Maudy Piot, fondatrice de "Femmes pour le dire, femmes pour agir" (2015).
La présidente et fondatrice de l'association "Femmes pour le dire, femmes pour agir" (FDFA), Maudy Piot, engagée auprès des femmes handicapées, est décédée le 25 décembre 2017, a annoncé le Haut conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Nous l'avions reçu le 14 octobre 2015 dans le Magazine de la santé.
France Handicap Info : Demain, allons-nous vers une société inclusive où la personne handicapée sera au cœur de la cité ?
Maudy PIOT : Je déteste ce mot. Je n’ai pas envie que l’on "m’inclue" ni que l’on "m’intègre" quelque part. Je suis citoyenne d’un pays, et par ma citoyenneté de femme handicapée, je fais partie d’une société. Je veux que les autres me regardent comme une citoyenne à part entière. On ne va pas "m’inclure", mais on va simplement me permettre de vivre une vie digne et respectable au milieu des autres. Je n’aime pas cette idée d’inclusion. Je préfère avoir une accessibilité adaptée, un accueil sympathique, plutôt qu’on me parle d’inclusion.
Elle [la femme handicapée d'aujourd'hui] essaie de se frayer un chemin pour pouvoir trouver une place pleine et entière dans la société. Mais il y a encore beaucoup de difficultés à surmonter pour une femme handicapée. Bien évidemment, je veux faire référence aux problèmes d’accessibilité, de regard des autres ou encore toutes les difficultés autour de l’emploi.
Lorsqu’on est en situation de handicap ou que l’on est handicapée à cause d’un accident de la vie, on a un imaginaire de notre corps qui est différent de celui que voit les autres. C’est pour cette raison que nous avons voulu mettre en place ce colloque sur « Du corps de imaginaire à la singularité du corps : le féminin en question ». Après en fonction de son handicap, on va faire une reconstruction corporelle. Pour ma part, je suis aveugle et j’ai une reconstruction de mon corps qui n’est pas la même que celle que j’avais il y a dix ou quinze ans. Par exemple, on a demandé à une personne qui a été amputée des deux jambes de nous parler de son corps d’avant, pendant et après son amputation. De nombreux témoignages auront lieu tout au long de cette journée sur cet imaginaire de notre corps jusqu’à sa singularité.
Il faut rappeler que seulement 22% des femmes handicapées travaillent contre 48% chez leurs homologues masculins. Pour qu’une femme handicapée soit embauchée, c’est le parcours du combattant, comme cela peut être le cas chez les femmes valides. Pour ma part, j’ai travaillé tout au long de ma vie et je me suis très bien occupée de mes deux enfants. Ils n’ont pas été plus malheureux que d‘autres. C’est une question de préjugés. Parce que l’on est en situation de handicap, on ne serait pas capables de s’en occuper ! L’assistante sociale m’a dit que je pouvais crever les yeux de mon fils en lui donnant son biberon parce que je suis aveugle. Je sais tout de même où est la bouche de mon fils !
On le voit dans les milieux hospitaliers, universitaires ou encore dans le monde du travail : la personne handicapée n’est pas considérée comme une vraie citoyenne.
Le regard social est très lourd à porter. Lorsqu’une femme handicapée annonce qu’elle est enceinte, sa famille lui demande si elle est capable de s’occuper de son bébé. Lorsqu’un homme handicapé dit qu’il attend un heureux événement, on le félicite. Il faudrait que la femme soit parfaite pour qu’elle soit digne d’être mère. Pour moi c’est une erreur car il ne faut pas voir les choses comme cela.
Je veux que les autres me regardent comme une citoyenne à part entière.
on peut perdre la vue, jamais le regard (Maudy PIOT)
On a envie de transmettre ceci : nous, femmes handicapées, nous sommes des citoyennes avant tout.