Constantin Meunier aura campé en des toiles caractéristiques et modelé en de robustes statues l'Ouvrier moderne.
Son œuvre est triste et sombre, violente et tragique, comme ses modèles.
Le pays de dilection de ce grand artiste, c'est le Hainaut. Et de cette contrée, il donne, moins encore la note réelle — car l'atmosphère hennuyère est claire et gaie souvent, avec des aspects parfois idylliques — qu'une note synthétique, exprimant de façon poignante l'âme de ce pays industriel, semblable à une forge de géants, brûlée aux foudres d'un travail dantesque. Sous des cieux tourmentés par des cheminées crachant leurs tourbillons en sinistres nuées, et comme éclairés d'un soleil ténébreux, les laminoirs découpent leurs ossatures apocalyptiques, les charbonnages profilent leurs spectres immenses et bizarres. Du paysage embrasé par les fournaises s'élèvent les terris, aux schistes stériles, formés, dirait-on, par la lave de quelque volcan; une chaudière s'érige, tel un donjon, et sur un escarpement de cette région minée, bosselée par des cataclysmes, un coron cramponne ses maisonnettes sales et pauvres, couvertes de tuiles rouges, lavées de chaux bleue ou jaunâtre.
Jusqu'à ces temps, les artistes ne s'étaient guère préoccupé des humbles. Les gothiques en ont fait des figures de saints, de martyrs, d'ermites ; ils ne compatissent pas à leurs misères : ils exaltent la foi des pauvres et les voient à travers leur propre mysticisme. — Qu'importait la souffrance, alors ? Elle menait au Paradis, et la chair, méprisée, se vouait aux mortifications. D'autre part, si Teniers a peint des rustres, c'est pour en animer de joyeuses kermesses ou de truculents cabarets ; il les regarde en seigneur de village, qu'amuse les danses grotesques des manants et ne prétend les voir que godaillant, sous des bérets verts ou vermillon, en des vestes marron ou roses, vidant des pots de grès, coupant des tranches de lard, et épanchant comiquement leur trop plein au coin des masures.