Paris, 4 août 1789
Les deux couleurs qui avaient d'abord été choisies (pour la cocarde) étaient le vert et le blanc. Mais, le lendemain, on s'avisa que c'étaient justement là les couleurs (..) de la livrée des domestiques du comte d'Artois ; et chacun, à l'instant même, arracha la cocarde de son chapeau et la piétina. Alors on adopta les couleurs de Paris : le rouge et le bleu ; mais, dès qu'on eut compris que deux couleurs ne pouvaient désigner que deux états, on les rejeta également. On en prit donc une troisième : la blanche ; et c'est ainsi que le bleu devint symbole de la noblesse, le rouge celui du clergé et le blanc celui du peuple. L'affaire en était là quand nous arrivâmes en France. Or voilà qu'au relais de Marchepot où nous avions fait halte (...) la cocarde d'un de mes compagnons se trouvait si froissée, si recroquevillée que le bleu était presque entièrement recouvert par le blanc. Nous descendîmes de voiture quand un valet d'écurie le remarqua et, nous montrant du doigt, s'esclaffa : Voilà le tiers état qui presse bien la noblesse !
385 - [p. 30-31]
Paris, le 14 août 1789
Il y aura encore vraisemblablement des incidents sanglants, tant il paraît impossible de mettre rapidement au point une nouvelle forme de gouvernement susceptible de remplacer rapidement l'ancienne. Les aristocrates vont continuer à agir en secret ; la noblesse et le clergé, certains éléments de l'Assemblée nationale vont faire tous leurs efforts, pour empêcher, par mille obstacles, par mille difficultés, l'achèvement du plus grand monument du siècle : à savoir une constitution fondée sur la raison et les droits de l'homme. Alors le peuple sera toujours plus soupçonneux, toujours plus jaloux de cette liberté nouvelle à laquelle il n'est pas encore habitué, toujours plus prompt dans ses réactions, toujours plus intraitable, toujours plus indomptable. Et l'Ami des hommes, lui, se détournera avec pitié des horreurs qui découleront de cette situation !
398 - [p. 119]