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Le 26 septembre 1946 restera une date historique pour les jeunes de 7 à 77 ans. C'était un jeudi. Le premier numéro du journal Tintin prenait place dans les kiosques et dans les vitrines des marchands de journaux ...

Dans une vieille véranda à l'odeur toute particulière, sous ses tôles translucides jaunies par le temps, à côté d'un vieux fauteuil en rotin, était posée une malle en bois cerclée de ferrures. Elle débordait de vieux numéros du journal de Tintin, de Pilote et de l'Intrépide-Hurrah. Un peu plus loin, dans une salle à manger très sombre où personne n'avait plus mangé depuis longtemps, une vénérable pendule rythmait le temps. Quelques vieux pistolets d'abordage accrochés au mur, une vieille maquette sous globe, un vieux poste de radio qui avait autrefois crachotté les chroniques de Geneviève Tabouis et de Frédéric Pottecher, tout rappelait, ici et là, la valeur du temps. A l'étage, sur une planche fixée en haut des murs, une alignée de vieux livres semble parcourir toutes les chambres. De loin en loin, y revenaient les aventures de Brigitte. De la vieille cave sans véritable lumière, dont les enfants avaient un peu peur de soulever la trappe, au grenier où tous les fantômes de la famille avaient déposé un mystérieux bric à brac caché sous d'interminables draps blancs, du haut en bas de cette vieille maison, tout le bois craquait d'avoir trop vécu. Et l'été, venant d'on ne sait où, réapparaissant saison après saison, une petite tortue traversait flegmatiquement la maison d'un jardin à l'autre ... Cet album est comme une vieille malle à trésor, celle de la maison des vacances de mon enfance, celle de mes souvenirs, de mon imagination ou de la votre. De 7 à 77 ans, ces 7 à 777 pages célèbrent un anniversaire. Je ne suis pas forcément un admirateur forcené d'Hergé, d'Anquetil ou de Goscinny, depuis toujours je leur ai préféré Greg, Godard, Poulidor, Berck et Mitteï, Aidans, Liliane et Fred Funcken. Mais à tous, la bande-dessinée doit tant. Car si aujourd'hui de nouveaux auteurs peuvent y donner la pleine mesure de leur imagination et de leur talent, n'est-ce pas parce qu'ils peuvent poser leur palette sur la table à dessins de leurs anciens ? Le festival d'Angoulême ne serait pas vraiment lui-même sans Alfred le pingouin ! Et se retourner parfois pour voir dans le passé ce qui y a été réussi n'a jamais empêché de voir loin vers l'avenir. L'album est splendide. Il craque de toutes les coutures de ses 777 pages d'aventures de Strapontin, de Tounga, de Flamme d'Argent, de Rataplan, de Ric Hochet, de Martin Milan, d'Olivier Rameau ... Bref ! Ils sont venus, Ils sont tous là ... les héros qui ont fait le journal de Tintin ! Il ne me manque plus maintenant que de retrouver la vieille malle cerclée de fer ...

Le lendemain de la rentrée scolaire, en 1975, apparaissait, dans les kiosques, un nouvel hebdo pour lequel, du haut de mes 12 ans et muni des 3 francs que m'avait donnés ma mère, j'ai, lâchement et définitivement, laissé tomber Pif, ses amis et son gadget. Que la jeunesse peut être cruelle ! le premier numéro de "Nouveau Tintin" venait remplacer, pour l'édition française, un journal qui n'était plus, depuis longtemps, que l'ombre de ce qu'il avait représenté quelques années avant. Ce premier numéro du "Nouveau Tintin" redonnait un vrai nouveau souffle à l'hebdomadaire des jeunes de 7 à 77 ans. "Tintin et les picaros", une aventure inédite y créait l'événement. Résolument tourné vers la BD, cette nouvelle formule annonçait de nouvelles aventures de plusieurs héros qui, déjà, avait fait leurs preuves dans "Tintin" bien sûr mais aussi dans "Pilote". Blueberry dans "Angel Face", Achille Talon dans "l'homme à deux têtes", Bob Morane dans "les sortilèges de l'Ombre Jaune", Lucky Luke dans "la guérison des Dalton", Taka Takata dans "Taka et le caméléoscaphe", Steve Canyon par Milton Caniff et Michel Vaillant par Jean Graton assuraient le sommaire impressionnant des histoires à suivre... Le traditionnel récit complet, décliné désormais en 10 pages, nous présentait Boango, le fugitif...que l'on a pu retrouver, dans le sixième numéro avec "mille dollars pour un proscrit". Chaque mardi, une nouvelle couvertures soulignait l'accent donné à la BD. Cette formule paraîtra jusqu'en 1978. Elle aura offert à ses lecteurs 142 numéros dont les principales stars seront Red Dust, le fantôme du Bengale, Luc Orient, Rock Ambler, Dani Futuro, Chick Bill, Robin Dubois, Rick Hochet, Olivier Rameau, Buddy Longway, Magellan, Guy Lebleu, Johnny Hazard, Yann le Gaël, Bernard Prince, Rorika la fille des vikings, Jugurtha, Tounga, Jonathan, Mac Coy et bien sûr Chlorophylle le petit lérot... Un véritable festival de la BD et pour 3 Francs, c'était pas cher payé !