Ces derniers jours, j’ai relu ce que j’avais écrit au cours des premières semaines de la guerre, et j’ai été douloureusement affecté par certains passages. À l’époque, j’étais complètement transporté de joie par la victoire allemande (…). Aujourd’hui, je sais que la scène est indifférente pour juger l’horreur qui s’y joue, je sais aussi qu’aucune armée n’est meilleure qu’une autre, qu’aucune non plus n’est plus barbare, plus pilleuse, plus brutale qu’une autre (…). La conduite de la guerre prend ainsi de plus en plus la forme d’une joute dans l’abomination contre les civils, où chacun appelle les autres des barbares.(1915)
On combattait la crise par un renforcement de la pression sur les travailleurs et les gens sans emploi, on apaisait ses victimes par des élections, encore des élections et toujours des élections. Les partis cherchaient le profit de leurs dirigeants dans les préjudices subis par leurs adhérents. Un nouveau gouvernement que l'on était allé chercher dans la masse successorale d'époques féodales faillies, se livrait à des querelles constitutionnelles, cependant qu'une atmosphère de guerre civile menaçante s'étendait sur l'Allemagne. Et les tentatives pour écarter l'étouffement et le désespoir, les remèdes instamment recommandés par fascistes et démocrates, gens d'église et socialistes de droite ou de gauche, provenaient tous de l'officine de l'autorité, chacun prônant son État, sa vocation au pouvoir, son système autoritaire.
"Par ce que nous endurons aujourd'hui, il résulte pour nous tous un unique devoir : ne jamais - jamais - jamais oublier ! Apprendre de l'adversaire et, sans grandes phrases, mais avec un sentiment brûlant, attendre l'heure où ce qui a été appris pourra être mis à profit !" p.319 de la présente édition.
"Il faut avoir la gueule propre pour l'ouvrir toute grande." p.307 de la présente édition.