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    patrick-albert-bawe le 06 août 2021


    La première image de Montigny les Cormeilles, c'est l'arrêt devant une bâtisse délabrée.
    Une grange. Mes parents viennent de l'acheter. C'est là que je vais vivre avec ma grand-mère.
    Année 1956. J'ai cinq ans. 
    Les travaux d'aménagement vont se faire au fil des années. Le maçon vient tous les dimanches se faire 
    payer et boire un verre. Je découvre un univers sans limites ou presque. Un univers de champs, de forêts, a explorer jusqu'à plus soif. 
    L'école Paul Bert, vaisseau de briques rouges m'ouvre ses portes. Ecole des filles, école des garçons séparés
    par un mur. On s'entend sans se voir. Deux gros marronniers prés des toilettes au fond de la cour.
    Je reste après la classe. on nous garde pour les devoirs. C'est là que je fais la découverte de mes futurs compagnons d'aventure. Nous sommes peu nombreux à rester. Dans mon cartable, un morceau de pain avec du chocolat à l'intérieur. Tout ramolli, sentant le cuir, mon quatre heures.
    Après ce qu'on appelait l'étude on rentait ensemble le long de la rue de la République.


    L'épicerie-bar-tabac de Jojo Lardier est sur le chemin. Certains soirs, je m'y arrête et donne la liste faite par ma grand mère. Je repars, chargé de quelques courses. On ne paye pas, seulement à la fin du mois.
    La patronne note tout sur un cahier, chaque famille a sa page.

    Le jeudi, c'est le départ pour le marché. Avec une poussette en osier. C'est loin, quatre bons kilomètres aller.
    On passe sur le pont de Beauchamp. Traverser les voies en contrebas c'est trop dangereux dit Edwige, ma grand-mère. Si, par chance un train arrive en gare, je reste là, dans la vapeur âcre et blanche, noyé dans l'ondulante l'écharpe chaude. Elle me crie de venir, mais je m'accroche au garde corps métallique.
    La locomotive démarre, ruisselante, prête pour un nouveau galop jusqu'à Franconville.
    Un vrai pur -sang, noir et brillant.

    Le marché terminé, retour le cabas plein. La promesse d'un steak haché me dope!

    Et ce n'est pas fini. Arrêt à la boulangerie. Du pain, bien sûr, mais surtout deux parts de flan aux abricots.
    Elles sont énormes! J'en salive a l'avance!  Notre précieux achat posé bien à plat, nous terminons notre parcours.
    Dans la friteuse, le bloc de Végétaline fond comme un iceberg. Les frites sont prêtes.
    Jour de marché, jour de fête!

    Après le repas, je descends à la cave. Il faut remonter du charbon. Le poussier vole autour de moi, un brouillard noir, épais. Je tousse et retrouve l'air frais, mon seau plein à ras bord. La cuisine est la seule pièce chauffée. 
    Le soir, en hiver, on met deux briques dans la cuisinière. J'entoure la mienne d'une serviette, elle est brûlante.
    Puis je file au lit. les draps sont glacés. Souvent, au matin, il a gelé à l'intérieur. les vitres sont toutes givrées.

    A plusieurs, on "monte" à la source. Dans la poussette du marché s'entasse les bouteilles de verre. C 'est parti.
    Le fils du marchand de cochons nous accompagne, on le prend en passant.
    Le chemin caillouteux ralentit notre progression jusqu'é la RN14. Traverser est un challenge. C'est la grande route et même s'il n'y a pas grande circulation, çà roule a toute allure. Quand il fait beau, on entre dans le bistrot " au pied de la source", le bien nommé. Le patron est un ancien boxeur. il a toujours l'air fatigué. Sa femme lui crie toujours dessus. Elle nous donne un verre d'eau glacé. Puis, nous traversons, nous montons. La pente est raide, il faut pousser sans relâche cette foutue carriole, qu'il faudra retenir au retour, dans la descente.
    Nous y sommes. C'est un peu comme un abreuvoir. L'eau coule de plusieurs petits tuyaux scellés dans le mur.
    Sur le pignon, un peintre sur un échafaudage termine d'écrire en lettres avec reliefs " boire de l'eau de Montigny, c'est prolonger sa vie". Ici, il faut montrer patte blanche, sortir sa carte d'habitant pour accéder au remplissage.
    Pour nous, c'est gratuit. Les bouteilles pleines, c'est le salaire de la peur au retour! Surtout ne pas en casser une dans les ornières, c'est déjà arrivé.
    Je rentre, fier de ma cargaison. Maintenant, libre de tout, je descends le chemin de la plaine, juste en face de chez nous. Il file jusqu'à la voie ferrée. Puis le bois, notre cabane, nos jeux olympiques! Nous avons construit
    un sautoir en hauteur étalonné avec des clous a grosse tête. Des clous calotins. Jusqu'à la nuit tombante, on saute, on rit, on boit de l'Evian fruité. Nous sommes dans notre île au milieu des terres. Sans montre ni boussole.
    Bien sûr, mon retour tardif est réprimandé, mais les parents ne sont là que le samedi et le dimanche. D'ici là, ma bienveillante grand-mère aura gentiment tout oublié.
    Souvent, on traverse la voie pour aller au bois de Pontalis. C'est interdit. C'est privé. Qu'importe! C'est bourré de noisettes. L a peur au ventre, on pénètre dans les allées dessertes. Des chevreuils, des sangliers, jamais d'humains. Loin de nos bases notre statut d'aventuriers prend des couleurs.
    Au retour, on attache avec de l'adhésif des pièces de cinq centimes sur de fines branches. Couchés le long du ballast, bras tendus, pièces posées sur le rail, on attends le train. Il arrive. Suffit de poser son oreille sur le métal froid. Le bruit est immense. le déplacement d'air aussi. Surtout ne pas bouger, rester plaqué au sol, attendre la fin du tumulte, la dissipation de la fumée qui nous entoure. Si la pièce est bien aplatie façon galette, c'est gagné!
    Sinon, il faudra recommencer une autre fois. Parfois, des escarbilles incandescentes montent dans l'air chaud envoyé par la locomotive. Certaine mettent le feu aux traverses goudronnées. L'hiver, elles viennent s'éteindre dans la neige en formant de petits cratères. Tout çà est dangereux, mais rien à faire, on le tente quand même, a chaque fois.

    Parfois, le café a cent mètres de la maison passe des films. C'est aussi une alimentation. Un vrai capharnaüm.
    Tout traîne un peu partout. La patronne d'un autre âge est toujours en train de se plaindre. J'adore y aller.
    Elle me fait rire. Sa fille bosse avec elle. A  chaque fois, sa mère raconte qu'elle parte anglais, qu'elle s'est rendue aux Etats Unis d' Amérique.
    Une fois le bistrot traversé, passées les poivrots notoires visés au bar, la grande salle était là. Immense, aves ses murs tout noirs. Au fond, une scène comme au music-hall avec un grand rideau. Dessus, un Mickey géant tout sourire nous regarde. Deux billards avec leurs lampes pendantes au dessus, un baby - foot, une armée de chaise empilées  à la va vite. Le baby, on pouvait y jouer, bien que quelques centimètres de plus nous auraient permis de voir un peu mieux la balle.
    Le projecteur installé, les bobines en place, la patronne hurlait de de taire, de fermer les portes. Dans cette obscurité parfois dérangée par un retardataire sèchement accueillit, je goûtais avec délice d'être dans un moment de bonheur pur. Les dessins animés terminés, la lumière du jour nous renvoyait dans le temps présent
    sans ménagement. Fin du mirage. Les joueurs de billard pouvaient reprendre leurs queues, frotter a leur bout le petit carré de bleu qui tombait en fine poussière. 

    les champs s'étendaient à perte d vue. Les verges aussi. Paris est a vingt km. Incroyable aujourd'hui!

    Certains dimanches l'été, mon parrain vient de la capitale en vélo. C'est un vrai cycliste, il a fait la classique
    "Paris Brest Paris". On mange dehors, sur deux tréteaux et une planche. Ils boivent tous du Pastis. Le repas s'éternise. J e suis le seul enfant, et , a  cette époque, peu ou pas consulté.
    Je suis avec eux, mais je n'existe pas. Enfin, je peux y aller. Je les laisse monter le ton. La politique les occupe énormément. L'alcool et les cigarettes consommées sans modération.
    Parfois, mon parrain " prolonge", on fini les restes come on dit. Il repart en zigzaguant sous les encouragements de mes parents sortis sur la route pour l'occasion. Malgré son état, il nous gratifiait dans l'obscurité d'un énergique " a bientôt"  avant que son petit feu rouge arrière disparaisse dans la nuit.

    C'est quand même l'été le meilleur. On ne part pas en vacances. Peu importe, j'y suis déjà.

    A plusieurs, on monte derrière la briqueterie Bordier. Mon père m'a dit que depuis les romains on cuit de l'argile ici. Le nom du village viendrait de là " montagne de feu" . Nous achetons des casse-croutes au café. Ils sont énormes, fait avec des bâtards. Un gros pain bourré de mie. Avec du jambon et du Camembert.
    Les deux immenses cheminées de briques apparaissent. Tout ici est fermé. plus rien a extraire. Reste les excavations. De vraies piscines aux eaux turquoise. les rails et les wagons sont restés là, ils rouillent sur place devenus inutiles. Nous passons la journée a nous baigner, a rire, a nous dorer au soleil sur l'herbe verte.
    On fume aussi de lianes, coupées en petites cigarettes. C'est âcre, irritant au possible. QU'importe, on joue aux grands. L'odeur nous accompagne jusqu'à la réprimande finale. Vous avez fumé! Souvent, dans ces cas là, le repas du soir est annulé. Sauter à la corde çà s'appelait. 
    Certains jeudis, je suis invité chez un copain pour regarder la télévision. Peu de gens en ont une. Sa mère nous accueille avec bienveillance. Elle a déjà disposé quelques chaises dans son salon. En noir et blanc, on regarde les aventures de "Tintin et Rusty". Un gamin et son berger allemand à l'époque de la conquête de l'Ouest  américain.

    La vieille 4CV n'en peut plus. Mes parents achètent une Dauphine. Elle est spacieuse, ils tournent dans le quartier par plaisir. Voiture attendue depuis des mois. La
    JML38 le 06 août 2021
    In Memoriam

    Un splendide coucher de soleil embrasait le Sinaï. Je n’étais pas revenue à Dahab depuis plusieurs années. Attablée devant le traditionnel thé, je fus submergée par les souvenirs affluant par vagues, me ramenant avec émotion à une époque bénie où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
    La première fois que je l’ai vue, c’était à Sharm-El-Sheik, la station balnéaire égyptienne réputée où se côtoient adeptes des fonds marins et amateurs de bronzette sur la plage. J’avoue que j’appartenais à la deuxième catégorie, alors qu’elle était une accroc de la plongée ayant un faible pour la Mer Rouge.
    Elle était aussi blonde que moi je suis brune, et son tempérament de feu m’a immédiatement attirée. Ma plongée à moi fut d’abord dans ses yeux d’un bleu qu’aucun océan au monde ne pouvait concurrencer. Le rapprochement s’est produit tout simplement alors que, de retour de sorties durant lesquelles elle avait admiré ce que la nature offre de plus fabuleux, devant un cocktail bien frais, elle essayait de me décrire le plus bel aquarium de la planète. Des sourires, des mains qui se touchent, des lèvres qui s’effleurent.
    Notre lune de miel s’est poursuivie au Caire, ville impressionnante où nous avons aimé nous perdre dans des rues bondées, assaillies par un bruit incessant et des millions d’odeurs, mais subjuguées par la gentillesse des habitants. Nos balades dans le Khan El Khalili – à prononcer Ran El Ralili –, l’un des plus grands bazars du monde arabe, la soirée passée à Gizeh pour assister au grandiose son et lumière des pyramides, les spécialités locales dégustées au Felfela – restaurant aussi bien fréquenté par des hordes de touristes que par les Cairotes –, autant de moments hors du temps, inoubliables.
    Elle m’avait naturellement transmis son goût pour l’eau, me poussant à passer mon brevet dans un club de la région lyonnaise. Pour finir de me convaincre, elle avait promis de me faire découvrir l’un des plus surprenants sites de plongée, une curiosité appelée « Blue Hole » dans la langue de Shakespeare ou « Trou Bleu » dans celle de Molière, un puits dans le corail, avec un tunnel – l'arche – le reliant à la mer à cinquante mètres de profondeur.
    Elle tint parole, et la superbe semaine restera parmi les meilleurs moments que nous avons passés ensemble, la complicité dans et en dehors de l’eau atteignant une perfection que je croyais éternelle.
    Ce ne fut malheureusement pas le cas. Je compris un jour qu’elle s’était lassée de notre relation, et qu’elle était à nouveau attirée par les hommes. Nous restâmes cependant bonnes amies, même si pour moi ce fut un véritable déchirement. Je continuai à prendre de ses nouvelles, espérant toujours qu’elle revienne vers moi un jour.

    Le soleil disparaissait tôt en cette période de l’année et l’heure de mon rendez-vous approchait. Dans un crépuscule sans lune, les collines aux alentours prirent rapidement un aspect spectral avant d’être recouvertes d’un voile gommant totalement les reliefs. Il était temps pour moi de rejoindre le centre aquatique, dont les lumières guidèrent mes pas dans l’obscurité, me portant vers le but ultime de mon séjour.
    Ma semaine de plongée dans ce site paradisiaque s’achevait, mais il me restait une plongée de nuit avec Markus, le moniteur du centre. J'empruntai le sentier qui menait au mémorial, un sanctuaire aménagé en mémoire des personnes victimes de leur passion. L'endroit était encore plus chargé d'émotion que je ne m'y attendais. Le calme de ce lieu à la fois funèbre et solennel me pénétra jusqu'au plus profond de mon être, et je ne pus retenir mes larmes.

    Plonger la nuit est une expérience fascinante, qui permet de voir le monde sous-marin d’une façon différente. La faune nocturne qui s’agite, dérangée par l’éclairage artificiel, est tout autre que celle diurne. Les couleurs changent de façon impressionnante et les perspectives ne sont plus les mêmes. En raison de la perte de repères et de la désorientation qui pardonnent peu les erreurs, quel que soit le niveau technique, une vigilance accrue et de tous les instants est indispensable. Mon manque d’expérience plaçait mon entreprise à un degré de difficulté qui m’apparaissait de plus en plus fou, tout en m’apportant l’avantage d’une discrétion absolue. J'avoue que mon assurance commença à diminuer à mesure que nous nous enfoncions dans un noir d’encre que seules transperçaient les lumières de nos lampes. J'espérais ne pas avoir surestimé mes compétences et surtout ma détermination. Pour me donner du courage, je pensai à mon amie. Quelques semaines auparavant, elle m'avait appelée pour la dernière fois pour m'annoncer qu'elle vivait une belle histoire avec son moniteur, qui l'avait convaincue de faire une ultime plongée, de nuit, dans le « Trou Bleu ». Lorsque je l'avais mise en garde sur la folie qu'elle s'apprêtait à faire, elle avait ri, me répondant qu'elle était entre les mains du plus beau et du meilleur des plongeurs.

    Après quelques longues minutes de descente, à un rythme régulier et soutenu, l'arche nous apparut, l'obscurité la parant d'une aura mystérieuse, comme une bouche ouverte vers l'inconnu. Je décidai que le moment était venu. Je récupérai un petit rouleau plastifié coincé à l'intérieur de mon gant gauche, et le montrai à Markus qui dirigea dessus le faisceau de sa torche. Son air surpris m'indiqua qu'il ne comprenait pas ce qu’il lisait et cherchait à décoder ce qui se cachait derrière ce message. Puis, je vis à son regard que l’information atteignait son cerveau, et que l’incompréhension laissait la place à une incertitude teintée de crainte.
    D'un coup précis porté avec le poignard que j'avais discrètement dégagé de sa gaine, je tranchai son arrivée d'air, et le repoussai violemment. J'éteignis ma lampe. Je ne voulais pas le voir disparaître comme il avait certainement vu mon âme sœur le faire. Seule une lueur s’estompant progressivement me confirma l'issue fatale.

    Ma petite pancarte chuta plus lentement pour rejoindre, par plus de cent mètres de fond, celui à qui elle était destinée.
    Markus pourrait y lire pour l’éternité : « Souviens-toi de Laure ».
    Ipyu le 06 août 2021
    Parfois, quand le silence est trop fort, quand l'absence est trop présente, quand le rien fait trop mal, je pars te retrouver. C'est comme une épopée, un peu toujours la même, un vieux livre écorné, un rêve de bohème. Dans l'interstice du temps où tu existes encore, je me retrouve, je me love et je m'endors.


    Je retrouve les vieux trésors, les machins à remonter le temps, le mail que j'ai encore, les gilets râpeux d'avant. J'appelle à moi ton fantôme qui sent la clope et le vin rouge, je conjure ta voix fatiguée et ton regard qui approuve. J’imagine ta tête de géant se cogner contre le chambranle de l’entrée, les accents lointains de la radio que tu écoutais.


    Il y a des vidéos et des milliers de photos, dans un palais pour te dire que t’es beau. Ton petit sourire en coin et tes airs taquins. 


    Un jour tu m’as dit “heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière”. C’était pas exactement ça, je crois. Mais je me suis fêlée sans toi. Je me suis fêlée de l’absence de toi. Pour que tu puisses passer, par les trous que j’ai laissés.


    Alors je les emporte avec moi. Les vieux trésors, les machins à remonter le temps, les bols en décor et les ordinateurs trop lents. Les canapés qui se détériorent et les meubles en bois d’antan. Les mots pour éclore et les sourires beaucoup trop grands.


    Et quand le soir est là trop tôt, quand je me refuse au lendemain et que tout semble perdre pied, je refais le chemin que je faisais alors. De ma petite chambre isolée, si loin, tout en haut de la maison, jusqu’en haut des grands escaliers en bois qui craquent et qui grincent. J’ai dans mes bras la petite couverture bleue et un coussin qui devait faire ma taille. Et je m’allonge là, pelotonnée sur l’oreiller, à écouter, écouter jusqu’à m’endormir, écouter jusqu’à me téléporter.


    Je rêve de mes descentes en vélo jusqu’à ta maison immense et si petite à la fois, où l’odeur de poussière et de clope froide figeait le temps. Je rêve de l’immense porte en bois, une porte à ta taille, au loquet si lourd que je le soulevais à peine. Je rêve de la vieille serrure en métal qu’il faut tirer de toutes ses forces, et de ton sourire de l’autre côté.


    Alors je les serre fort contre moi, les  vieux trésors, les machins à remonter le temps. Les livres qui commémorent, les chemises de titan. Les cadeaux qui valent de l’or, les millions de petits riens d’un instant. Les papiers par pléthore, les CD invitants. Les fêlures que je déplore, les valeurs de mon cœur palpitant.


    Parfois, quand le silence est trop fort, quand l'absence est trop présente, quand le rien fait trop mal, je pars te retrouver. C’est comme une épopée, et l’arrivée est toujours un peu la même. Aujourd’hui aussi, même si tout est parfois trop fort, trop présent et trop malheureux, je prendrais soin du plus beau souvenir que tu m’as offert le premier jour où tu m’as pris dans tes bras pour me souhaiter bienvenue dans ce monde.
    Walex le 07 août 2021
    Bien sympa ton texte JML38 ;)
    charlene_bzh le 07 août 2021
    Votre texte est tout en émotions Eliith
    patrick-albert-bawe le 07 août 2021
    Il en manque un bout je vous l envoie par mail si vous voulez. M merci pour émotion.  C est bien ça.  Belle journée.
    mfrance le 07 août 2021
    Walex a dit :

    Bien sympa ton texte JML38 ;)


    Ce n'est pas tout à fait ce que je dirais ....... je dirais plutôt : mortel ton texte JML38  
    et en tout cas très agréablement écrit comme d'habitude !
    JML38 le 07 août 2021
    Merci Walex et mfrance  
    J'ai eu envie de surprendre avec cette nouvelle.

    Avec un peu de retard :
    Félicitation Walex pour le défi de juillet et cette balade dans les îles.
    Sympa mfrance ton "crépuscule de Dieux" où était-ce "Les Dieux sont tombés sur la tête" ?
    Tocca le 08 août 2021
    C'est impressionnant à quel point les lieux changent en quelques dizaines d'années. Ce que j'ai redécouvert aujourd'hui, en retournant dans l’appartement de mon enfance, n'a presque plus rien à voir avec ce que je voyais à l'époque. Peut-être ma mémoire a-t-elle déformé les choses, mais j'ai été choqué par l'écart entre le calme aseptisé que j'avais sous mes yeux et l'impression de jungle permanente qui régnait dans mon souvenir.

    Je me rappelle encore du dédale urbain qu'il fallait traverser quand je rentrais de l'école. Même si ce n'était qu'une petite ville, il s'y passait toujours quelque chose. Entre les spectacles de cirque, les bals dansants, les défilés de vieilles voitures, les tournois sportifs, les démonstrations de cuisine, mon quartier était constamment animé par une foule aussi bigarrée que joyeuse. Et la circulation ! C'était un de ces bazars ! Des voitures qui roulaient dans tous les sens, se klaxonnaient, passaient sans cesse à un chouïa de se percuter.

    Ma mère me répétait tous les jours qu'il me fallait faire attention, que je risquais d’être victime d’un accident. Mais ma mère ne faisait pas le trajet matin et soir comme moi, elle ne connaissait pas le quartier comme je le connaissais, avec son rythme, ses règles, ses habitudes.  Pour celui qui savait où mettre les pieds, à qui dire bonjour, de qui se méfier, la ville n'avait rien de dangereux, bien au contraire. Pour celui qui en était familier, ce désordre apparent apportait beaucoup plus de confort et de sérénité que s'il avait fallu emprunter des rues désertes.

    D’autant plus qu’il y avait le commissariat, la caserne militaire et les pompiers. Les forces du Bien étaient toujours à proximité, où qu'on soit, aptes à réagir immédiatement au moindre problème. Ah, combien de temps j'ai passé à rêver de devenir comme eux en grandissant ! C'étaient mes héros ! Comme tous les gamins, je suppose. Mais moi, j'avais eu la chance de participer à certaines de leurs interventions : suivre les policiers dans une course poursuite avec des brigands, aider les soldats à neutraliser la bande de cow-boys qui venait semer la pagaille depuis l'autre bout de la ville, accompagner les pompiers au secours d'un immeuble sur le point de s'écrouler… Je me souviens de ce coin de la ville où l'immobilier causait tant de problèmes : il était constamment en chantier ! À toute période de l'année, des bâtiments sortaient de terre à la va-vite, et, sitôt achevés, certains étaient déjà démolis pour qu’un nouveau chantier démarre sur leurs ruines. On retrouvait parfois des gravats jusqu'au cœur du centre-ville tant cet enchaînement de constructions et de démolitions était mal géré. C’était une cause fréquente de problèmes de circulation.

    Mais les pires ennemis du trafic venaient du zoo. Il était magnifique, ce zoo, je m'en souviens comme si c'était hier ! Il se trouvait si près de chez moi que je pouvais passer devant tous les soirs pour admirer les animaux. Il m'arrivait même d'en caresser certains, quand ils se laissaient faire. Il y avait Horace l'hippopotame, Simba le lion, Gustave l'éléphant, Sophie la girafe. Il y avait les ours, les lémuriens, les chameaux, les pandas. Et tous vivaient plus ou moins ensemble, dans une même grande cage. Alors forcément, parfois, ça créait des tensions : certains parvenaient à s’échapper et venaient errer dans tous les coins de la ville. J’en ai souvent retrouvé chez moi, c’est pour dire ! Quand il s’agissait d’un lémurien ou d’un panda, ce n'était pas trop grave. C'était même mignon, et il m'est arrivé quelques fois de ne rien dire pour les garder avec moi quelques jours avant de les renvoyer au zoo. Mais quand l'éléphant s'échappait et allait vers le centre-ville, c'était la panique !

    Moi, je les comprenais, ces pauvres bêtes : des animaux comme ça, c'est fait pour être libre, pas pour rester enfermé toute la journée. Ma mère, elle, n'était pas de cet avis. Quand elle voyait un animal échappé, c'était la première à contacter le zoo pour l'y reconduire au plus vite. Les rares fois où j'ai osé m'opposer à elle pour plaider la cause du bien-être animal, je me suis fait vertement réprimander ! Pourtant, elle devait bien être sensible à ce sujet. Tenez, par exemple, elle m'interdisait de sauter sur mon lit ou de faire du bruit passée une certaine heure du soir, sous prétexte que ça risquait de réveiller les moutons – il y avait une bergerie juste en-dessous. Mais il faut croire que son obsession pour l’ordre était plus forte que sa sensibilité.

    Voilà où ça a mené, d'ailleurs. À ce coup de vieux, en revoyant ma chambre d'enfant complètement vidée et nettoyée : sous mon lit, les moutons se sont transformés en petits tas de poussière ; le zoo n'est plus qu'une malle pleine de peluches, d'où dépassent tout juste les pattes de ma gigantesque peluche d'éléphant ; mes constructions ont été défaites, et tous les Lego rangés dans un carton ; mon tapis de sol illustré de routes et de bâtiments gît roulé dans un coin ; les voitures et les camions de pompiers sont allés rejoindre les Playmobil et les petits soldats dans une autre caisse.

    En l'espace de quelques dizaines d'années, le monde fantastique qu’était ma chambre d'enfant s'est transformé en simple pièce d'appartement.

    J'ai pris un coup de vieux.
    Sayuki74 le 08 août 2021

    Eux sur la photo


    Eté 198….

    C’est une longue tablée à l’ombre de la résidence familiale. C’est une maison située en montagne, presque à l’orée des bois avec une rivière tumultueuse que l’on entend chanter, surtout en fin d’après-midi, quand tout est plus calme et que l’air s’est rafraîchi, faisant bruisser les feuilles des arbres abritant la maisonnée.
    Famille et voisins sont réunis autour de la table pour l’un des traditionnels repas d’été. Certains ne se croiseront que le temps de la saison et fermeront leur résidence à la fin de l’été, d’autres vivent là à l’année.
    Rires, mets et vins délicieux… le repas s’est un peu éternisé, le plaisir d’être ensemble ayant suspendu les heures.
    Certains s’en sont allés définitivement, d’autres sont partis en Angleterre, en Ecosse, au Canada…
    Nous ne sommes déjà plus des enfants sur cette photo. Adolescents, nous sommes à l’âge des possibles, nous n’allons pas revenir très souvent dans la maison ayant des amours à vivre, d’autres vies à vivre que celle de cette enfance préservée.
    Cet endroit a été le paradis des enfants, un immense espace de liberté : des jeux en forêt, au bord de la rivière, des retrouvailles au fil des années pendant les vacances scolaires. Des journées entières à jouer, insouciants et le plaisir de prolonger ensemble la journée, dans le dortoir des enfants le soir.
    Et la saveur inoubliable des somptueuses omelettes aux champignons fraîchement cueillis en forêt, partagées avec toute la maisonnée dans l’ambiance prégnante du chauffage au bois, allumé le soir, en toute saison.
    C’est cette odeur de chauffage au bois qui invariablement me ramène à la maison de notre enfance. C’est un souvenir olfactif qui déclenche le processus de la mémoire.
    D’autres odeurs déclenchent ce processus : l’odeur d’une tomate bien mûre à la fin d’une chaude journée d’été dans le jardin, l’odeur de la terre après un orage d’été, l’odeur d’un tilleul qui m’accompagne à nouveau dans la cour de la maison de ma grand-mère, l’odeur du sable chaud et la brise marine qui me fait voyager dans le temps sur cette plage au bord de l’Atlantique et manger une merveilleuse glace à la pêche, l’odeur des platanes de cours d’écoles qui déclenche le spleen de la rentrée.
    Il y a également une saveur, celle des reines-claudes dans le verger de la maison de ma grand-mère : chipées sur l’arbre aux premières heures du jour, les pieds nus dans les sandales, les pieds nus dans la rosée du matin.
    Et soudain cette boule de nostalgie au fond de la gorge et ces larmes que l’on retient…
    Ils s’en sont allés eux sur la photo. Restent les souvenirs, ces instants de vie.

    8 août 2021

    claudaix le 08 août 2021
    LA PLANCHE A ROULETTES (extrait de Mulsans-les paradis perdus)
    Ni portable, ni tablette, ni console, ni télé Nous avions une planche à roulettes et la rue principale de Mulsans où ne circulaient que trois véhicules une fois par semaine, le car pour se rendre à Blois, le camion du boulanger et celui de l’épicier. Parfois, un cheval conduit chez le maréchal ferrant pour réfection de sabots. Le village et les champs nous appartenaient.
    Dehors du matin au soir, genoux couronnés badigeonnés de merchurochrome, on grandissait au bon air de la campagne pendant toutes les vacances d’été. On oubliait Paris, on oubliait l’école, on oubliait la pluie. Le mardi soir, on écoutait « les maîtres du mystère » sur le vieux poste de radio qui grésillait et souvent je m’endormais avant la fin. Les bras aimants de Maria me transportaient jusque dans le grand lit en fer forgé. Je manquais le bonbon du soir et la chemise de nuit. Elle me racontait la suite le lendemain matin en me beurrant de larges tartines d’un pain au goût unique que je n’ai plus jamais retrouvé.
    Lili-Claude Niedzielski
    JML38 le 09 août 2021
    Charly

    La nouvelle venait de tomber, le prix Nobel de médecine avait été décerné à Élisabeth Combe, une spécialiste du cerveau humain, pour ses travaux avant-gardistes ayant permis une importante avancée dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le patient de la chambre 102 y prêta peu d’attention, si ce n’est qu’il apprécia le visage et la plastique de la belle femme qui apparaissait à l’écran.

    La semaine précédente, le 10 juin précisément, il s’était réveillé dans cette chambre d’hôpital, l’esprit embrouillé par une ce qu’il pensait être une grosse nuit de sommeil. Il ne s’était pas inquiété de voir entrer un homme entre deux âges en blouse blanche. Quoi de plus normal que la visite d’un médecin dans cet endroit ?
    - Bonjour, comment vous sentez-vous, avait demandé le toubib de façon on ne peut plus classique.
    - Bien. Juste un peu vaseux. Quelle heure est-il, s’il vous plaît ?
    - Il est bientôt midi, avait répondu le médecin.
    - Ah ! j’ai dormi aussi longtemps ?
    - Comment ça ?
    - Comme je me rappelle être arrivé le 9 dans la soirée, c’est qu’on est le lendemain et que j’ai dormi jusque-là.
    Le médecin s’était gratté la tête, se demandant comment annoncer à son patient ce qu’il en était réellement.
    - Vous êtes effectivement arrivé dans mon service le 9 juin... mais en 2020.
    - Et alors ?
    - Alors nous sommes en 2021.
    - Vous avez fait l’école du rire en plus de médecine, docteur ?
    - Je vous assure, vous êtes resté dans le coma pendant toute une année.
    - Et je me réveille comme ça, comme une fleur, je vous parle sans trop de problèmes, me souvenant du jour de mon arrivée ici. J’ai du mal à comprendre là. Si vous pouviez éclairer un peu ma lanterne.
    - Je vous avoue humblement ne pas tout maîtriser. Que vous puissiez parler comme si vous aviez juste dormi une nuit est franchement bluffant. En revanche je suis moins optimiste que vous en ce qui concerne ce dont vous vous souvenez vraiment. Pouvez-vous me dire votre nom ?
    - Là, c’est une colle. Je ne sais pas. Vous non plus ?
    - Non, votre identité est un mystère. Quels sont vos derniers souvenirs ?
    - Attendez. J’ai eu un accident de voiture, non ? Je suis monté dans un véhicule. J’étais avec une dame, la conductrice vraisemblablement. Ensuite... c’est vrai que c’est un peu le trou noir. Un choc, des lumières... et puis plus rien jusqu’à maintenant.
    - C’est étrange. Il doit vous manquer quelques éléments importants. D’après ce que je sais, vous avez été retrouvé seul dans la voiture, et à la place conducteur.
    - Étonnant en effet. Et pourquoi suis-je persuadé que c’était le 9 juin ? Ça au moins c’est correct.
    - Difficile à dire, votre cerveau a certainement mémorisé cette dernière journée consciente, qui avait peut-être une importance particulière pour vous. Reposez-vous, nous en reparlerons plus tard. Nous allons faire quelques examens complémentaires.

    Depuis, la situation avait peu évolué. Scanner et IRM n’avaient rien révélé, sinon une zone endommagée dans la région où le cerveau stockait les souvenirs, qui restaient toujours aussi fugaces. À la télé, la belle chercheuse se pavanait devant une armée de journalistes conquis. C’était son jour de gloire. Il réprima un petit rire nerveux. Cette belle brune était une spécialiste mondiale de l’organe qui était plein de trous chez lui. Se concentrant sur l’image, il ressentit une étrange impression, comme un léger déjà vu. Les gros plans montraient une petite cicatrice au-dessus du sourcil droit de la scientifique. Pourquoi cette petite imperfection qui se remarquait vraiment à peine sur ce beau visage attirait-elle irrésistiblement son regard ?

    Quelques flashs illuminèrent les nuits suivantes. Il se revit de façon très floue dans une salle, allongé sur un autre lit, entouré d’étranges appareils qui clignotaient comme autant d’arbres de Noël. La belle dame de la télé apparaissait également dans ces songes. Elle semblait lui parler, ainsi qu’à d’autres personnes qui s’agitaient autour d’elle. Tout cela était tellement bizarre. Il devait en faire part au docteur.

    La seconde nouvelle tomba quelques jours plus tard. Le scandale éclaboussa le milieu médical et le monde scientifique dans son ensemble. La fameuse avancée dans le domaine de l’intelligence artificielle, celle qui avait valu la plus haute distinction à Madame Combe, qui laissait entrevoir un monde nouveau, n’était que le produit d’expériences interdites. Des apprentis sorciers avaient profité de leur renommée et de leurs connaissances pour arriver à transférer les souvenirs d’êtres humains dans ce que l’on pourrait appeler communément des machines.

    Tout cela, le patient l’apprit une fois de plus à la télé, revoyant la scientifique brune, beaucoup moins à son avantage mais toujours très belle. Il se demandait toutefois quel lien il pouvait bien avoir avec elle, si ce n’est qu’elle avait volé des souvenirs et que lui avait perdu les siens. Y avait-il une relation de cause à effet ? Le fait qu’elle apparaisse dans ses rêves avait certainement son importance.

    Le déroulement de l’affaire fut minutieusement détaillé aux informations nationales. Ce qui avait permis à la police de découvrir l’affaire tenait, comme souvent, à la trop grande ambition des délinquants qui n’avaient pas su s’arrêter à temps, voulant toujours aller plus loin, plus vite, ne prenant pas suffisamment de précautions pour effacer leurs traces et faire disparaître les témoins. La multiplication de cas de personnes hospitalisées avec des pertes de mémoire et des cicatrices similaires au niveau du cerveau avait mis la puce à l’oreille des enquêteurs. Ce ne fut ensuite qu’une question de temps pour qu’ils remontent toute la chaîne et retrouvent les responsables ainsi que le lieu où se passaient leurs sombres activités. Selon eux, certaines victimes ayant échappés à une élimination pure et simple restaient encore à retrouver.

    Pour le patient de la chambre 102, plus de doute, il faisait partie du lot. Il avait juste eu plus de chance que d’autres en se retrouvant à l’hôpital. Un policier vint le voir pour recueillir son témoignage et surtout lui en apprendre plus sur sa triste expérience. Une histoire qui s’avéra d’une affligeante banalité l’atteignant dans son orgueil de mâle. Il s’était le plus bêtement du monde laissé abuser par un sourire ravageur, une petite cicatrice au-dessus d’un sourcil droit, et la promesse d’une belle aventure. Les hormones avaient embrumé un cerveau qui représentait en fait l’unique intérêt de la jolie brune. Un pseudo accident de la route devait ensuite mettre un terme à sa collaboration non consentante à l’avancée de la science. Sa vie n’avait tenu qu’à un fil, une tête solide et un certain manque d’expérience des exécuteurs des basses œuvres.

    Il ne comprenait pas vraiment comment ses souvenirs avaient pu alimenter un robot. Quel robot d’ailleurs ? Un robot pour faire quoi ?
    - Bonjour, comment vous sentez-vous ? Lui demanda une fois de plus le toubib. Je suis vraiment désolé de ce qui vous est arrivé. C’est vraiment incroyable, nous vivons dans un monde de fous. Tout ça pour construire des machines avec une mémoire. L’intelligence artificielle, l’avenir qu’on nous promet pour demain, cela se présente plutôt mal.
    - Des lendemains qui déchantent pour des gens comme moi. Ma mémoire qui se trouve quelque part dans une machine, qui raconte peut-être ma vie à d’autres, c’est terriblement frustrant.

    - Ce que vous dites m’y fait penser. Nous avons un robot conteur pour amuser les enfants en longs séjours chez nous. Il leur raconte de belles histoires. Je n’ose vous proposer de participer à une séance.
    - Au contraire, cela m’intrigue.
    - Bien, suivez-moi alors. Cela vous fera au moins passer un moment en bonne compagnie.

    Il entra dans une pièce où une dizaine de mômes d’âges différents se tenaient assis autour de ce qui ressemblait à R2-D2 s’exprimant comme C-3PO. Il fit comme eux, en s’asseyant sur un pouf.
    Le robot commença par se présenter. Il s’appelait Charly. Il évoqua son enfance, ses vacances en famille au bord de la mer...

    - Monsieur, monsieur, réveillez-vous.
    Des gamins le secouaient. Il se demanda ce qui se passait avant de se rappeler qu’il était venu écouter Charly. Ce nom résonna étrangement en lui.
    - Que passe-t-il, je me suis endormi ?
    - Oui, lui dit l’un des grands, pendant que Charly parlait vous avez piqué du nez. Puis vous avez commencé à parler vous aussi, reprenant Charly sur certains détails de son histoire. Lui vous répondait, reconnaissant que vous aviez raison sur certains points, mais vous contredisant sur d’autres. Un vrai dialogue, comme si vous aviez tous les deux vécu la même chose. Bon il faut aller manger, on reprend demain, revenez, c’est trop bien avec vous.
    Le nom de Charly évoquait un souvenir. Un jardin, une allée, un étang et une voix qui disait « fais attention Charly, ne t’approche pas de l’eau ».
    Serait-ce possible que sa mémoire soit devenue celle du robot ? Que dans son cerveau à lui il y ait comme une sauvegarde qui se réactivait à mesure que la machine racontait ses souvenirs, leurs souvenirs ?

    Le docteur entra.
    - Docteur, j’ai retrouvé mes souvenirs.
    - Vous avez retrouvé la mémoire ?
    - Je sais où elle est.
    - Et où ça ?
    - Là, dit le Charly de la chambre 102 en montrant la tête de Charly le robot. Et je pense que nous avons beaucoup à nous raconter lui et moi. N’est-ce pas Charly ?
    franceflamboyant le 09 août 2021
    Charlene_bzh : j'aime votre texte. Ecriture fluide.

    Cécile 2020 : joli texte aussi.

    JML38 : le premier texte a une chute  très adroite.
    LeDiD06 le 09 août 2021
    Pour le mois d’août, le thème du défi d’écriture sera : Les souvenirs…

    Ah bah d’accord, merci, plus vague on ne fait pas !

    Il faut que je vous dise, des souvenirs j’en ai à la pelle, des tas, des centaines, des milliers, je ne les ai pas comptés mais des centaines, ça j’en suis sûr !

    Ma vie est remplie de choses qui se sont passées et qui se sont transformées en souvenirs. Transformées c’est bien le mot parce qu’avec le temps, pas sûr que ce que je me rappelle c’est ce qui s’est vraiment passé, faudrait que j’aie une mémoire d’éléphant pour avoir tout enregistré, les gens, les paroles, les couleurs, le temps qu’il faisait, tout quoi, tout ce qu’il faut pour que je me souvienne exactement de comment c’était en vrai.

    Mais non je n’ai pas une mémoire d’éléphant, alors je me souviens de pas mal de choses, beaucoup même, mais j’ai comme l’impression que j’en ai oublié encore plus, que mes souvenirs me trompent, quoi.

    Ce n’est pas marrant parce qu’il y a des choses que je donnerais bien tout pour pouvoir revivre tout ça encore une fois, rien qu’une fois telle que c’était, pour pouvoir comprendre ce qui s’est passé et pourquoi j’étais là et pourquoi qu’elle a dit ça et pourquoi que je l’ai frappée.

    Le juge il ne pouvait pas comprendre que je ne me rappelle pas…
    franceflamboyant le 09 août 2021
    LeDiD06, le sujet est effectivement on ne peut plus large...
    franceflamboyant le 09 août 2021
    Ce qui rend la tâche difficile pour de multiples raisons...
    Ephonyel le 09 août 2021
    Lorsque j'étais petite, c'était toi qui prenais mon parti lorsque je ne voulais pas manger mes légumes à table (au grand dam de maman et de ma grande sœur), c'était toi aussi qui avais eu la patience (et il t'en avait fallu beaucoup) de m'apprendre à rouler à vélo et de m'aider à me relever à chacune de mes acrobaties manquées. Des films, nous nous en sommes fait beaucoup, autant sur grand écran noir, calés dans les fauteuils rouges inconfortables d'une vieille salle de cinéma, que dans la vraie vie en nous imaginant celle des inconnus que nous croisions dans la rue. C'était toi qui avait fait fleurir ma bibliothèque de livres et qui m'avait poussée, bien plus tard, à en écrire. Aujourd'hui, tu n'es plus là mais je ressens ta présence partout. J'ai une pensée émue pour toi aussi bien lorsque je prends mon deux-roues pour voguer à l'aventure dans les rues amstellodamoises que lorsque je m'impatiente dans la salle obscure durant les cinq minutes précédant le lancement du film. Ma bibliothèque est toujours en construction, les ouvrages s'empilent, en attente d'être lus. Tu me manques, le temps s'est brusquement arrêté depuis que tu es parti. Bonne fête papa, de là où tu es et de là où je suis, je porterai un toast en ton honneur.
    franceflamboyant le 09 août 2021
    Patrick-albert-bawe : il y a un problème avec votre texte. Vous reprenez beaucoup de passages déjà publiés...Dommage. Il faudrait reprogrammer l'ensemble...
    franceflamboyant le 10 août 2021
    Eliit : beau texte !
    franceflamboyant le 10 août 2021
    Bart, Otto, Ricardo et Adolf,
    souvenirs croisés.

    11 mai 1960

    Buenos Aires
    Quartier de San Fernando
    Ricardo Klement

    C'était un jour ordinaire où j'avais dû partir  travailler de bon matin pour revenir le soir, fatigué de ma journée. J'étais un mécanicien sérieux sur lequel on pouvait compter même si ma prise de poste était récente. Je n'étais guère à Buenos Aires que depuis le mois de juillet 1959 mais j'avais de bonnes références. J'étais un manuel, un ouvrier polyvalent, adaptable et solide. Bien sûr, je regrettais San Miguel de Tucuman, une belle ville située à plus de cinq cents kilomètres de là, près de la Cordillère. J'y avais travaillé dans une usine hydroélectrique. A San Miguel, l’atmosphère  était, on va dire, plus chaleureuse et provinciale et j'y avais mes habitudes, y ayant passé neuf ans. Depuis 1952, je n'y avais plus vécu seul, ma chère femme et mes trois fils m'ayant rejoint. J'avais pu compter sur « l'Organisation » pour ce transfert. Du reste, j'avais toujours pu compter sur elle. Oui, Tucuman, ça avait été des temps heureux mais il m'avait fallu  tout quitter pour aller travailler dans une usine Mercedes Benz. Bah ! C'était comme ça.
    Mais je reviens à ce jour ordinaire. Le soleil s'était couché depuis un moment déjà et je venais de descendre du bus. Comme chaque soir, j'ai allumé ma lampe de poche  et me suis mis en route. Il me fallait faire une petite marche pour arriver à mon domicile. Véra était à la maison avec Klaus, Horst Adolf et Dieter Helmut et bien sûr, elle veillait par dessus tout sur Ricardo Francisco, notre petit dernier. Eh oui, une famille de garçons où on parlait allemand à la maison et espagnol dehors. J'aime la vie de famille, je suis un bon mari et un bon père et je ne néglige pas notre origine allemande. Notre origine et notre orientation politique. Je sais que certains nous considèrent comme d'irrécupérables et dangereux nostalgiques car l'idéologie nazie nous convient toujours mais nous ne sommes pas du même avis. Un jour viendra où le drapeau honni du troisième reich retrouvera toute sa grandeur...
    Mais bref...Les jours de semaines se ressemblent. Celui là ne promettait pas d'être différent. Pourtant, c'est arrivé. Tout a été très rapide. Attaque dans une semi obscurité, coups et transfert dans une voiture qui a démarré aussitôt. On m'a bandé les yeux. J'ai dit :
    -Je suis Ricardo Klement. Mes papiers sont en règle. Je rentre chez moi, rue Garibalbi.
    Une voix ferme m'a répondu :
    -J'arrête Adolf Eichmann non Ricardo Klement
    Ce ne pouvait être des Allemands. Ils auraient demandé l'extradition et dû étayer leur requête. Des Juifs alors? Oui, des Juifs. Le Mossad...J'ai mis assez peu de temps à savoir que j'avais raison. Issed Hared, chef du Mossad, avait commandité tout cela. Il m'avait envoyé quelques sous fifres. Un certain Tzi Aharoni m'a dit m'avoir suivi dans le bus pour bien s'imprégner de ma façon d'être. Quant Rafi Eitan, celui qui avait l'air de commander les autres, il devait avoir envie de m'étrangler pour en finir plus vite mais il ne l'a pas fait. Encore un de ces idéalistes qui pensent qu'un criminel de mon calibre doit être jugé et non assassiné par ceux qu'il a tués...La voiture roulait vite. Je me tenais très raide. Ainsi, ils allaient me livrer à Ben Gourion. Je leur ai dit, quand ils m'ont laissé respirer, que j'avais déjà accepté mon sort. C'est que doit faire un soldat, quel que soit son rang, surtout d'ailleurs s'il est de haut rang. Et c'était mon cas ! 
    Mais tout de même, comment était-ce possible ? J'avais toujours été protégé. A la fin de la guerre, quand il était plus que clair que c'était l'Ordre adverse qui emportait la mise, je m'étais caché. Ou plus exactement, j'avais endossé l'identité de l'Obergefre Bart, caporal de la Luftwaffe puis celle d'Otto Henninger, courageux bûcheron travaillant pour le frère d'un officier SS fait prisonnier. J'avais passé pas mal de temps à Eversen, près de Hambourg. Une bonne période vraiment. J'avais été déçu qu'elle prenne fin. On n'avait pas encore pris la mesure de la nécessaire épuration ethnique que le nazisme avait mis en place. Les charniers dans les forêts, les camions qui donnaient la mort, les camps, tout cela était encore nébuleux. Mais ça n'a pas duré. Le Nouvel Ordre en avait après nous et j'ai dû trouver des soutiens. Oh, ne vous inquiétez pas, ils sont venus d'eux-mêmes !  L’Église a été généreuse. Grâce à elle, j'ai pu rencontrer l’évêque Alois Hudal qui était responsable d'un des principaux réseaux d'exfiltration nazis. Il était de confiance. J'ai su plus tard qu'il avait porté secours à Stangl, Barbie et Mengele Pour ce qui est de Mengele, d'ailleurs, j'ai eu l'occasion de le croiser à Buenos Aires plus tard. Nous avions en commun le goût de certains restaurants mais rien de plus en somme. Bref, grâce à hudal, j'ai obtenu le premier juin 1950, à Gênes, un passeport humanitaire de la Croix Rouge internationale. Y figurait le nom de Ricardo Klement, né à Bolzano le 23 mai 1913. C'était parfait. Un italien, dans ces régions frontalières, parle sa langue avec un accent allemand. On ne serait pas surpris donc, que j'ai un accent quand je parlerai espagnol. Je suis parti. Mais revenons à mon enlèvement...Hared et ses sbires m'ont tenu enfermé dans une cave pendant dix jours et j'ai été interrogé sans cesse. Ils avaient de l'à propos, on ne peut pas dire...J'ai résisté d'abord puis fini par transiger. J'étais effectivement Adolf Eichmann. Je pensais avoir de puissants appuis qui trouveraient la geôle où me tenait caché et me libérerait mais ces agents du Mossad étaient vraiment rusés. Je n'ai pas été secouru.






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