"Le Voyage" d'Henry Bernstein, par la Compagnie du Lion.
Sur l'immense divan, Holopherne se jette à plat ventre, guettant l'entrée de Judith.
Elle entre. Elle est vêtue magnifiquement.
Derrière elle, la portière retombe. Judith avance de quelques pas.
Elle aperçoit cette panthère. Elle a frémissement presque imperceptible.
Holopherne se lève ; en silence, il va vers Judith et, tournant autour d'elle, il la flaire.
Il se détache d'elle, qui essaie de sourire.
Holopherne.- Comment m'avez-vous trouvé ?
Sans répondre, Judith se prosterne.
Holopherne.- Mais que faites-vous ?...Madame ! Madame ! Oh je vous en prie ...
En quel honneur ce cérémonial absurde ?
Judith.- On m'a dit qu'il le fallait.
Holopherne.- Qui vous a dit cette bêtise ?
Judith.- Le chef de vos eunuques. Il m'a bien recommandé, à votre première parole, de vous adorer.
Holopherne.- Le chien !
Judith.- Je n'y aurais pas songé, je l'avoue ...
L'oratoire de Judith. C'est, au haut d'une maisonnette, dans une petite pièce blanche d'une austère nudité. Un meuble en bois, très simple, supporte les tables de la Loi et contient le Livre, que protège un rideau.
Une modeste terrasse fait deviner un jardin et laisse voir les toits de la petite ville.
D'une fenêtre, le regard plonge sur la vallée : le camp d'Holopherne déploie ses rangées de tentes, innombrables, son immensité.
Au lever du rideau, Judith et Abigail sont toutes deux étendues sur le sol, en prières.
Mais l'esprit de Judith est agité.
L'on entend ses gémissements, parfois terribles, mêles à des plaintes plus douces, presque enfantines.
Cela s'éteint. Silence.
Bientôt elle se redresse à demi.
Elle a un visage égaré. Ses lèvres murmurent les oraisons ...
Et puis le désespoir revient : de ses deux poings fermés, elle frappe sa poitrine, son ventre.
Une de ces brutalités envers elle-même lui arrache un cri de douleur ...
Un grand salon dans une villa de Biarritz construite sous Napoléon III. Cette pièce, où bibelots et meubles abondent, a su rester jolie. Elle donne l'impression de l'ancienneté, non de l'abandon.
Cinq heures du soir, par une belle journée de juillet 1935.
Ils sont très jeunes tous les deux - elle, vingt-deux ans, lui, vingt-quatre - et ils ont tous deux de la jeunesse.
Elle est très jolie, très fraîche, avec un charme fait de réserve et de franchise qui est tout de suite sensible. Elle porte une robe de plage.
Patrick est un grand garçon, bien bâti, qui a un beau visage et une voix ardente. Ses cheveux sont ébouriffés ; il est en costume de bain, avec un peignoir aux vives couleurs par-dessus.
Ils sont assis près de la table et ils boivent de la citronnade dans des grands verres.....
(lever de rideau de la pièce extraite de "La Petite Illustration" n° 410 parue le 3 avril 1937)
Il y a dans la corporation des chroniqueurs dramatiques - comme à la chambre et comme à l'académie, mais moins nettement déterminées que dans ces deux assemblées - il y a une gauche et une droite.
Sauf exception, l'opinion des critiques, en art et en morale, correspond à peu près aux tendances sociales et politiques des journaux auxquels ils collaborent.
Eh bien, constatation singulière, en dépit de la liberté de pensée, des hardiesses d'expression dont l'auteur de "Judith" a usé dans l'examen du cas physiologique et psychologique des deux personnages qui sont au centre de ses trois actes, les critiques de droite ont été loin de se montrer les moins favorables à cette oeuvre où tant de passion et de passions sont dévoilées ...
(Gaston Sorbets dans "La Petite Illustration" - décembre 1922)
L'intuition, c'est l'intelligence qui commet un excès de vitesse.