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Citation de Marie-Hi


Les empreintes du loup marquaient la boue. Impressionnantes. Des griffes plus larges que le poing d'un homme.
En s'accroupissant, elle examina les traces : déjà sèches, elles dataient d'au moins un jour. Il n'était donc pas trop tard.
Anne se traîna jusqu'au coude de la rivière, se désaltéra, rafraîchit ses jambes, se désaltéra de nouveau. Ensuite, elle s'assit sur une souche et contempla les étoiles qui dévoilaient les derniers nuages qui s'enfuyaient.
Un son puissant et vertical ébranla les ténèbres.
Le hurlement jaillissait des hêtres, plus proche que jamais.
Anne frissonna.
Le cri, enroué, rageur, racontait la soif, la faim, mais portait en lui une question : "Qui es-tu ?"
Anne sut alors que le loup l'avait suivie pendant son périple.
"Qui es-tu ?"
Dans ce cri guttural, quel sentiment prédominait ? La curiosité ou l'étonnement ?
Il hurla encore, livrant à Anne sa réponse : la colère !
La jeune fille tressaillit. Soudain, elle s'affola; d'un coup, elle comprit la sottise de sa démarche, elle allait être dévorée.
Le loup bondit du bois.
Après trois sauts, l'animal ralentit et chemina, assuré, d'un trot dansant. A mesure qu'il progressait, tout se taisait autour de lui, le paysage se pétrifiait. Aucune mastication de rongeur. Plus un bruissement d'ailes. Un silence dru s'étendait, tissé d'angoisses, de souffles retenus. L'épouvante montait vers le ciel. Même les feuilles s'empêchaient de frémir. Seule la lune semblait à l'abri de la terrible bête.
Anne voulut s'enfuir mais une voix intérieure la retint. "Qui se fait brebis, le loup le mange." En se rappelant ce proverbe, Anne s'obligea à calmer la panique qui accélérait son coeur, dressait ses poils, asséchait sa bouche.
Elle se tourna doucement vers le loup et l'attendit.
Il avançait très droit, le corps raide sur des pattes souples, le haut agressif et le bas nonchalant. Poils du dos hérissés, queue levée, les oreilles pointées vers l'avant, il menaçait Anne de ses crocs, découvrant des canines longues comme des poignards, solidement implantées dans sa gueule large, écumante, hostile.
Anne courba la nuque en signe de soumission.
Surpris, le loup stoppa à deux mètres d'elle.
Anne baissa les paupières. Néanmoins, par des regards fugaces, elle l'étudiait, effrayée, redoutant à chaque instant qu'il se ruât sur elle.
Au-dessus des babines retroussées, les prunelles fixes du loup avaient une luisance quasi surnaturelle ; elles ne reflétaient pas la terne lueur de la lune ou des étoiles ; elles avaient emprisonné la lumière orangée du jour pour la rendre à la nuit. Ces yeux là ne se contentaient pas de voir, ils éclairaient.
Anne et le loup demeuraient face à face.
Elle percevait son haleine chaude. Elle discernait la force contenue dans ce corps exaspéré. L'odeur du loup l'envahissait, une odeur brune, capiteuse, de feuilles mortes, de mare croupie, à laquelle s'ajoutaient par éclats, pour la rehausser, des parfums de sang ou de viande macérée.
[...] mais par les pores de sa peau, elle sentait que le péril s'écartait, que l'atmosphère s'allégeait. Courageusement, sans brusquerie, elle releva le crâne et planta ses yeux dans ceux du loup.
Ils se dévisagèrent enfin.
Et par le regard, ils se comprirent aussitôt.
Nulle malveillance ne subsistait entre eux; elle s'était évanouie avec la crainte. Anne n'était pas la proie du loup ni lui la sienne. Ils ne se voulaient pas de mal. Ils se rencontraient sous la lune, eux qui habitaient dans des mondes si différents.
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