AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Bibliographie de Émile Tardieu   (2)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
J’ai trop pensé


J’ai trop pensé, j’ai trop analysé le monde et les hommes ; je ne vois, je ne touche plus rien qui soit vivant.
J’habite dans le désenchantement : mon œil réduit les choses à leur poussière et à leur squelette ; j’entends crier les ressorts d’acier de l’univers ; je découvre le jeu de la mort sous les voiles splendides de la vie.
J’ai trop disséqué l’égoïsme de l’homme ; j’ai étiqueté tous les mobiles de ses actes ; je compte dans son crâne ses pensées à nu comme les fibres d’un écorché dans une vitrine.
Je n’ai plus d’amis : car elles ne naissent plus en moi, ces sympathies mystérieuses, ces attractions irrésistibles qui jaillissent des profondeurs de notre vie, nous entraînant vers les cœurs de ceux que nous devons aimer.
Mes amitiés tout intellectuelles ne sont qu’une distraction cérébrale, une joute de paroles, un cliquetis de mots, où les phrases prononcées sont pareilles à celles des réunions de savants qui échangent des chiffres et des formules de mathématiques.
Mes amis ne m’apparaissent plus comme vivants ; automates qui marchent, je sais ce qu’ils répondront à mes confidences : pourquoi leur en faire ? Après quelques explications banales sur les choses du jour nous avons hâte de nous séparer.
Mon cœur se serre quand je pense que je les ai tant aimés, et que je ne les aimerai plus.
Par instants j’ai envie de me jeter sur leur poitrine et de tout leur dire ; si cette sourde guerre entre les hommes n’était qu’un malentendu ?... et puis je sens qu’ils ne me comprendraient pas.
J’ai trop pensé ; j’ai acquis une seconde vue fatigante qui dessèche, flétrit et décompose ce qui faisait autrefois mes illusions, mes élans et ma joie.
Mes amis, l’amour, j’ai tout abandonné ; je reste seul, et quand je regarde en moi-même, je me fais horreur.
Je ne vaux pas mieux que les autres ; je suis plein d’actes mauvais et de désirs pires encore ; si j’ai une supériorité c’est de me connaître et de ne me cacher rien.
Oh ! que la terre est devenue triste depuis que j’ai découvert sur combien d’infamies se lève et fleurit la vie des vivants ! Que l’âme humaine est devenue laide depuis que je sais son secret !
J’ai toujours peur de me surprendre dans des crimes inconscients et des flagrants délits horribles ; je n’ose agir parce que je sais que le fond de mon être a sa pente dans le mal.
Et l’univers aime le mal par moi, car je ne suis autre chose qu’une fonction, un acte de l’univers, un des organes par lequel il réalise sa vie avide, égoïste et insatiable.
Je suis une armée de désirs violents et redoutables qui pilleraient et saccageraient le monde, si ses forces conjurées, supérieures aux miennes, ne m’écrasaient à toute heure.
Nous voulons le bien, cependant, nous savons que le bien devrait être, et nous faisons le mal, parce que la lutte et le mal sont les aliments et les excitants nécessaires de la vie.
Et je m’éloigne de mes amis, car je sens que leur main a des étreintes louches et douteuses, pendant que leurs paroles me caressent ; et moi-même je ne suis pas sûr de ma main.
Commenter  J’apprécie          40
Jadis la vie entrait en nous avec un beau tapage ; tout nous était chantant, lumineux, brillant ; il courait sur notre chair des frissons sensuels ; notre système nerveux sonnait des carillons étourdissants. Aujourd’hui tout s’éteint, le gris gagne ; quel vide, au-dehors, et en nous, quel silence ! L’étincelle, la dorure des objets s’en sont allées; nos pensées qui étaient une prairie vivante se fanent, les fleurs d’autrefois se rangent dans l’herbier ; nous ne savons plus respirer les roses ; nous demandons grâce à l’amour… L’intelligence s’alourdit, ne fait plus de conquêtes ; il en va ainsi chez ceux qui ne l’entretiennent pas ; chez les privilégiés même l’invention se retire ; les résultats de nos opérations mentales ne sont plus neufs ; c’est le temps des rengaines, des rabâchages ; on se répète, on se copie ; nos actes ont perdu leur intensité savoureuse, leur alacrité crépitante, et s’achèvent en réflexions amères, en déceptions navrées. Dans le champ dévasté de notre âme, il n’y a plus que ballons dégonflés ; l’amour, l’honneur, le devoir, la vertu, qu’est-ce c’est que ça ?
Commenter  J’apprécie          20

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Émile Tardieu (11)Voir plus

Quiz Voir plus

Autobiographies de l'enfance

C’est un roman autobiographique publié en 1894 par Jules Renard, qui raconte l'enfance et les déboires d'un garçon roux mal aimé.

Confession d’un enfant du siècle
La mare au diable
Poil de Carotte

12 questions
28 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}