Il y a quelques années, Worg se rappelait avoir lu les résultats d'un sondage mondial qui avait montré que la majorité des 15-35 ans se déclaraient plus fidèles à un réseau social ou un constructeur informatique qu'à leur nation d'origine. Les marques étaient les nouveaux drapeaux. Les logos étaient d'ailleurs les seuls symboles d'appartenance qu'on pouvait arborer dans la rue sans déclencher les programmes de recherche des cybermercenaires au service des gouvernements.
Worg sentit sa mâchoire se crisper à nouveau. Depuis que la municipalité recevait des mises à jour gratuites en échange de la tolérance zéro sur le piratage de produits Microsoft, il ne faisait pas bon être trop pauvre pour se payer les licences. Les intérêts privés passaient souvent devant la mission publique.
Celui qui se rapprochait le plus d'une autorité pensante à Dolph était sans doute le dernier des technophobes. Étrangement, c'était cet homme, coupé des communications en temps réel, et donc du monde, à qui on avait donné le pouvoir de prendre les décisions importantes. Bien sûr, le tout-venant était géré par un conseil d'échevins chacun à la tête d'un groupe de volontaires. Mais quand il fallait réfléchir à long terme ou rédiger des messages officiels à destination des autorités irlandaises ou des Nations Unies, c'était toujours John qui s'en chargeait.
Worg n'était pas particulièrement fier de ses origines. A vrai dire, il se sentait moins Irlandais que braincaster, moins dublinois que linuxien.