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Critique de Kirzy


Kirzy
22 février 2020
Quand on lit beaucoup et encore beaucoup de romans dans la catégorie thriller / policier, on a souvent l'impression de lire la même chose, ultra calibré et stéréotypé pour passer un bon moment dopé aux rebondissements et au final, ne garder qu'un souvenir quelque peu flou de ce moment de lecture. Point de cela avec ce premier roman passionnant et original qui jouent des codes du thriller pour les faire mijoter à sa sauce éco-thriller. Cela peut déstabiliser voire ennuyer, moi cela m'a littéralement captivée.

Forcément, cela passe par un le personnage principal fort et fascinant. Rice Moore est gardien de la réserve privée de Turk Mountain dans les montagnes du Sud-Ouest de la Virginie. Il retrouve des carcasses d'ours dépecées, affreusement mutilées, les pattes coupées, la vésicule biliaire enlevée. Lui, l'étranger venue d'Arizona est déterminé à protéger farouchement son territoire. Lui qui vivait en mode autarcique et misanthrope va être obligé de sortir de sa tanière, forcé à interagir avec des montagnards rugueux et hostiles à tout discours écologiste les privant de ce qu'ils estiment être leur droit ancestral de chasser.

Ce personnage est très intéressant car à la psychologie très complexe, empli de contradictions. On découvre petit à petit ( lors de passages qui changent de police d'écriture, effort de lisibilité très bien joué par la maison d'édition ) son passé tumultueux et violent d'homme en fuite vivant sous pseudo mais ayant une vraie ligne morale qui dirige sa vie pour peut-être atteindre une forme de rédemption. Ce iatus entre passé louche et présent juste incarnant une cause écologique légitime est puissamment utilisé comme un ressort essentiel du récit.

Dans La Gueule de l'ours est en bien plus qu'un thriller même si les cent dernières pages sont haletantes à souhait, le passé et le présent de Rice Moore se confondant au point de le menacer. La conclusion est superbe. Mais ce roman est avant tout un roman atmosphérique aux confins du genre Nature writing que j'apprécie tant. Les chapitres centraux où Rice semble fusionner avec la nature des Appalaches dans une ambiance quasi hallucinatoire sont remarquables. Lorsqu'il revêt son costume de ghillie ( une tenue de camouflage parfaite tissée d'herbes et de branchages, jusqu'à son odeur âpre ) pour traquer les braconniers d'ours, Rice s'ensauvage, semble se détourner de l'humanité pour mieux embrasser la nature, ce qui fait ressortir en lui cette violence venue d'un passé qu'il pensait avoir mis derrière lui. C'est brillant. le titre original " Bearskin" ( " peau d'ours" ) en garde cette force.

Un thriller écologique beau et immersif, riche en caractère avec ce choix de s'emparer d'un angle mort du thriller : le commerce illégal d'animaux sauvages et de leurs organes, qui a quasi décimé l'ours de Chine en une vingtaine d'années pour se reporter sur l'ours américain.

Lu dans le cadre du jury Grand Prix des Lectrices Elle 2020, catégorie polar / thriller
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