« La plate-forme de Notre-Dame était à Paris mon endroit favori ; j’avais coutume, chaque après-midi de liberté, de monter aux tours de l’église et de m’y promener entre les monstres et les diables grimaçants. » (Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, cité par Michael Camille en épigraphe du chapitre : Freud, l’hystérie et la gargouille gynécologique (page 270).
Même si nous avons conscience de notre finitude, nous nous plaisons à croire que notre subjectivité porte un semblant d’éternité, quelque chose qui nous est antérieur et nous survivra dans le regard des gargouilles.
En 1887 déjà, en écrivant Paris depuis ses origines jusqu’en l’an 3000, Jules CLARETIE s’était projeté dans une utopie futuriste :
« À terre gît tout ce peuple de dragons, de goules, de hiboux, de démons, nuée sinistre qui s’était abattue sur l’église gothique. À demi brisés, ils dorment dans les hautes herbes, peu à peu recouverts, ensevelis par la marée montante des ronces et des broussailles. Le soir, quand la nuit est venue, tandis que la lune avance lentement à travers les nuages qui passent, les rayons argentés mettent sur les ruines des lueurs fantastiques(…) La nature assiste impassible et immuable aux révolutions des hommes et des choses. Les villes passent, les hommes disparaissent, la nature éternelle demeure. »
Avec sa cohorte de gargouilles et de chimères, la cathédrale remise à neuf est un hommage de Viollet-le-Duc à une époque qui n’ à jamais existé. L’architecte -restaurateur, en voulant effacer l’outrage des ans, a donné une dimension intemporelle à ce monument au multiples passés. Mais le passé , toujours en mouvement, est aussi insaisissable que le présent.
En se propulsant dans notre monde pour attirer notre attention, elles (les chimères) volent la vedette aux saints et aux pécheurs représentés sur les portails en contrebas, qui semblent s’enfoncer dans un passé caverneux désormais inconnaissable. P.359