Les rues, en bas, étaient étroites et agitées. Des enseignes de fer forgé ou de bois se balançaient au vent. Chargés de leurs tonnelets et de leurs gobelets, les crieurs d’eau-de-vie se tenaient à leur poste; les charrettes des boulangers et des maraîchers peinaient à avancer parmi les troupeaux de bœufs, de veaux et de moutons, tandis que carrosses et vinaigrettes circulaient rapidement, éclaboussant les piétons, nombreux, qui allaient dans tous les sens, constamment interpellés par les boutiquiers et vendeurs de rue. Je repérai des bourgeoises habillées et coiffées à la manière des nobles de la cour, des moines vêtus de leur robe sombre et épaisse et bon nombre de mendiants couverts de haillons. Je vis des chambrières jeter les déchets et les contenus des pots de chambre par les fenêtres et des petits enfants s’agripper au manteau de leur mère.
Les filles étaient enfermées pour des raisons souvent semblables. On ne réinvente pas le crime tous les jours. Dans ce pays aux mœurs réprimées et à la justice défaillante, voire corrompue, il était fréquent qu’on enchaîne sans procès, pour de simples rumeurs. On comptait sans doute plus de bonnes gens à l’intérieur de ces murs infernaux que sous le ciel de Paris, la nuit, où erraient librement scélérats et ribaudes.