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Citations de Émile Goudeau (22)


Émile Goudeau
Le Clown de l’ironie


Brillamment, tout le jour, il avait combattu
Pour ses rêves, pour ses espoirs, pour ses idées,
Lançant, audacieux, ses forces débridées
À l’assaut du bonheur, cet assiégé têtu.

Les assistants disaient : « Ce lutteur est vêtu
D’ironie et de grâce et, par larges bordées,
Le rire éclate aux coins de ses lèvres fardées :
On ne l’a jamais vu ni las, ni courbatu. »

Le soir, il salua debout la galerie,
Clown élégant qui veut qu’au Public on sourie,
Puis, pour aller dormir un peu se retira.

Dans le logis hanté du spleen et des migraines,
Il lorgna vaguement les étoiles sereines.
Et, quand il eut fermé sa fenêtre, il pleura...
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     LA REVANCHE DES BÊTES
ET LA
REVANCHE DES FLEURS


          II

Mais, quand l’accomplisseur de l’œuvre de vengeance
Aura dit : Finit le Géant !
La Nature, avec sa maternelle indulgence,
Clôra la gueule du néant.
Car tu fus quelquefois bon et plein de tendresse,
O triste Roi des animaux,
Lorsqu’au pays d’Amour tu menais ta maîtresse
Cueillir les printaniers rameaux.
T’en souvient-il ? tu mis parfois à sa ceinture
Un bouquet doux comme un ami,
Et les lilas, avec un odorant murmure,
Sur sa gorge aimée ont dormi.
Pauvre mort, délaissé par ta maîtresse veuve,
Dans la tombe, rappelle-toi
Le pot de résédas, la violette neuve,
Sur la fenêtre, au bord du toit ;
Comme tu les aimais, les chères campagnardes
Fraîches sous leurs chapeaux rosés !
Comme elles t’envoyaient de leurs lèvres mignardes
Des parfums chargés de baisers !
Tu fus bon pour les fleurs — Elles suivront ta cendre
Jusqu’à la région des morts ;
Leurs racines iront, sous la terre, reprendre
Les particules de ton corps ;
Elles se chargeront, les douces envoyées,
En alambics mystérieux,
Elles distilleront tes chairs putréfiées
Pour en faire un charme des yeux.
Si ta veuve s’en vient vers cette sépulture,
— Ce qui ne paraît pas bien sûr ! —
Elles auront voilé l’abjecte pourriture
Sous un linceul d’or et d’azur ;
Et, plus tard — quand ton corps, cette chose innommée
Que tenait le Néant-Sommeil,
Aura, grâces aux fleurs, dans la vie animée,
Repris une place au soleil —
Par les airs, un beau soir d’été, plein de chimères,
De chants d’Amour, et de splendeurs,
Voleront, délégués par la Nature-Mère,
Les Papillons ambassadeurs ;
Sur la tombe ils viendront, en costume de fêtes
Porter le baiser ingénu,
Le baiser de pardon envoyé par les Bêtes,
Quand tu seras Fleur devenu.
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Idéal

Je suis lassé de tout : de moi comme des autres,
Des pensers importuns qui me viennent le soir,
Et des amis joyeux qui font broyer du noir,
Des vers que je compose, ô maîtres, et des vôtres...

Des Judas de carton et des faux bons apôtres,
Des filles qui s’en vont trottant sur le trottoir,
Des mondaines trichant d’amour en leur boudoir,
Ô mon rêve ! et des lits banals où tu te vautres !

J’ai trop de gaz dans l’œil et d’alcool dans le sang,
Trop de nerfs excités, trop de contacts laissant
À fleur de peau comme une odeur de cantharide.

Voici poindre là-bas l’aube de floréal ;
Le chevalier Printemps accourt à toute bride.
Je me sens un béguin très pur pour l’Idéal.
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On criait à la mort de l’opérette, au renouveau du drame, à la renaissance d’une poésie, d’une poésie plus vivante, moins renfermée en des tabernacles par les mains pieuses des servants de la rime riche ; on voulait ranimer l’impassible muse, lui rendre les muscles et les nerfs, et la voir marcher, moins divine, plus humaine, parmi les foules devenues souveraines.
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     LA REVANCHE DES BÊTES
ET LA
REVANCHE DES FLEURS


I

Tu tapes sur ton chien, tu tapes sur ton âne,
Tu mets un mors à ton cheval,
Férocement tu fais un sceptre de ta canne,
Homme, roi du Règne Animal ;
Quand tu trouves un veau, tu lui rôtis le foie,
Et bourres son nez de persil ;
Tu tailles dans le bœuf, vieux laboureur qui ploie,
Des biftecks saignants, sur le gril ;
Le mouton t’apparaît comme un gigot possible,
Et le lièvre comme un civet ;
Le pigeon de Vénus te devient une cible ;
Et tu jugules le poulet...
Oh ! le naïf poulet, qui dès l’aube caquète !
Oh ! le doux canard coincointant !
Oh ! le dindon qui glousse, ignorant qu’on apprête
Les truffes de l’embaumement !
Tu pilles l’Océan, tu dépeuples les fleuves,
Tu tamises les lacs lointains ;
C’est par toi qu’on a vu tant de limandes veuves
Et tant de brochets orphelins ;
Tu reste insensible aux larmes des sardines,
Et des soles au ventre plat ;
Tu déjeûnas d’un meurtre et d’un meurtre tu dines :
Va souper d’un assassinat !
Massacre par les airs la caille et la bécasse...
Sombre destinée : un salmis !
Tandis qu’un chou cruel guette, d’un air bonasse
Le cadavre de la perdrix.
Mais est-ce pour manger seulement que tu frappes,
Dur ensanglanteur de couteaux ?
Non. Les ours, les renards, les castors pris aux trappes
Sont une mine de paletots ;
Tu saisis le lion, ce roi des noctambules,
Dont le désert s’enorgueillit,
Pour faire de sa peau, sous tes pieds ridicules,
Une humble descente de lit.
Mais le meurtre, c’est peu ; le supplice raffine
Tes plaisirs de dieu maladif ;
Et le lapin (nous dit le Livre de Cuisine)
Demande qu’on l’écorche vif ;
L’écrevisse sera, vive, dans l’eau bouillante,
Cardinalisée en carmin,
Et —morne enterrement — l’huître glisse vivante,
Au sépulcre de l’abdomen.

Soit ! il viendra le jour lugubre des revanches,
Et l’âpre nuit du châtiment,
Quand tu seras là-bas, entre les quatre planches,
Cloué pour Éternellement.
Oh ! l’Animalité te réserve la peine
De tous les maux jadis soufferts ;
Elle mettra sa joie à te rendre la haine
Dont tu fatiguas l’univers.
Or elle choisira le plus petit des êtres,
Le plus vil, le plus odieux,
Un ver ! — qui s’en ira pratiquer des fenêtres
Dans les orbites de tes yeux ;
Il mangera ta lèvre avide et sensuelle,
Ta langue et ton palais exquis,
Il rongera ta gorge et ta panse cruelle.
Et tes intestins mal acquis ;
Il ira dans ton crâne, au siège des pensées.
Dévorer, lambeau par lambeau,
Ce qui fut ton orgueil et tes billevesées ;
Les cellules de ton cerveau,
L’âne s’esclaffera, voyant l’Homme de Proie
Devenu Rien dans le grand Tout !
Le pourceau, dans son bouge infect, aura la joie
D’apprendre ce qu’est le dégoût ;
Et les Bêtes riront, dans la langue des Bêtes,
De ce cadavre, saccagé
Par la dent des impurs fabricants de squelettes, —
Quand le mangeur sera mangé....
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Mieux vaut être demeuré vivant grâce à l’insouciance, que d’être mort stoïquement de misère, en se drapant du manteau de héros byronnien
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Le pessimisme le plus noir ombre aujourd’hui les fronts et les cœurs de vingt ans.
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Si le « moi » des autres est haïssable, son propre « moi » est délicieux.
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Quitte le restaurant discret, où vous soupâtes,
Niniche et toi, bourgeois vide et prétentieux ;
Profitant du lorgnon que le vin sur tes yeux
Pose, viens avec moi t’asseoir aux hydropathes.

Pourtant avant d’entrer, un mot : – que tu t’épates
Ou non, garde-toi bien des mots sentencieux
Devant ce défilé de profils curieux ;
L’endroit est sans façon, on n’y fait point d’épates.

Certes ne t’attends pas à trouver un goût d’eau
Au parlement criard que préside Goudeau ;
Laisse à ton nez poilu monter l’encens des pipes ;

Et – moins sot que Louis, aux canons bien égaux,
Foudroyant les Téniers et leurs drôles de types –
Du Cercle Hydropathesque admire les magots.

[Sonnet de Jules Jouy]
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SONNET


Brillamment tout le jour, il avait combattu
Pour ses rêves, pour ses amours, pour ses idées,
Lançant, audacieux, ses forces débridées
À l’assaut du bonheur, cet assiégé têtu.

Les assistants disaient : Ce lutteur est vêtu
D’ironie et de grâce, et, par larges bordées.
Le rire éclate aux coins de ses lèvres fardées :
On ne l’a vu jamais ni las, ni courbatu.

Le soir, il salua debout la galerie.
Clown élégant qui veut qu’au public on sourie ;
Puis, pour aller dormir un peu, se retira

Dans le logis hanté du spleen et des migraines ;
Il lorgna vaguement les étoiles sereines,
Et quand il eut fermé sa fenêtre, il pleura.
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IDÉAL

Je suis lassé de tout : de moi comme des autres.
Des pensers importuns qui me viennent le soir.
Et des amis joyeux qui font broyer du noir,
Des vers que je compose, ô maîtres, et des vôtres.
Des Judas de carton et des faux bons apôtres,
Des filles qui s'en vont trottant sur le trottoir.
Des mondaines trichant d amour en leur boudoir,
O mon rêve ! et des lits banals où tu te vautres !
J'ai trop de gaz dans l'oeil et d'alcool dans le sang.
Trop de nerfs excités, trop de contacts laissant
A fleur de peau comme une odeur de cantharide.
— Voici poindre là-bas l'aube de floréal ;
Le chevalier Printemps accourt à toute bride.
Je me sens un béguin très pur pour l'Idéal.
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Émile Goudeau
ADJECTIVISME ADVERBIAL


Auprès du fier Pourquoi le noir Comment se dresse.
Le Jamais les poursuit ; mais l'Éternellement,
Dans le mystère d'une inféconde caresse,
Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment...

Le Peut-Être s'impose aux timorés du rêve ;
Et, dans le tourbillon des mortelles amours,
Le Pas-Possible, froid et tranchant comme un glaive,
Fauche les cœurs humains assoiffés du Toujours.

Poussé par un orgueil sinistrement aptère,
L'ingénieur cadastral ensevelit feu Dieu !
Ses pensers, sous la pesanteur du Terre-À-Terre,
Pour choir au fond du Rien suivent l'À-Queue-Leu-Leu.

Depuis le jour maudit, féroce et sacrilège,
Où Caïniquement le Près tua le Loin,
On a bouclé l'Azur avec un vieux « Que Sais-Je ? »
Et, dans le Corps désert, l'Âme n'a plus un coin.

Le Moins vient t'enchaîner, et le Peu te gouverne ;
Dans l'Insuffisamment vont s'enliser tes pas :
À-Peine, avec un sec ricanement, te berne,
Et l'En-Vain de ton vol te plonge en l'Ici-Bas.

Tu ne veux plus du Trop, dont l'Assez te domine...
Tais-toi, brute, digère en fermant les deux yeux !
Ne creuse point l'Ailleurs dans la céleste mine,
Et, par crainte du Pire, éloigne-toi du Mieux !

Tel apparaît l'essor de l'Homme fils du singe,
Mêlant le Nonobstant avec le Toutefois,
Supputant les soleils, comme on marque du linge,
Et vers le fier Là-Haut crachant d'insanes lois.

Ô parasites verts ! bariolés faussaires !
Ces Adjectifs, ces Adverbes exorbitants
Envoûtent de leurs étendards de janissaires
Les Substantifs, vizirs, et les Verbes, sultans.

Quel chef réprimera ces hordes en tumulte,
Ces eunuques émasculant la volonté
Du Substantif à qui seul appartient le culte,
Et du Verbe en qui seul fleurit la Vérité ?

Ô jour ! Quand la Substance, étalant sa Superbe,
Domptera le troupeau des colorations !
Ô force !! Quand le Verbe égorgera l'Adverbe
Devant l'effarement des Interjections !!!

Mais d'ici là, Pourquoi près de Comment se dresse ;
Et Jamais les poursuit ; mais Éternellement,
Dans le mystère d'une inféconde caresse,
Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment.
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LA CHUTE

La gitane aimée et perverse
A déserté les Orients
Aux grands cadres luxuriants
Pour descendre dans le commerce.

Dans un cabaret elle verse
Des liqueurs aux étudiants ;
Moi, sur mes genoux suppliants
Le désespoir brutal me berce.

Or, nous sommes là quatre ou cinq
Autour de la fille de zinc,
Dont l'astuce froide nous joue.

Mais Samson court à Dalila !
Mon rêve est tombé dans la bouc
Et je l'ai suivi jusque-là.
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Mais bientôt il dut replier les ailes de son génie, ou les ailerons de ce qu'il croyait un talent, pour se livrer à des travaux sans nombre, peu rémunérés : 1° Colles dans les « boites à bachot », espèces d'usines que mainte mesure universitaire vise sans les atteindre, et où, par de savantes préparations, on tire un bachelier d'un cancre, comme une cuisinière dissimule un vulgaire rumsteack sous une sauce chevreuil : 2° copies dramatiques ou autres, travaux assommants, mal rétribués ; 3° mise au point des livres de quelque petit commerçant, payant généralement en nature, avec ses moins fraîches denrées ou ses laissés-pour-compte ; 4° timides essais dans des journaux vagues, dénués de toute célébrité et de tout argent... Et encore...
Ainsi songeait le triste Trapu en montant vers Batignolles.
Et il rageait.
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ALLER ET RETOUR

Le soleil avec des rayons tentants
Cognant aux croisées,
Je suis allé voir le nommé Printemps
Aux Champs-Élysées.
Les femmes étaient toutes déguisées
En roses rosées,
Et les amoureux avaient tous vingt ans.

II
Dans l'or et l'azur les bébés marchaient
Gomme des gens ivres ;
Les cafés-concerts grands ouverts crachaient
Les notes des cuivres.
Sonnant l'hallali des vents et des givres,
Et loin de leurs livres
Des négociants rêveurs chevauchaient.

III
Or j'ai vu passer en Victoria
La petite reine,
La reine des cœurs que j'aime, il y a
Plus d'une semaine.
Je fus pris aux lacs de sa robe à traîne.
Bien lourde est la chaîne
Du pauvre Bottum, ô Titania !

IV
Ainsi disparaît, Belle, à voire aspect
Mon enthousiasme :
Et je m'en revins tristement avec
Le nommé Marasme.
Car l'Amour au cœur est un cataplasme.
Gomme dit Érasme,
Fameux hollandais qui parlait le grec.
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LE SENTIER DU SOUVENIR

O sentier, le voilà velu de fleurs fanées.
Dont les vagues parfums s'exhalent affaiblis;
Les nids, déserts depuis le départ des années,
Dans le creux des buissons dorment ensevelis;

Les collines au loin se dressent, couronnées
De la brume qui roule et s'allonge en leurs plis;
Des ruines sont là, de lierre environnées,
Et, sous mes pieds, des champs que le deuil a remplis.

Paysage d'autonme. où règne le silence,
Où, dans le brouillard bleu, le rêve se balance :
Ce sont les jours passés où je veux revenir!

J'ignore si le temps, ce peintre prismatique,
Sait rendre le lointain des ans plus poétique,
Mais tu me plais toujours, sentier du souvenir!
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ALLER ET RETOUR


I

Le soleil avec des rayons tentants
Cognant aux croisées,
Je suis allé voir le nommé Printemps
Aux Champs-Élysées.
Les femmes étaient toutes déguisées
En roses rosées,
Et les amoureux avaient tous vingt ans.


II

Dans l’or et l’azur les bébés marchaient
Comme des gens ivres ;
Les cafés-concerts grands ouverts crachaient
Les notes de cuivres,
Sonnant l’hallali des vents et des givres,
Et loin de leurs livres
Des négociants rêveurs chevauchaient.


III

Or j’ai vu passer en victoria
La petite reine,
La reine des cœurs que j’aime il y a
Plus d’une semaine.
Je fus pris aux lacs de sa robe à traîne.
Bien lourde est la chaîne
Du pauvre Bottum, ô Titania !


IV

Ainsi disparaît, Belle, à votre aspect
Mon enthousiasme ;
Et je m’en revins tristement avec
Le nommé Marasme.
Car l’Amour au cœur est un cataplasme,
Comme dit Érasme,
Ce fameux auteur qui parlait le grec.
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CUEILLETTE SUR l'ASPHALTE

À LA FEMME AUX YEUX BLEUS


Comme un fiévreux cherchant le sommeil qui le fuit
J'allais, silencieux et morne dans la nuit,
Loin de tout ce qui chante et de tout ce qui luit,
Promenant sous le ciel sombre le sombre ennui.

Les étoiles semblaient à tout jamais éteintes,
Mortes à tout jamais les illusions saintes ;
Je n'avais plus de dieu pour mes vides étreintes,
Et j'errais, étouffant dans ma gorge mes plaintes.

Mais vous êtes venu, jeune astre radieux,
Laissant dans le chaos morne et tumultueux
Descendre un rayon pur comme un regard des dieux :

Et du sarcasme noir mou âme coutumière
Refleurit à l'amour, au rêve, à la lumière.
Salut à vous! Salut, ô jeunesse première !

p.52-53
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PAROLES PERDUES

Oh ! ces femmes ! ces tas de femmes qu'on rencontre !
Ces beaux yeux ! ces beaux corps si froids !
Mets au Mont-de-Piété, pauvre chien, mets ta montre
Pour payer d'obscènes octrois.
Oh ! la débauche qui vous jette sous leurs griffes
Pantelant de la tête au cœur.
Pour que vous en sortiez plus souillé que leurs chiffes,
Et plus vide qu'un chroniqueur !
Oh ! dépenser sa vie ardente et sa jeunesse,
La jeunesse prompte à ternir,
Sans pouvoir s'arrêter et sans que 1 on connaisse
Comment ces choses vont finir !
Oh ! mettre un papillon idéal sur leurs lèvres ;
Et ne pas sentir qu'elles ont
Pour tous les hommes, tous, excepté les orfèvres,
Un mépris égal et profond !
Oublier tant de cœurs vierges et solitaires,
Calices fumant d'amour pur,
Et s'en aller traîner aux horribles mystères
Tous les rêves d'or et d'azur.
Doux comme des agneaux, les rêves se refusent
Et disent : Nous ne voulons pas !
Puis ils cèdent, vaincus par la folie, et s'usent
Dans on ne sait quels noirs combats.
Ah ! mieux vaut raille fois, plutôt que ces gueusardes
Qu'on juche sur un piédestal.
Mieux vaut, plein de marlous et de filles blafardes,
Un lupanar bête et brutal.
Au moins, quand tu descends de l'aphrodisiaque
Et morne lit aux vieux ressorts,
Ton cadavre tout seul a hanté la baraque,
Et ton cœur est resté dehors.
Tandis que si tu prends une des filles libres
De l'entresol ou du trottoir,
Tu pourras de ton âme user toutes les fibres.
Prêtre d'un culte sans espoir.
On dit : «je n'aimerai qu'un peu, c'est un caprice,
Caprice tueur des moments. »
Puis on revient encore et toujours, et l'on glisse
Aux sensuels embrassements;
L'hallucination vous prend comme un vertige :
On tourne, on descend, on se perd :
Délicieusement la passion fustige
Les sots qu'elle jette à l'enfer,
Dans l'insouci du monde et dans la mécréance,
Le satanisme vous éteint ;
A peine l'on s éveille aux cris de déchéance
Que pousse un noble et vieil instinct.
Toujours trop tard ! — Et l'un se loge dans la tète
La balle de son pistolet ;
Et l'autre, ayant une âme à toute honte prête,
S endort sur le lit qu'il s'est fait.
Et de ce mort-d'amour, et de ce meurt-de-honte
Cotés à la bourse du cœur,
La fille fait un beau prospectus qu'elle conte
Avec un sourire moqueur.
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M. Trapu, ainsi se nommait le secrétaire de M. Trévières, ayant donc doublé le cap de la quarantaine, laissait sur sa ligure errer le souffle amer de l'ironie, tandis que le « patron » recevait dans sa barbe fluviale et dans ses petites narines l'odeur forte de la gratulation des foules.
Madame Trévières, élégante et jolie, un peu épaissie par un abus probable des nourritures, réussit à se frayer un passage à travers les félicitations,
pour rejoindre enfin son mari et l'enlever à une imminente asphyxie.

Le philanthrope, en effet, apparaissait plus rouge qu'un rideau d'andrinople neuf, et suant comme le Neptune de Versailles le jour des grandes eaux par un fort vent, éparpillant des gerbes aquatiques. Et, de son front, il épongeait la moiteur.

Le triomphateur articulait vaguement des réponses : « Mon Dieu, madame... oui, très certainement... Oh! cher ami, je suis confus de... Bien, bien, à jeudi ; seulement, parlez-en à ma femme, afin qu'elle me le rappelle... Je suis si occupé... Prochainement, oui, une autre... "

Les complimenteurs se retiraient souriants et dénués de toute conviction ; ils se hâtaient au vestiaire encombré, et, d'un même ton aimable, ils réclamaient leurs paletots ou leurs parapluies, en versant des décimes ès-mains des ouvreuses.
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