La guerre éructe…
La guerre éructe c’est de tous côtés
la ville ultime dans la peste brune
mais rôde sur les ormes argentés
l’or hésitant de la nouvelle lune
Terre effroyable terre dévastée
les maraudeurs récits de peur commune
mais sur l’étang les perles reflétées
de la lucarne luisent une à une
La main ne réchauffera plus la main
survivre est illusoire quand s’approche
l’alléouïa des vents vers leur abîme
Mais luisent si vivantes sans chemin
zébrant le ciel sans craindre aucun reproche
les lèvres qui se trouvent par la rime
4 octobre 1940
/ Traduit du russe par André Markowicz
À l’automne…
À l’automne, le Soleil, pour l’étancher l’amour
Offre aux collines la grappe bleu nuit du raisin.
Le jus qui gicle, la terre mourante l’offre à boire
à chaque fruit.
Les tournesols, les poires sont mûres
Les lourdes masses des melons remplissent les potagers.
Une huppe au bord de la rivière.
Cherche des scarabées. Dans la pénombre des pressoirs
on se soûle à grands cris, on répand le vin jeune.
Les cruches, les gourdes se vident sitôt remplies.
Les bergers, des montagnes, ramènent les troupeaux
dans la plaine.
Les moutons courent, bêlent, les chèvres à poil long
piétinent les fleurs, arrachent l’herbe.
1912
//Iliazd (1894 – 1975)
/ Traduit du russe par André Markowicz
Va donc eh dans la vie cherchant fortune
Va donc eh dans la vie cherchant fortune
et n’implorant plus loin que le repos
hurlant dans l’insomnie contre la lune
les hommes savent qu’on leur fait la peau
la fosse bâille uniformément une
Et s’il arrive dans ce vain combat
que nous trouvions quelqu’un qui bouleverse
la vieille mort arrive et nous rabat
et les chevaux des ombres nous renversent
et gare alors hurler ne suffit pas
Pour m’épargner les tentations futiles
parmi la foule qu’elle avait à voir
elle arrivait chez moi gentille hostile
et me soufflait d’abandonner l’espoir
et sa tendresse n’était pas servile
À force de fatigue je l’ai crue
et j’ai glissé vers l’ombre la plus nulle
où nul ne cherche à être secouru
je suis cadavre mais je déambule
ta plainte ou ton reproche – des intrus
Pilier d’auberge suis-je dans l’allure
l’indifférence m’a tendu la main
mon existence vide prend figure
et j’ai toujours banni de mon chemin
le marchandage la littérature
C’est un délire absurde le passé
mourir est une forme de conquête
il faut se taire j’en ai dit assez
que dorment sans murmure les défaites
quand le victoires vaines sont cassées
2.2.1947
/ Traduit du russe par André Markowicz
Je fus j’ai cessé d’être…
Je fus j’ai cessé d’être quel tourment
m’infliges-tu d’être à nouveau compagne
lorsque sans croire sans savoir comment
mes mots n’apportent qu’un destin de bagne
la peste frappe mon attouchement
Depuis l’enfance chaque jour m’écrase
et le désir me ronge croc à croc
le fond de l’’âme c’est un lit de vase
je lutte pour souffrir d’être un héros
invraisemblable de l’arrière-base
J’imaginais naïvement le bien
m’ouvrant les grandes portes de la terre
on me jetait je ne reprochais rien
une monnaie de singe pour salaire
le chien fidèle avait sa vie de chien
Que faire la jeunesse est sans famille
seule pour le conseil et le souci
le temps se perd dans un brouillard qui brille
ni le rêveur n’a rien à faire ici
alors que mes possibles s’éparpillent
J’ai vainement cherché la compassion
et je croyais un peu en quelque chose
j’ai vu les murs où nous nous fracassions
et les cervelles grises de sclérose
et les sourires ceux de location
…
2.2.1947
/ Traduit du russe par André Markowicz