Bruce Catton

Johnston avait essayé d'augmenter le nombre des combattants en louant des esclaves aux planteurs locaux pour décharger les soldats des corvées courantes, mais il n'eut guère de succès. Il s'étonna de l'étrange comportement des civils en temps de guerre : "Ces hommes ont donné leurs fils librement, écrit-il, mais il n'est pas question de leur emprunter un Noir ou un mulet."

Des hommes qui n'avaient jamais appris à supporter les maux avec patience se persuadaient qu'ils étaient injustement traités. Ceux qui de tout temps aspiraient à se dévouer, se préparaient à servir une noble cause. Enfin il y avait des ennemis à frapper et cela dans un pays où il était de règle de frapper l'adversaire le plus fort possible.

Lee repoussa l'adversaire avec les moitié de ses forces et c'est à cette occasion qu'il prononça cette phrase célèbre sur un ton à la fois triomphant et amer : "Il est heureux que la guerre soit si horrible sans quoi nous l'aimerions trop."

Le procureur général Bates rapporta que les défenseurs des Noirs au Congrès étaient "fous de rage". Il ajoute : "Le Noir occupe toujours la première place dans leurs pensées et il donnera fatalement une teinte foncée à tout projet de loi déposé à l'une ou à l'autre des deux Chambres. Il est cependant étrange que personne n'ait formulé la moindre proposition tendant à donner un avantage substantiel aux affranchis en leur garantissant un statut, un lieu de résidence, des rapports sociaux consistants et une certaine stabilité. Le sujet n'est évoqué que pour servir la propagande aux élections — nullement pour le bien des Noirs."

Un officier écrivit avec amertume : "On appelle cela une victoire. S'il en est ainsi, que Dieu nous préserve de la défaite."

« La race qui avait réduit les noirs en esclavage ne croyait pas qu'il fut possible de vivre à coté du nègre s'il perdait ses chaînes.
Cette crainte effleura Lincoln lui-même et il espérait encore que les Noirs affranchis pourraient être envoyés dans quelque lointaine colonie. Tous les Blancs d'Amérique avaient besoin de croire que le nègre appartenait à une race inférieure car autrement le principe même de l'esclavage était moralement faux et le Nordiste qui l'avait tacitement admis était aussi coupable que le Sudiste qui le mettait en application. » p 403