indelebilevagabonde le 31 juillet 2021
On m'avait appelé pour couvrir le terrible événement, c'était le 1 juin 2021. J'avais suffisamment d'expérience, j'avais été envoyé aux quatre coins du globe sur des terres dévastées par les hommes, par les guerres. Et pourtant je ne m'y ferai jamais. C'est sans doute pour cela, qu'on fait encore appel à moi. J'avais pris un vol pour le Canada, direction Kamloops, en Colombie britannique, terre amérindienne bordée par le Thompson. Il y en avait à perte de vue. D'innombrables chaussures dépareillées avaient été soigneusement alignées, quelques poupées et jouets estropiés jonchaient le sol, sans compter ces chutes que l'on devinait être des vestiges de vêtements d'enfants. Les premières analyses avaient permis de décompter les restes de deux cent quinze enfants autochtones, un véritable charnier. Une vision glaçante sur le site de cet ancien pensionnat, dans lequel de jeunes amérindiens devaient être assimilés, conditionnés pour oublier leur culture propre et revenir autre, car enfin, n'y a -t-il rien de plus efficace que des enfants, ils n'étaient même pas répertoriés, des invisibles. Et je me doutais que ce n'était que le sommet de l'iceberg. D'autres fouilles allaient venir, allaient révéler l'ampleur des dégâts, le scandale et le choc allaient s'amplifier, je sortais mon appareil, je commençais à cadrer. Je savais que je resterai là, un moment, je ne travaillais pas dans le sensationnel, je travaillais dans la défense des victimes, pour le travail de mémoire, l'hommage aux invisibles. indelebilevagabonde |