AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet



    Sflagg le 12 novembre 2020
    Salut !

    Voici un texte court, mais bien d’actualité, hélas !

    Les bancs aussi sont confinés.  (11/11/20)

    Depuis quelques semaines
    Le banc se sentait bien seul
    Sans ses visiteurs quotidiens
    Sans tous ses habitués qui sur lui venaient s'assoir.
    Que ce soit le travailleur qui, avant d'aller bosser, s’arrêtait tous les matins pour lire son journal ;
    La vielle dame qui, une partie de la matinée, venait donner du pain ou des graines aux pigeons ;
    Les ados qui vers midi venaient manger un sandwich, un kébab ou autres ;
    Les amoureux qui se retrouvaient chaque après-midi pour se bécoter et se tripoter ;
    Les mères qui se réunissaient pour papoter en surveillant leurs marmots jouant dans le bac à sable après l'école ;
    Ou, en fin, les jeunes qui se rassemblaient en début de soirée pour flirter et faire d'autres bêtises moins avouables.
    Non, il ne voyait plus tous ces gens qui usaient leurs fonds de culotte et sa peinture,
    Et cela le rendait bien triste, toute cette solitude.
    Ah ! bien sûr, il y avait toujours le SDF qui venait depuis 28 jours toutes les nuits pour dormir.
    Mais sa tristesse à lui étant plus grande que celle du banc,
    Ça ne comptait pas vraiment,
    Même s'il était quand même, égoïstement, heureux de sentir sa chaleur le réchauffer dans ses nuits fraiches d'automne.
    Oui, depuis quelques semaines
    Le banc se sentait bien seul
    Oui, depuis qu'il y avait ce deuxième confinement.
    Il se sentait bien inutile.

    S.Flagg !!

    A+ !!
    franceflamboyant le 13 novembre 2020
    Le Banc jaune

    Je me souviens très bien du banc sur lequel j'ai été photographiée avec ma mère. Nous habitions alors le ré de chaussé d'une mais dans le seizième arrondissement et celui-ci ouvrait sur un petit jardin. Il n'y avait guère là que des plantes en pot, une treille et du mobilier de jardin mas ce lieu, pourtant lugubre en hiver, me plaisait beaucoup. C'était l'automne trente neuf, la guerre avait éclaté mais pour nous elle restait diffuse. J'avais sept ans, je me suis assise sur les genoux de ma mère Irène et Eric, mon père, a pris la photo. Elle était très jolie. J'adorais ce banc jaune et j'ai insisté pour que d'autres photos soient faites avec lui. C'est ma mère qui a photographié mon père et moi puis moi, eux et enfin, eux, moi toute seule. Je me souviens qu'en 1940 puis 1941, on se photographiait encore...Puis c'est arrivé...
    La France avait été envahie puis coupée en deux. On a commencé à nous regarder de travers puis on nous a discriminés. Ces interdits, l'étoile...Le banc jaune (nous n'avions pas déménagé) est devenu le terrain de nos émotions violentes et de nos craintes après avoir été celui de nos joies. J'ai vu un jour mon père assis sur ce petit banc joyeux fumer cigarette sur cigarette pour cacher son anxiété. Il était fondé de pouvoir pour une banque puissante et soudain, il ne l'était plus...Ma mère, elle-aussi, a trouvé refuge sur ce banc le jour où on lui a fait savoir qu'elle n'appartenait plus à la troupe de théâtre à laquelle elle s'était pourtant tellement dévouée. Elle ne pleurait pas. Roide sur le banc jaune, elle clignait des yeux et avait l'air de ne pas comprendre. Comme elle secouait la tête, son chignon s'est défait et ses cheveux sont tombés sur le col de son tailleur pourpre. Elle les a rejetés en arrière en un gracieux mouvement puis est restée figée...
    franceflamboyant le 13 novembre 2020
    En avril 1942, j'ai compris que je ne verrais plus mon père s’asseoir sur ce banc pour y réfléchir. Il était parti en voyage. On ne me disait pas tout, ça en tout cas, non. Il faudrait attendre pour le revoir. Du reste, nous nous sommes éloignées de notre appartement, du jardinet et de ce joli banc...
    Ma mère m'a présentée à une directrice d'école publique. Elle avait des cheveux courts et gris, elle était un peu grosse et parlait distinctement, comme pour convaincre. Ma mère et elle buvaient du faux café dans le petit logement de cette Madame Million dont j'ai appris, plus tard, à connaître les mérites. Quelques temps plus tard, on avait rendez-vous toutes les trois en ville. Germaine m'a pris par la main et je l'ai suivie. C'était les consignes. J'ai pensé au banc jaune et j'ai su . Mon père ne pouvait plus s'y reposer  ni ma mère et  maintenant, ce serait  moi. J'étais inquiète pour ce banc qui devait se sentir bien seul.  "On risque bien de ne pas le revoir, hein? lui ai-je dit, il paraît que quand les gens se font arrêter et qu'ils ne retournent plus chez eux, alors il y a d'autres gens qui viennent habiter chez eux. Ils prennent tout. Ils s'assiéront sur le banc ! ". Ma mère a pris un air grave et elle m'a dit : "Oui, nous sommes partis mais nous reviendrons. Et tu sais ce que je ferai quand je retrouverai notre banc ?  Je le repeindrai". Mais elle ne l'a pas fait... 
     Madame Million m'a conduit à Brive la Gaillarde où une famille glaciale m'a prise en charge. J'avais une leçon à apprendre. Non, prénoms, date de naissance, religion...J'ai vite compris et vite appris à être Lillie Page et non Anna Issermann. Dans la grande maison où j'ai vécu avec ce couple de quinquagénaire sans enfant, j'ai joué mon rôle et tenu mon rang. J'étais une parente éloignée. On m'avait recueillie. On me faisait la classe car j'avais des soucis de santé puis je suis allée chez des religieuses. Rien n'a jamais filtré. Les Page étaient des gens bien. Dans le jardin de leur belle maison, il y avait des bancs vert foncé. Je voulais qu'ils soient jaunes. Je l'ai dit à Odette, ma « parente » et elle a compris, je crois. Elle m'a dit : « on ne peut pas changer la couleur maintenant. Mais dans dans ta tête, repeins ces bancs. Je l'ai fait. Mon père puis ma mère s'y asseyaient tour à tour et me parlaient ; Séparément, pas ensemble. Je ne savais pas pourquoi, puis, j'ai compris.
    La milice a cueilli mon père dans un train et l'en a fait descendre. Quand il tendu ses faux papiers, ils ont ri mais ensuite, non. Dans mes rêves, il n'est restée qu'Irène, ma mère, pour s'asseoir sur le banc jaune de mon enfance et me parler. On a papoté ensemble jusqu'au milieu de l'été 1942. Ne me demandez pas si je discernais le vrai du faux, je crois que je voulais surtout lui parler et la voir. Irène, ses tailleurs, son regard brun...Puis, je ne sais pourquoi, alors que juillet filait, Odette m'a dit : « Roger, ton oncle, était opposé à ce qu'il y ait des bancs jaunes dans le parc mais il a réfléchi. Un jaune un peu foncé, ça serait bien, non ? ». J'ai souri. « Oncle Roger » a acheté de la peinture. Un de ses jardiniers a voulu se mettre à la tâche. Mais en moi, quelque chose n'allait pas. Pourquoi changer la couleur de bancs déjà gentils quand il en existait tant de méchants ? J'ai pleuré et dit que non, il ne fallait toucher à rien. Des enfantillages, c'était.
    Ils n'ont rien repeint.
    franceflamboyant le 13 novembre 2020
    Est-ce que j'ai su qu'elle disparaissait?
    Non.
    Le 16 juillet 1942, ma mère changeait de cache. C'était toujours compliqué. Elle devait rencontrer un prête à l'église Saint-Sulpice et vérifiait son horaire. Le fait qu'elle l'ai vu montre qu'elle avait son destin en main. Elle a pris les informations nécessaires et s'est dirigée vers sa nouvelle cachette. Elle n'y est jamais arrivée. Elle a dû être arrêtée dans la journée du 16. Le 17, elle était au Vélodrome d'hiver. Il y avait des gradins pour les internés et des bancs pour les gendarmes. Tandis qu'à Brive, on  s'asseyait quand le temps le permettait sur les bancs du jardin, chez les Page, un bel homme hautain qui l'avait trouvée suspecte et l'avait signalée à qui de droit, prenait un verre à la terrasse d'un café près de l'Arc de triomphe. La peinture a séché, j'ai pu m'asseoir sur un des bancs mais je ne rêvais plus....

    Je l'ai cherchée quand même, celle qui s'asseyait avec lui sur un banc gentil et me regardait. Quand les listes de déportés sont arrivées, Germaine Million, qui m'avait récupérée, les a consultées. On a attendu, guetté, cherché. Rien. J'avais de la famille en Angleterre du côté paternel. J'ai continué ma vie là-bas, étudié, aimé. Je me suis mariée. J'ai eu deux enfants. Je savais pour les listes. Lui. Elle.
    J'ai eu une maison avec un jardin .J'y ai des bancs. Sur l'un d'eux qui est jaune, je fais asseoir Matthew, mon mari, et nos deux filles. Je fais des photos. Ensuite, on change la combinaison. On perpétue, je perpétue ; Les bancs gentils et les bancs méchants. L'aujourd'hui et les durs souvenirs d'hier. Le père rieur, si blond, qui s'assoit et fixe l'objectif. La mère si naturellement élégante qui cherche la meilleure pause, la petite fille qui rit aux éclats.
    Le banc jaune. Le seul qui soit éternellement pur.
    Et indestructible.
    Loulou_Imagine le 13 novembre 2020
    Sur un banc, j'ai lu quelques romans.
    Sur un banc, j'observe milles vies qui se croisent.
    Asseyez-vous et écoutez.
    On entend les bruits qui nous entourent.
    Sur un banc, je suis invisible.
    Sur un banc, quelques idées d'écriture.
    C'est sur cette surface que s'assoient les amoureux.
    Un banc, quatre mots pour un milliard d'esprits.
    Merci à tous ces bancs qui écoutent mes idées !
    JML38 le 13 novembre 2020
    Pippolin a dit :

    Merci à Darkhorse et à JML38 .   Oui la montagne est un univers fascinant. Très grisant... Et l'histoire de l'alpinisme et de la conquêtes des plus hauts sommets est passionnante.... D'ailleurs JML38 ... 38 ce ne serait pas pour Isère des fois ? (Très bons souvenirs dans le Dévoluy...)

    Serais-je démasqué ?

    Je viens de recevoir "Rappels" de Louis Lachenal.
    Note de l'éditeur:
    "Voici enfin la version non censurée (et augmentée d'inédits) de l'homme qui accompagna Maurice Herzog au sommet de l'Annapurna il y a 70 ans : Louis Lachenal."
    Debrabander le 13 novembre 2020
    JJD

    Sur un banc

    Comment est-il arrivé sur ce banc ? Il s’y est affalé, terme consacré, ou écroulé, ou plutôt intégré physiquement. L’angle du dossier lui vrille le dos mais il est incapable de changer de position. Son cerveau ne peut presque plus lui faire ressentir la douleur. Il est complètement vidé, épuisé, anéanti, insensible à tout.

    Un crissement sur le gravier opère comme un lever de soleil. Un rayon lumineux lancinant qui éclaire peu à peu son esprit. Toujours dans la brume, toujours couché sur le côté, il aperçoit vaguement un landau qui approche en tressautant. Une image-culte lui vient : le landau dévalant les marches du port d’Odessa. Mais son cerveau embrouillé ne parvient pas à comprendre ce que l’incorruptible Kevin Costner fait dans le Cuirassé Potemkine. Il entend en écho « Mon bébé, il n’a rien ». Le landau approche et le son du gravier écrasé grésille dans sa tête, accompagné maintenant de bruits de pas. Avec difficulté, Il parvient à se redresser, se tenant la tête. Il a froid maintenant, son dos le fait atrocement souffrir. Il reste prostré sur le banc.

    Arrivée à sa hauteur, la jeune femme noire qui pousse le landau lui lance un regard furtif et presse le pas, l’air effrayé, projetant du gravier à chaque foulée. Ce bruit l’obsède et devient insupportable. Elle disparaît peu à peu de son champ de vision, mais il la voit interpeler un CRS en gesticulant dans sa direction. Cela le pousse à se lever, pourquoi ? La tête lui tourne, il titube mais parvient gagner la sortie du square.

    Des sirènes hululent au loin. Petit à petit, ses idées se clarifient. Il marche dans le quartier de son enfance. Il a fréquenté l’école primaire située au coin de la rue. Et le nom du square lui revient : Raoul Nordling, le Consul suédois grâce à qui Paris n’a pas brûlé. Il revoit le visage d’André Dussollier dans ce film dont le nom lui échappe. Il remonte la rue Saint-Bernard, passe devant l’église Sainte Marguerite. Les vitraux de la nef sont éclairés de l’intérieur ce vendredi soir, et dans le cimetière attenant, cet éclairage doit glisser sur la plaque commémorant l’enfant mort au donjon du temple. Une légende contestée prétend qu’il a été enterré là. Pauvre Dauphin, victime de la Terreur. Terreur, terroriser, ces mots trouvent facilement un chemin pour s’insinuer en lui.

    Le bruit des sirènes s’amplifie. Au bout de la rue, il tourne machinalement à droite, dans la rue de Charonne. Et quoi, c’est la guerre ? Des robocops partout, des combis de police dans tous les sens, des ambulances passant à toute vitesse en hurlant.  Des gens se pressent le long des barrières Nadar installées au croisement de la rue Charrière. Les badauds, dégoûtés, s’écartent de lui et il arrive au premier rang.

    La vue de la façade du bar « la Belle Equipe » provoque en lui un éblouissement …

     

    En cette fin de semaine, profitant d’une journée d’automne assez clémente, il s’était installé à sa place favorite, dans un coin bien abrité du vent. Il aimait cet endroit, les tables rondes en palissandre avec leur cerclage doré, le confort des chaises au dossier de cuir.  La terrasse était bondée et bruissait du brouhaha de conversations animées, d’éclats de rires, du cliquètement des couverts. Il attendait son Burger en dégustant une Leffe ambrée, son pouce caressant doucement le vitrail imprimé sur la panse du verre. Les deux femmes installées à la table voisine tentaient vainement d’attirer l’attention d’un garçon. Finalement, l’une d’entre elles se leva et entra dans le bar. L’autre, une jolie blonde un peu trop maquillée se pencha pour retirer un bébé du landau placé à côté d’elle. Pas vraiment connaisseur, il ne pouvait se tromper : c’était une petite fille, une très belle petite fille. Son admiration devait se voir et la jeune femme lui adressa un sourire. A ce moment précis, tout bascula. 

    Des coups sourds retentirent comme des coups de tambour, de grosses caisses plutôt. Ils claquaient de façon saccadée dans l’air de la petite place et rebondissaient sur les façades. L’atmosphère avait changé du tout au tout, la douceur de cette soirée parisienne avait fait place à une hystérie totale : un mélange de cris atroces, de grincements de tables et de chaises bousculées, de verres brisés, de boiseries éclatées. Des clients se levaient pour fuir, certains s’affaissaient aussitôt, les mains sur leur poitrine en sang. La panique était totale. Sa voisine fit mine de se lever. Il la saisit violemment par le bras, la força à se coucher, renversa sa table ronde. Instinctivement, la maman avait placé le bébé sur son ventre et tentait de le protéger de ses bras. Il acheva sa barricade de fortune en faisant tomber l’autre table. Les vitrines du restaurant explosèrent : des hurlements de douleur se faisaient entendre à l’intérieur aussi maintenant. Ce cauchemar lui paraissait interminable.

    Petit à petit cependant, les tirs des armes lourdes cessèrent. Se redressant légèrement, il vit deux assaillants s’enfuir par la rue d’en face. Il se faufila entre les deux tables renversées, enjamba des corps sanguinolents, ses chaussures écrasant du verre brisé, des assiettes encore remplies. C’est alors qu’une énorme explosion retentit et qu’il fut projeté, couvert de débris humains, dix mètres plus loin sur le trottoir.

     

    Appuyé sur la barrière, il secoue la tête pour chasser ces images. Il aperçoit la jeune femme au landau devant la terrasse. Elle répond à un journaliste alors qu’un caméraman la cadre face au bar dévasté. Soudain, elle le voit. Elle plante là les reporters et se précipite vers lui.

    « Merci, Monsieur, sans vous, les terroristes nous auraient sans doute tuées, ma fille et moi. »

    Il répète lentement, en articulant « Les terroristes » et ajoute « Et votre enfant ? »

    « Mon bébé, il n’a rien. Et vous ? »

    « Je ne sais pas, je me suis retrouvé sur un banc… »
    mfrance le 13 novembre 2020
    Qu'est-ce que tu as fumé JML38  ? ça m'a l'air balèze, ce truc. En tout cas, c'est magique !!!
    JML38 le 13 novembre 2020
    Rien mfrance, j'étais même à jeun.
    JML38 le 13 novembre 2020
    Une vie de roman – Une page de plus

    Marie aurait voulu accélérer le temps, n'ayant qu'une envie, aller s'asseoir sur le banc avec Madeleine, et l'écouter... encore et encore. Elle dut patienter jusqu'en milieu d'après-midi, attendre l'heure de la sortie journalière de Mado.
    Elle fut surprise de voir Camille et sa mère auprès de la mamie, avant de réaliser que la petite n'avait pas école.
    Camille enfourcha son vélo et pédala en direction de la jeune femme, qu'elle prit par la main comme si elles se connaissaient depuis toujours.
    La maman de Camille, qui répondait au doux prénom de Priscilla, l'accueillit également avec un grand sourire. Elle interpella Mado qui semblait somnoler.
    - Maman. Marie est venue te dire bonjour et discuter un peu avec toi.
    - Bonjour Mademoiselle. Que vous êtes mignonne ! Vous ressemblez à mes filles.
    Marie voulut lever le doute et s'adressa à Priscilla.
    - Je ne voudrais pas paraître indiscrète. Mais, avez-vous réellement des frères et sœurs ?
    - Je n'ai pas de frère ou de demi-frère. Maman a une fille d'un précédent mariage. Elle vit aux États-Unis et ne vient que rarement en France. Et pour répondre tout de suite à votre question suivante, je ne sais rien de son père. En revanche, je précise que mon père à moi était dans la police, et n'est en aucune façon décédé lors d'un braquage qui aurait mal tourné. En outre, je suis divorcée, et j'ai de très bonnes relations avec mon ex qui adore sa fille. On ne sait jamais, vous pourriez entendre d’autres versions.
    Marie apprécia ces précisions destinées à éviter un malentendu, mais fut déçue, même si elle ne le montra pas, de ne pas en savoir plus sur l'identité du géniteur de la demi-sœur de Priscilla : Paulo, Gunther, Sean, Jagger, le sultan ?
    Camille relança l'histoire dans une autre direction.
    - Elle est partie sur un cheval blanc, comme Cendrillon.
    - Cendrillon ? Je ne comprends pas bien.
    - Pas Cendrillon du conte pour enfants. Cendrillon de la chanson de « Téléphone ».
    - Tu connais ce groupe ?
    - C'est Mamie qui m'a fait écouter cette chanson. Elle est belle, mais qu'est-ce qu'elle est triste. « Cendrillon pour ses vingt ans, est la plus jolie des enfants... ».
    Priscilla interrompit sa fille pour demander à Marie si elle pouvait tenir compagnie à Mado.
    - J'ai une course à faire avec Camille. Nous ne resterons pas longtemps absentes.
    La perspective d'avoir la petite dame pour elle toute seule ne pouvait évidemment qu'être une bénédiction pour la jeune femme.
    - Prenez tout votre temps. Il y a aucun risque que je m'ennuie.
    Une fois seule avec Madeleine, Marie enchaîna sur cette histoire de chanson, désirant savoir pourquoi celle-là en particulier.
    - Parce que j'en ai écrit les paroles.
    - Ah ! Ce n'est pas Bertignac ?
    - Louis est un excellentissime guitariste. Mais à cette époque il avait du mal à faire rimer deux phrases. Pour pouvoir exister face à l'envahissant Aubert, je l'ai un peu aidé.
    - Et vous avez d'autres artistes à votre palmarès ?
    Un certain nombre, oui. Des années soixante-dix à quatre-vingt-dix. Salvador entre autres.
    - Et vous avez enregistré un disque bien sûr.
    - Comment le savez-vous ?
    Marie savoura l'étonnement de mado.
    - Une intuition. Je vais de surprise en surprise, mais j'arrive à anticiper un peu. Cela m'a paru une évidence.
    - C'est vrai. Une maison de disques m'a demandé de chanter mes compositions. Ce fut très agréable mais pas une réussite au niveau financier, je dois bien le reconnaître. Il y avait pourtant du beau linge sur ce disque. J'ai eu le plaisir de revoir Mick qui a accepté de m'accompagner sur quelques chansons, et Keith a joué toutes les parties de guitare.
    - J'aurais dû me douter pour Mick, mais Keith Richards en bonus, j'avoue mon admiration. Je suppose que Charlie Watts tenait les baguettes.
    - Non, Charlie n'était pas là. Mon grand ami André Ceccarelli, Dédé, le meilleur batteur du monde, m'a fait cette amitié. On se connaît depuis le « Golf Drouot » des années soixante, lorsqu'il jouait avec « Les Chats Sauvages ». Mais je vous parle d'un temps... où vous n'étiez même pas née.
    Marie se rendit compte que l'histoire de Madeleine tournait en boucle, avec ce retour dans les années soixante.
    - Vous avez donc rencontré Dick Rivers, Eddy Mitchell...
    - Bien sûr. Et Dany Logan, le chanteur des « Pirates », mon préféré.
    - Et toutes ces personnes, ces époques, vous en avez fait des romans.
    - Oui, je l'avoue. C'est courant pour un écrivain de se servir de sa propre histoire pour en inventer d'autres. Je vois que vous vous demandez ce que j'ai réellement vécu. J'aime garder un certain mystère autour de moi, c'est un peu une déformation professionnelle. Et depuis quelque temps, tout se perd dans une sorte brouillard. Je suis peut-être moi et tous mes personnages à la fois, dans une espèce de grand flou artistique. L'avantage, c'est que pour me souvenir d'un détail oublié, je n'ai qu'à le relire. Qu'importe si ce n'est pas vraiment la réalité, cela devient la mienne.
    Marie, émue par les paroles de la petite dame aux beaux cheveux gris, resta un instant perdue dans ses pensées, se demandant de quelle façon enchaîner. Le retour de Priscilla et de Camille fut bienvenue.
    - On ne vous a pas trop manqué ? demanda Camille.
    - Si, évidemment, répondit Mado, qui avait retrouvé un sourire moins mélancolique. Tu es mon rayon de soleil, tu le sais bien.
    Priscilla remercia chaleureusement Marie pour sa gentillesse.
    - Maman vous aime bien visiblement. Je pense que vous en saurez bientôt plus que moi sur sa vie.
    Marie eut la nette impression que les paroles que venait de prononcer Priscilla sur un ton humoristique, contenaient également une petite pointe d'une malicieuse ironie.
    - Il est temps pour nous de rentrer. A demain ? Même heure, même banc. Je crois que Camille a quelque chose de secret à vous dire ou vous montrer. Je suis habituée à ces cachotteries. Telle grand-mère, telle petite-fille.
    - À demain, mademoiselle. Je vous parlerai de mon bel explorateur perdu sur la banquise.
    Cette dernière remarque fit rire Marie. Elle s'était encore laissée berner avec l'explorateur fantôme. Elle ne put que s'amuser de cette faculté de la romancière, zézémère ou non, à maintenir l'attention de son auditoire.
    Marie regarda ce que Camille lui avait glissé dans la main en partant.
    Son programme du lendemain était d'une belle évidence. Une mamie, un banc, une vie de roman.
    Nico8 le 13 novembre 2020
    Bonjour, bravo à tous pour vos textes !  Voici ma participation.



    Henri sur son banc


    Il est là, assis sur un banc, tout au fond du jardin. Il serait plus correct de dire SON banc tant il semble être le seul à s’y poser. Il faut reconnaître que ce banc qui doit dater de l’après guerre n’est pas très attrayant. On a pas très envie, lorsqu’on le voit, de venir y poser ses fesses. Lui, par contre, n’est pas rebuté le moins du monde. Il ne se passe pas un jour sans qu’on l’aperçoive à son poste habituel.

     

    Henri, le fidèle vieillard sur son banc. Ah, on le connaît bien dans le quartier ! C’est un si bon monsieur, il est toujours prêt à vous rendre service et surtout, surtout, il vous offre son sourire à tout moment de la journée. Pour lui, dire bonjour c’est important. Chaque personne qui passe à proximité d’Henri peut être sûre qu’elle sera saluée. Qu’il vous connaisse ou pas, s’il vous voit il vous saluera.

     

    Tous les matins, il va à la boulangerie, celle qui fait l’angle. Il y achète une demi-baguette qui lui fait la journée et un pain sportif qu’il s’empresse d’aller déguster, bien assis sur son banc en regardant passer les badauds. Il a souvent un livre avec lui, et après avoir avalé son pain sportif, la lecture lui prend le reste de la matinée. Il rentre chez lui peu avant midi et reviens s’installer sur son banc vers 16h, certainement après avoir fait une petite sieste bien méritée. Quelques enfants, à la sortie de l’école aiment venir blaguer avec lui. Il faut dire qu’il est tellement gentil cet Henri. Un vrai régal ! Plusieurs habitants trainent un peu avec lui, lui disent quelques mots avant de rentrer chez eux. Henri, on se demande souvent s’il n’est pas né avec le banc. C’est un fossile du quartier, comme dirait le maire qui, par respect pour son vieil ami, n’a jamais souhaité remplacer ce banc délabré si cher à Henri.

     

    Au début les gens pensaient qu’il se mettait là en dépit de mieux, alors beaucoup lui ont proposé de l’accompagner au parc qui pour eux paraissait plus gai et orné de bancs bien plus confortables. Tout le monde à compris qu’Henri était ici par choix et non par dépit.

     

    Mais que pouvait-il trouver à ce banc ? Il y en a tant d’autres ! Certains pensaient qu’il se sentait bien là, au fond de cette rue, au cœur du quartier. Ce qui n’est pas faux. Mais Ceci n’est pas  l’entière explication. Henri aime ce banc et il l’aime parce qu’il connait de lui ce que les autres ne connaissent pas. Il sait que ce banc n’est pas commun, il sait qu’il a un petit pouvoir. Cela, bien sûr, il ne peut pas le dire. C’est un secret. Un secret qu’il a su garder tout au long de ses longues années.

     

    Le secret de ce banc est beau et Henri en est le gardien bienveillant. Ce que les gens du quartier ne savent pas c’est que ce banc qui ne paie pas de mine a le merveilleux pouvoir d’exaucer des vœux.


    Henri lui-même ne le savait pas au départ mais il l’a découvert, parce qu’il est curieux des belles choses et qu’il a un esprit vif. Un beau jour alors qu’il faisait un orage des plus violents, il avait trébuché et s’était retrouvé à plat ventre devant le banc, incapable de se relever. Il agrippait les lattes du banc pour s’aider mais il n’arrivait pas à se mettre debout et la pluie fracassante le bombardait. A force de frotter le bois du banc il sentit une douce chaleur et vit comme une petite lumière. Il entendit une voix lui demander ce qu’il désirait. Evidemment, en cet instant il voulait sortir de ce pétrin dans lequel il se trouvait. L’orage s’arrêta tout net et il se retrouva sec et propre, assis sur le banc.

     

    Depuis ce jour, Henri demeure là, sur son banc et regarde avec attention les gens de son quartier aller et venir et dès que l’un d’entre eux se trouve en détresse ou viens lui confier une épreuve qu’il est en train de traverser, Henri sait ce qu’il lui reste à faire : un vœu que le banc exaucera.

     

    Il reste là, encore et toujours. Gardien vigilant du banc, du quartier et de tous ses habitants. Peut-être un jour transmettra-t-il ce secret à quelqu'un de confiance qui saura en faire bon usage...
    JML38 le 13 novembre 2020
    Le blues du banc

    Je ne peux plus le voir en peinture ce banc.
    C’est pas qu’il soit spécialement inconfortable.
    Il est dans la moyenne des bancs de ce type, ni plus ni moins.
    Non, le problème, c’est que j’aimerais de temps en temps me dégourdir les jambes, aller jouer avec mes camarades sur le pré.
    Mais cela ne semble pas encore pour aujourd’hui, dommage.
    Alors je profite du spectacle qui est grandiose.
    Il y a du bruit, des couleurs.
    C’est la fête populaire.
    La fête de la merguez aussi, j’oubliais les odeurs.
    Je trouve le temps long.
    Je mets à profit les minutes qui passent pour réfléchir au choix que j’ai fait.
    Était-ce le plus judicieux ?
    Il ne semble pas.
    J’ai été mal conseillé, certainement.
    Pourtant, je paye assez chez pour ça.
    Ah ! ça bouge, il y a une petite chance que je passe en position debout.
    Non, fausse alerte.
    Je reste sur mon banc.
    J’ai vu les autres se lever les uns après les autres, les chanceux.
    Mais moi je reste assis.
    S’il n’en reste qu’un comme on dit, je serai celui-là.
    Quelle idée de signer au PSG, pour ne jamais quitter le banc des remplaçants.
    J’aurais eu meilleur compte de jouer à Dijon ou Reims, voire en D2, et avoir un peu de temps de jeu.
    Voilà, la fin du match est sifflée.
    Encore quatre-vingt dix minutes assis sur le banc.
    Je vais bientôt rentrer dans le guide des records.
    Bon, j’ai tout de même le droit d’aller dans les vestiaires.
    M’asseoir sur un autre banc avec les vedettes.
    Ceux qui ont eu le plaisir de taper dans le ballon.
    Je fais partie d’une grande équipe, mais seulement sur les bancs.
    J’ai le blues du banc de touche.
    Pippolin le 13 novembre 2020
    !  Bravo JML38 pour ce blues du banc de touche !  Très drôle.... (enfin quand on ne passe pas son temps à cirer le banc ).
    karmax211 le 13 novembre 2020


                                                               Le temps... et rien d'autre ?


    Te souviens-tu du temps
    Où tous deux assis sur un banc
    Nous gravions nos serments
    À coup de canif sentiments ?
    Sur les flancs obéissants
    De ce banc accueillant
    Nos juvéniles initiales pénétrant
    Les chairs du bois coalescent
    S'auréolaient d'un coeur cupidant.
    Nous avions des rêves impatients
    Et des regards implorants,
    Posés sur nos séants
    Que réchauffait le tendre banc.
    Depuis ont passé les ans,
    Détournant nos serments
    Mais jamais n'effaçant
    L'empreinte de nos élans ardents.
    Ce matin, marchant à pas lents
    Dans le square d'antan,
    J'ai vu de drôles de gens
    Enlever le vieux banc
    Graffité de coeurs dolents
    Et de noms emportés par le vent.

    PP
    Na1100 le 13 novembre 2020
    Bonjour,
    Je suis nouveau et je vais essayé de faire honneur à ce groupe de discussion.
    Je vous avoue que je n'ai pas encore tout lu.

    Voici ma contribution pour le mois :

    Équilibre instable

    En cette année 2820, la caste des équilibreurs a de plus en plus de difficultés à assurer la stabilité de la cité. Les calculs doivent maintenant être précis au 300ème chiffre après la virgule. La caste vient d’ailleurs de commander l’ordinateur le plus puissant jamais construit.

    Récemment, il y a encore eu une cité qui s’est effondrée et s’est enfoncée dans l’eau après une mauvaise estimation de ses équilibreurs. C’est la deuxième ville qui est engloutie cette année. Une tragédie qui ne doit pas arriver à Seneca Village aussi nommée ManathanW8. W8 car c’est la huitième ville de l’ouest. Pourquoi Seneca Village ou Manathan plus personne ne s’en souvient.

    Obstine, historien, est intrigué par cette folle course à l’équilibre et se demande ce qui a amené le monde à être aussi instable. Ayant obtenu son diplôme d’historien quelques années auparavant , il poursuit ses recherches, dans l’espoir de trouver ce qui déséquilibre le monde. Il est persuadé de trouver dans les archives la solution à ce problème.

    Obstine est en possession des plus vielles archives de la ville effondrée qu’il a empruntées juste avant qu’elle ne s’écroule. Il a aussi en sa possession les plus vielles archives de sa ville.

    Les plus anciens documents datent de la création de la ville. Et c’est dans ces rares et précieux recueils qu’Obstine cherche, s’abîme les yeux à déchiffrer les premières écritures manuscrites pour comprendre la vie instable d’aujourd’hui.

    Tout déplacement hors de sa maison doit-être déclaré, approuvé et calculer par la caste des équilibreurs. C’est le prix à payer pour que la cité reste debout. Toute la vie s’est organisée autour de cette contrainte. Quand on déménage, on emporte ses affaire personnelles mais jamais aucun meuble. Pour les déplacements, il n’existe aucun véhicule personnel. Tous les transports sont collectifs, pesés, calculés et chronométrés. Le moindre incident pourrait bloquer toute la ville et pire la faire basculer. Tous les gestes du quotidien sont examinés, contrôlés.

    La ville a mis en place une brigade de contrepoids qui se déplace au fur et à mesure des calculs de la caste des équilibreurs. Prioritaire, rapide, elle permet de compenser en permanence les libertés laissées à chacun, nécessaires au bien-être et à la vie collective.

    Obstine vient de dénicher un parchemin hors du temps, le plus vieux qu’il ait jamais vu. Il parle de parchemin mais c’est plutôt un vieux bout d’étoffe sur lequel ses ancêtres ont floqué quelques mots. C’est écrit en vieux français, du français du 20ème siècle. Obstine pioche dans les rudiments de vieux français qu’il connaît pour traduire ce qui est écrit.

    « A l’époque du grand événement, les eaux se sont mises à monter et les terres furent inondées. Le reste de l’humanité s’est retrouvée à vivre sur l’eau. Alors que nous voguions au dessus de Seneca Village un des anciens quartiers démoli pour y planter les arbres de Central Park, nous trouvâmes un banc qui émergeait. Nous arrimâmes nos embarcations, heureux de pouvoir se reposer. Sur ce socle si petit, nous commençâmes à bâtir notre ville. Nous utilisâmes nos embarcations comme matière premières de notre construction que nous fixâmes en équilibre sur ce précaire point d’ancrage, heureux de quitter ce monde fluctuant, basculant pour un monde immuable, solide et serein. »

    On a construit sur un banc !

    Pippolin le 13 novembre 2020
    Chute inattendue donc réussie : bien joué mfrance !

    glegat
    : il est toujours agréable de se plonger dans l'univers peuplé de romans et de livres dans lequel tu aimes baguenauder. 

    OSELEMIO : Ta "galéjade" est bien sympa. Rafraichissant !
    JML38 le 13 novembre 2020
    Bienvenue Na1100  avec cette nouvelle originale de SF post-apocalyptique très bien écrite.
    Tout est toujours question d'équilibre.
    J'aime beaucoup l'idée.
    domsta le 15 novembre 2020
    domsta le 15 novembre 2020
    Sur un banc


    Il avance nonchalamment. Il ne regarde rien, rien de particulier, il avance simplement.

    IL ne voit rien. Il n’entend rien. Même le tumulte dans sa tête.

    Il laisse ses pieds le guider. Le guider ? Est-ce le mot qu’il aurait employer ?

    Les fluctuations des sons dans sa tête, l’entraînent, pourtant il ne danse pas.

    Il déambule dans les rues de sa ville natale. Il la connaît par coeur. Pourtant il ne la voit pas, il ne distingue rien.

    Là il tourne à droite, passe devant la boulangerie dans laquelle il aime tant s’offrir ce croissant aux amandes. Rien n’y fait. Il ne sent rien. Il est happé par les pas. Il marche sans but. Tout du moins, le croit-il.

    Il poursuit sa ballade. Cette rengaine dans sa tête, dans son âme, dans son corps.

    Il emprunte la rue des escaliers, puis bifurque à droite sur la rue St Eloi et se retrouve devant l’entrée du parc. Il écarquille les yeux, étonné.
    Que fait-il là ?

    Aucune réponse ne lui vient. Alors, il pénètre dans la petite allée boisée.

    Encore une fois, il ne voit rien. Il se laisse chaperonner par cette invincible envie de marcher.

    Puis d’un coup il s’arrête. Là juste là. Devant lui un banc. Il le découvre ébahi. Un petit banc de bois peint en bleu lavande c’est rare dans un jardin public cette couleur. Son plateau flanqué de quatre pieds biscornus, est fait d’une grosse planche arrondie semblant suivre la ligne du tronc dans lequel il a été taillé. Son dossier est tissé dans une sorte de filet élastique qui épouse la courbe du dos de celui qui s’y assoit.

    Seul entre les arbres. On le croirait prêt à accueillir son corps.

    Il ne peut dire pourquoi, lui qui marche sans but depuis un long moment, il ressent le besoin de s’y asseoir.

    Il s’installe paisiblement. Le tumulte, lancinant, est toujours présent. L’entend-il vraiment ?

    Assis, bien appuyé contre le dossier, il ne voit toujours rien.

    Une éternité semble s’écouler.

    Peu à peu, le silence opère. L’agitation incessante dans sa tête se calme. Peu à peu, il revient à la vie.

    Il se laisse gagner par la fragilité de l’instant.

    Une brise passagère lui apporte les effluves des arbres qui l’entourent. Le lilas, quelque peu envoûtant, mêlé à un bouquet de cyprès venant du fond du parc. Il s’en souvient maintenant. Il peut retracer le chemin jusqu’à leur emplacement.

    Les yeux ouverts à l’instant présent, il découvre une danse voluptueuse entre une feuille et un papier de bonbon. Au rythme de sa respiration la feuille se lève, tournoie, virevolte puis redescend, semble planer, s’arrêter un moment. Le rameau s’approche délicatement du papier violacé, s’accoquine, le frôle, s’enroule avec sensualité. Puis brusquement se détache. Le papier de bonbon, alors, s’abandonne et tombe lentement vers le sol.

    Mais non, le souffle de ce doux vent, vient le rechercher pour mieux les emporter dans une farandole.

    Il a assisté à ce spectacle grandiose, pantois, les yeux remplis de cette joie enfantine, le coeur repu.

    Le banc sur lequel il s’est installé, semble de plus en plus moelleux, confortable, douillet.

    Il s’y enfonce avec allégresse. Savoir savourer l’instant présent, il y a bien longtemps que cela ne lui était pas arrivé.

    La béatitude le gagne. Sa respiration lente et calme le rassérène.

    Il éprouve le besoin de s’étirer. Il pourrait s’assoupir.

    Pourtant tout en lui dégage une sensation d’énergie de vie. Ses pensées sont vaporeuses, éthérées, diaphanes.

    La légèreté de son esprit l’entraîne vers un espace infini de gaieté juvénile. Il ressent une vibration harmonieuse le submerger.

    Jusqu’alors cet état vibratoire lui était inconnu. Il s’écoute si peu. Toujours à courir après le temps. Toujours à penser à demain……

    Son esprit semble lui dire de rester là sur ce banc à profiter de l’instant . Son esprit ou bien le banc lui-même. Il ne saurait le dire.

    Puis sans s’en rendre compte, sans pouvoir l’identifier, un petite voix résonne dans son coeur. Il entend , il éprouve, il discerne.

    Ose apprécier l’harmonie qui accompagne ce battement de coeur, chaque fois ravivé. Ose cueillir la seconde suspendue sans vouloir à tout prix lui donner une raison d’être. Ose te laisser pénétrer par cette énergie d’amour qui gravite autour et en toi.

    Le banc, ce banc l’enveloppe, le retient. Il se sent lâcher prise aux vicissitudes de sa vie quotidienne. Il est si bien comme métamorphosé.

    Et là, tout à coup, l’instant présent le somme de se lever. Sans résistance aucune, il obtempère. Il est comblé, épanoui, heureux et apaisé.

    Il est temps de rentrer. il rebrousse chemin, galvanisé de ressentir autant de confiance en cette existence recentrée.

    Après quelques pas nonchalants, il sent le besoin de se retourner une dernière fois.

    Le banc a disparu comme par enchantement.

    A sa place : un simple banc de bois vert bouteille.

    Un sourire illumine son visage, le bruissement du vent l’accompagne.

    Il se délecte de la sérénité de chaque cellule vivante qui l’entoure.

    Il me faudra du temps, des années, des mois, des semaines pour acquérir cette force, ce calme, cette paix intérieure qu’il vient de découvrir.

    Peu importe le temps, peu importe l’espace, peu importe l’horizon. Il accepte inévitablement…

    La plénitude est cette petite étincelle de conscience de l’instant présent à jamais renouvelé.



    Domsta le 15/11/2020







     

    aventador2 le 15 novembre 2020
    Bonsoir  ! J'ai écrit cette nouvelle il y a un moment maintenant. Mais comme elle porte le même titre que le défi proposé, je me suis dit "Pourquoi pas ?". En espérant qu'elle vous plaise. Bonne lecture à vous...

    ***

    Sur un banc…


    Un banc situé en pleine campagne, une frêle silhouette longiligne m’y attend.

    La permanente bouclée, les mêmes cheveux que moi, telle qu’elle subsiste dans mes songes.

    Seulement, je n’ose pas y aller. La crainte d’être trop troublé, d’être trahi par mon imaginaire, d’être déçu peut-être…

    Mais déçu, comment pourrais-je l’être ? Si tu es venue jusque-là, jusqu’à moi, même pour un temps trop court, rien de ce que tu pourras me dire ne saura me décevoir.

    Je n’étais qu’un gamin quand tu es partie, aujourd’hui je suis mari et père. Le père de tes petits-enfants qui auraient tellement aimé te connaître. Surtout Vic, mon aînée.

    Je lui ai tout raconté de toi, tout ce que je sais - à vrai dire pas grand-chose. Mon père a gardé le silence, il le gardera éternellement. Comme s’il se sentait coupable de quelque chose, et à bien le regarder, les écouter ces silences, je sais qu’il l’est.

    Tu seras sans doute déçue d’apprendre qu’il n’est plus rien pour moi, que son épouse actuelle a tout fait pour rayer les plus infimes traces que tu as laissées et qui entachaient sa vie. Et par ricochet, mes enfants et moi. Parce qu’il y a trop de toi en nous.

    Je m’approche doucement de ta silhouette, de peur de t’effrayer, que tu ne t’évapores avant que nous n’ayons pu échanger un seul mot.

    Seras-tu déçue, toi, par l’homme que je suis devenu, au regard de l’enfant que tu as laissé ? J’espère que non, parce que pas une minute je n’ai cessé d’être guidé par ton aura. Pas une minute, je n’ai cessé d’espérer que tu me vois. Parce que personne n’a jamais pu te remplacer, combler ton absence dans mon cœur. Parce que ça fait mal, tu sais, d’être orphelin à dix ans.

    Elle entend mes pas crisser sur le gravier de l’allée, elle pivote sa tête vers moi, croise mon regard aussi vert que le sien, habillé des mêmes lunettes. Elle n’a pas changé alors que moi, j’ai vieilli. Mais elle me reconnaît sans peine, un sourire évanescent illuminant son si joli visage.

    On va rattraper le temps, tous les deux, et tu vas pouvoir tout me dire. Me dire pourquoi, ce jour-là, tu as lâché cette vie à laquelle tu tenais tant. Pourquoi tu t’es laissée mourir après six ans de combat, maman ?





Pour participer à la conversation, connectez-vous

 

{* *}