Il se tient sur la terrasse
au milieu des feuilles
tombées du chêne
son regard parcourt la vallée
la brume naissante au ras de l'herbe
le soir est limpide il voit clair
jusqu'à la nuit et les étoiles de saison
seules sont brouillées les fenêtres
allumées sur la rive d'en face
comme à travers les larmes
qui refusent de monter
(" Le Portail dans les ronces")
Recouvre ton visage…
Recouvre ton visage et le mien
La flamme est courbe et visible
La nuit se trempe aux fontaines obscures
Et délire dans tes cheveux
Son feu glacé d'avant qu'on ne meure
L’OR DU RHIN
Pendant les vacances d’été
garçon dans une guinguette au bord du Rhin
du matin au soir tu entendais
les péniches haleter contre le courant
le samedi soir des couples s’ébattaient
derrière les buissons
au cours d’une dispute sur la terrasse
une jeune beauté rageuse
a jeté son alliance dans le fleuve
tu y as pris des leçons de vie
L'étoile du soir
a beau trouer ma fenêtre
et me faire voir une fois encore
comme elle sait trouer l'ombre
je veux l'ignorer comme toutes ces choses
qui consolent si faiblement
persuadé le plus souvent que tout est là
sans bonnes raisons
p.57
Les mots
extrait 3
Il faudrait vivre
pleinement l’éphémère
et l’incertaine réalité
sans poèmes en soutien
du moins en fin de parcours
n’attendons pas
que le grand silence
nous paralyse les doigts
LE ROI DES AULNES
En rêvant tu chevauches
dans le vent et la brume
au pays des aulnes
le roi cherche à te retenir
en te promettant jeux et danses
avec ses filles
tu l’entends à peine
tu chevauches dans la nuit
vers un lendemain
dont tu verras peut-être le jour
Les mots
extrait 1
Certains mots s’éloignent
je peine à les ramener sous mon toit
restent les fidèles
ils m’accompagnent
depuis que je sais les prononcer
en dehors d’eux
ne sont que des ombres
me donnent-ils à comprendre
LORELEI
En séductrice émérite
la sirène de tes cauchemars
peigne ses cheveux d’or
assise au sommet du rocher fatal
dont s’approche à vive allure
ton esquif délabré
J'écoutais le requiem de Brahms et je voyais
s'assembler les planches de mon cercueil
dans une sombre menuiserie
j'entendais menacer les timbales avec véhémence
tonner les mâles chanteurs
je m'enfonçais dans la fosse profondément
à la faveur d'une séquence apaisée
j'émergeais des sables sur la lande
de Lüneburg parmi quelques personnages
en redingote noire auxquels Caspar David Friedrich
faisait prendre l'air
p.15
Les mots
extrait 2
Une parole définitive
je voudrais griffonner
en prélevant les mots
de mes anciens poèmes
à peine lisible elle sera je le crains
les lettres se feront toutes petites
quand elles entendront gratter à la porte
absence et néant
ces mots énormes et griffus