocement tu fais un sceptre de ta canne,
Homme, roi du Règne Animal ;
Quand tu trouves un veau, tu lui rôtis le foie,
Et bourres son nez de persil ;
Tu tailles dans le bœuf, vieux laboureur qui ploie,
Des biftecks saignants, sur le gril ;
Le mouton t’apparaît comme un gigot possible,
Et le lièvre comme un civet ;
Le pigeon de Vénus te devient une cible ;
Et tu jugules le poulet...
Oh ! le naïf poulet, qui dès l’aube caquète !
Oh ! le doux canard coincointant !
Oh ! le dindon qui glousse, ignorant qu’on apprête
Les truffes de l’embaumement !
Tu pilles l’Océan, tu dépeuples les fleuves,
Tu tamises les lacs lointains ;
C’est par toi qu’on a vu tant de limandes veuves
Et tant de brochets orphelins ;
Tu reste insensible aux larmes des sardines,
Et des soles au ventre plat ;
Tu déjeûnas d’un meurtre et d’un meurtre tu dines :
Va souper d’un assassinat !
Massacre par les airs la caille et la bécasse...
Sombre destinée : un salmis !
Tandis qu’un chou cruel guette, d’un air bonasse
Le cadavre de la perdrix.
Mais est-ce pour manger seulement que tu frappes,
Dur ensanglanteur de couteaux ?
Non. Les ours, les renards, les castors pris aux trappes
Sont une mine de paletots ;
Tu saisis le lion, ce roi des noctambules,
Dont le désert s’enorgueillit,
Pour faire de sa peau, sous tes pieds ridicules,
Une humble descente de lit.
Mais le meurtre, c’est peu ; le supplice raffine
Tes plaisirs de dieu maladif ;
Et le lapin (nous dit le Livre de Cuisine)
Demande qu’on l’écorche vif ;
L’écrevisse sera, vive, dans l’eau bouillante,
Cardinalisée en carmin,
Et —morne enterrement — l’huître glisse vivante,
Au sépulcre de l’abdomen.

Soit ! il viendra le jour lugubre des revanches,
Et l’âpre nuit du châtiment,
Quand tu seras là-bas, entre les quatre planches,
Cloué pour Éternellement.
Oh ! l’Animalité te réserve la peine
De tous les maux jadis soufferts ;
Elle mettra sa joie à te rendre la haine
Dont tu fatiguas l’univers.
Or elle choisira le plus petit des êtres,
Le plus vil, le plus odieux,
Un ver ! — qui s’en ira pratiquer des fenêtres
Dans les orbites de tes yeux ;
Il mangera ta lèvre avide et sensuelle,
Ta langue et ton palais exquis,
Il rongera ta gorge et ta panse cruelle.
Et tes intestins mal acquis ;
Il ira dans ton crâne, au siège des pensées.
Dévorer, lambeau par lambeau,
Ce qui fut ton orgueil et tes billevesées ;
Les cellules de ton cerveau,
L’âne s’esclaffera, voyant l’Homme de Proie
Devenu Rien dans le grand Tout !
Le pourceau, dans son bouge infect, aura la joie
D’apprendre ce qu’est le dégoût ;
Et les Bêtes riront, dans la langue des Bêtes,
De ce cadavre, saccagé
Par la dent des impurs fabricants de squelettes, —
Quand le mangeur sera mangé....
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