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Citation de tolstoievski


Voyant ces gens-là qui naquètent le tyran pour faire leurs besognes de sa tyrannie et de la servitude du peuple, il me prend souvent ébahissement de leur méchanceté, et quelquefois pitié de leur sottise. Car, à vrai dire, qu'est-ce autre chose de s'approcher du tyran que de s'éloigner de sa liberté et, par manière de dire, serrer à deux mains et embrasser la servitude ? Qu'ils laissent, pour un temps, leur ambition de côté et qu'ils se débarrassent un peu de leur convoitise, et puis qu'ils se regardent eux-mêmes et qu'ils se reconnaissent, et ils verront clairement que les villageois, les paysans, lesquels tant qu'ils peuvent ils foulent aux pieds et en font pis que de forçats ou d'esclaves, ils verront, dis-je, que ceux-là, ainsi malmenés, sont toutefois au prix d'eux fortunés et, en quelque sorte, libres : le laboureur et l'artisan, pour autant qu'ils soient asservis, en sont quittes en faisant ce qu'on leur dit ; mais le tyran voit les autres qui sont près de lui, coquinant et mendiant en sa faveur. Il ne faut pas seulement qu'ils fassent ce qu'il dit, mais qu'ils pensent ce qu'il veut, et vouvent, pour le satisfaire, qu'ils préviennent encore ses pensées. Ce n'est pas tout, à eux, de lui obéir, il faut qu'ils se rompent, qu'ils se tourmentent, qu'ils se tuent à travailler en ses affaires, et puis qu'ils se plaisent de son plaisir, qu'ils laissent leur goût pour le sien, qu'ils forcent leur complexion, qu'ils dépouillent leur naturel. Il faut qu'ils prennent garde à ses paroles, à sa voix, à ses signes et à ses yeux ; qu'ils n'aient œil, ni pied, ni main qui ne soient tout aux aguets pour épier ses volontés et pour découvrir ses pensées. Cela, est-ce vivre heureusement ? Cela s'appelle-t-il vivre ? Est-il au monde rien moins supportable que cela, je ne dis pas à un homme de cœur, je ne dis pas à un bien né, mais seulement à un homme qui ait le sens commun ou, tout simplement, figure humaine ? Quelle condition est plus misérable que de vivre ainsi, qu'on n'ait rien à soi, tenant d'autrui son aise, sa liberté, son corps et sa vie ?
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